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Christine Boutin : le cadeau de la Saint-Valentin

Publié le 14 février 2012 par Sylvainrakotoarison

Après l’éclosion des petites candidatures en fin 2011, c’est maintenant la saison de leur abandon. C’est au tour de Christine Boutin de jeter l’éponge. 2012 ne sera décidément pas 2002.

yartiBoutin01À un mois du dépôt des candidatures, elle n’avait obtenu que trois cents des cinq cents précieux parrainages d’élus indispensables pour se présenter à l’élection présidentielle.

Invitée du journal de vingt heures de TF1 ce lundi 13 février 2012, Christine Boutin (68 ans) a annoncé son retrait de la course et son soutien à la très prochaine candidature de Nicolas Sarkozy : « [Il] rejoint les valeurs que je porte depuis plus de trente ans dans la vie politique française. ».

Pourtant, rien des dernières positions présidentielles, à part le refus du mariage homosexuel et de l’euthanasie active (l’euthanasie passive est déjà admise par la loi Léonetti du 22 avril 2005), n’est conforme aux valeurs chrétiennes dont l’ancienne ministre se sent dépositaire.

Revenons sur son itinéraire personnel.

Passionnée par la politique

La vie politique, elle s’y est passionnée très vite. Son père l’a amenée à la Salle des Quatre Colonnes à l’âge de 6 ans. C’était son lieu de travail, comme journaliste parlementaire. Elle s’est vraiment engagée avec la loi Veil, pour la combattre.

À 36 ans, elle fut élue maire d’Auffargis, une commune de deux mille habitants en bordure de la forêt de Rambouillet, puis conseillère générale (depuis trente ans), et adjointe au maire de Rambouillet sous trois mandats (auprès du futur ex-Président du Sénat Gérard Larcher).

Un après son élection de maire, ce fut le choc du 10 mai 1981 : « J’étais persuadée que les chars russes allaient arriver en France ! ».

À 42 ans, elle fut propulsée députée. C’était à la proportionnelle le 16 mars 1986 et elle a fait partie du quota barriste. Raymond Barre avait trois personnes qu’il voulait absolument placer en tête de liste en France : François Bayrou, Bruno Durieux, qui deviendra ministre de Michel Rocard, et Christine Boutin ; vu les faibles prétentions de Raymond Barre (il y a cinq cent soixante-dix-sept sièges), Jacques Chirac les accepta toutes les trois.

Elle fut réélue constamment députée jusqu’à sa nomination de ministre le 17 mai 2007. Elle fut chargée par Nicolas Sarkozy du Logement jusqu’au 23 juin 2009 où elle a été évincée sans élégance. Elle entretenait des relations exécrables avec sa sous-ministre Fadela Amara. Elle a été très déstabilisée par cette disgrâce : « J’ai fait les frais d’un jeu de chaises musicales. Quand Nicolas Sarkozy m’a reçue, il m’a juste dit : "Il faut que ça tourne !" Eh bien, c’est fait, j’ai tourné la page. ».

Ce n’est pas la première fois qu’elle a annoncé une candidature à l’élection présidentielle puisqu’elle a concouru déjà le 22 avril 2002. Elle est arrivée avant-dernière avec 1,2% des voix. Près de trois cent quarante mille voix.

Jusqu’à sa déclaration de candidature, en décembre 2001, elle était à l’UDF qui l’a exclue parce qu’elle se présentait contre un autre candidat de l’UDF (son président François Bayrou).

Qu’importe ! Elle avait déjà fondé son propre parti en mars 2001, le Forum des républicains sociaux, membre à part entière de l’UMP dès 2002 (comme au début le Parti radical) et qui s’est transformé le 20 juin 2009 en Parti chrétien-démocrate. Son objectif principal : « respecter la dignité de toute personne humaine, de sa conception à sa mort naturelle, avec la préoccupation prioritaire de la défense du plus faible ».

Conservatrice mais sociale

Souvent, on la place très à droite, ce qui n’est pas forcément très pertinent. Car elle a rédigé un rapport sur les prisons où au contraire, elle s’est montrée très sociale, à la limite du "gauchisme".

Elle a voté non au référendum européen du 29 mai 2005 car elle trouvait le traité trop libéral, ce qui pouvait selon elle renforcer la fracture sociale.

Sur la pauvreté, elle ne supportait pas, ministre du secteur, que certains citoyens n’eussent pas de toit et en mourussent de froid. Elle aurait été prête à les obliger d’accepter de se rendre dans des hébergements publics. Et elle a mis en œuvre le droit opposable au logement (raison de sa nomination par Nicolas Sarkozy ; elle était l’auteure d’une proposition de loi de ce type le 28 septembre 2005 et la rapporteure de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 dite loi DALO).

De plus, elle a proposé dans son ex-campagne de 2012 un revenu universel pour éviter les risques de sombrer dans la grande pauvreté.

Enfin, elle est favorable à la licence globale et rejette les lois répressives sur Internet.

Une fausse Bible contre le PACS

On la met très à droite parce qu’elle a brandi la Bible lors d’une séance mémorable à l’Assemblée Nationale. C’était le 3 novembre 1998 et elle avait prononcé un discours pendant cinq heures et demi à la tribune pour s’opposer au PACS. En fait, c’était le règlement de l’assemblée qu’elle avait sorti. Qu’importe ! La célébrité lui fut acquise.

À la séance des questions au gouvernement du 2 décembre 1998 présidée par Laurent Fabius, un incident l’opposa au chef du gouvernement, Lionel Jospin, qui l’a attaquée durement avec une expression tranchée et humiliante : « C’est le choix de confier la vision de ce problème à une députée marginale sur ces questions et outrancières dans ses propos qui a créé des problèmes. Il y a deux façons d’agir : il y a celui qui dit "Je suis droit dans mes bottes", et il y a celui qui préfère ajuster, reprendre et qui préfère dire : "Je suis souple dans mes baskets" ! ».

Cette déclaration contre cette « obstination dans l’obstruction » l’a plongée dans les pleurs. Oui, elle est très émotive. Quelques minutes après, elle a reçu un énigmatique bouquet de fleurs. Il paraît qu’il provenait d’une personnalité de gauche (on cite généralement Jack Lang).

Voir la vidéo très vaudevillesque de l’INA ici.



En tout cas, à la fin des débats (la loi a été promulguée le 13 octobre 1999), la Garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, lui a quand même rendu hommage pour rattraper l’incident : « Vous m’avez émue par votre courage et surtout, par la netteté de votre propos et sa sincérité. ».

En fait, ce n’est pas dans le clivage droite/gauche qu’il faut mettre le curseur pour la comprendre mais dans sa foi catholique qui se traduit par un engagement politique très fort.

Engagement catholique

Ainsi, elle considère l’homosexualité comme un problème. Elle est contre l’avortement, contre l’euthanasie mais pour le renforcement des soins palliatifs, et favorable à l’inscription de la reconnaissance des racines chrétiennes de l’Europe dans les traités européens.

Son principe contre l’avortement et l’euthanasie est très logique : « À partir du moment où on manipule le début de la vie, on fragilise l’ensemble de la chaîne humaine. ».

Elle n’a pas toujours été une catholique fervente. Au contraire, après une hésitation à devenir religieuse au début de sa vie, elle s’est vite éloignée de la religion encouragée par son mari : « Je me demandais comment une assemblée composée d’hommes pouvait parler de contraception ! ».

Devenue députée, elle s’est surtout intéressée aux questions de bioéthique, et c’est là que le déclic a eu lieu : « Je suis tombée sur le texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Ils arrivaient aux mêmes conclusions que moi ! ».

Elle explique ainsi sa proximité avec l’Église : « Ma foi est fondée sur une expertise en humanité qu’a l’Église et que je vérifie au quotidien. » en rappelant qu’elle a été élevée dans une famille recomposée (sa mère étant morte quand elle avait 5 ans) et que quelqu’un de son entourage proche a connu les problèmes de la stérilité.

Émotive et indépendante

Très contente de sa notoriété avec le débat du PACS, elle fut très choquée par la marionnette que lui ont faite les Guignols de l’Info sur Canal Plus : une truie. Alors, elle décida de changer de look, en faisant un régime, en coupant ses cheveux courts et en leur redonnant leur couleur naturelle.

Elle a très mal vécu son départ du gouvernement en été 2009 et pour rester indépendante, elle a renoncé à reprendre son mandat de député et a refusé le prestigieux poste d’ambassadeur au Vatican qu’on lui a proposé.

Elle accepta cependant une mission dans le cadre du G20 sur les conséquences sociales de la mondialisation qui a abouti au scandale de sa rémunération révélée par le Canard Enchaîné du 9 juin 2010. La polémique a eu pour conséquence que les ministres ne pouvaient plus cumuler leur retraite de parlementaires avec leurs rémunérations (ce qui était vraiment scandaleux).

L’aventure de 2012

À Montfermeil, elle a annoncé le 23 juin 2011 sa candidature à l’élection présidentielle mais elle a menacé en décembre de faire exploser une bombe nucléaire si elle n’obtenait pas ses parrainages. La bombe en question, cela aurait été de soutenir François Bayrou au premier tour, qui a cependant dit qu’il ne voulait pas vraiment de son soutien. Finalement, elle vient de rejoindre Nicolas Sarkozy comme en 2007.

Fin 2010, elle disait à l’AFP de sa candidature : « Si j’ai fait 1,19% la dernière fois, honnêtement, cette fois-ci, je ferai plus. J’ai une notoriété plus importante. Et si je fais 2 ou 3%, mes suffrages seront indispensables pour gagner. ».

C’est peut-être cela, la foi qui habite l’âme et anime l’esprit, une capacité très solide à s’engager en toute autonomie et à mener un combat qui serait (de toute façon) perdu d’avance, en entraînant avec elle plus d’une dizaine de milliers d’affidés.

Parmi ses inattendus admirateurs, il y a eu le chanteur Francis Lalanne qui parle d’elle d’une manière très passionnelle : « [Elle] est de cette fibre que d’aucuns voudraient bien aujourd’hui déraciner, mais qui renaîtra toujours sa sève versée, parce qu’elle est le ferment du grand arbre de France. ».

Place aux candidatures sérieuses ?

Elle aurait aujourd’hui obtenu de Nicolas Sarkozy la possibilité, pour son petit parti, de se présenter dans une centaine de circonscriptions aux législatives de juin 2012. Son objectif, que n’avait pas atteint le Nouveau centre en juin 2007, c’est de remplir les conditions pour être financé publiquement proportionnellement au nombre de voix (il faut recueillir au moins 1% des voix dans cinquante circonscriptions réparties sur le territoire national).

S’éclipsant de la campagne présidentielle 2012 après Jean-Pierre Chevènement et probablement un peu avant Hervé Morin et Dominique de Villepin, Christine Boutin aura néanmoins réussi pendant quelques mois à bénéficier d’un peu d’écho médiatique.
La "vraie" campagne va bientôt commencer…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (14 février 2012)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Les petits candidats.
Vidéo INA du 2 décembre 1998.
"La Croix" du 11 décembre 2009 (article de Marianne Gomez).

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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/christine-boutin-le-cadeau-de-la-110262




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