Dans son numéro du vendredi 3 janvier, Le Monde consacre sa page dix aux électeurs de Sarkozy, déçus mais fidèles. Au bas de cette page, on trouve un article d’Alexandre Lemarié, intitulé : « Je dis aux gens : Imaginez si Royal avait gagné en 2007 ».
Je trouve ainsi, sous une forme presque acceptable, une constante de l’argumentation que les thuriféraires de Sarkozy considèrent comme la preuve la plus absolue de l’excellence de notre président. Elle est généralement formulée sous une forme plus lapidaire : « Avec Royal, c’aurait été pire ». Cette affirmation a le don de m’exaspérer. Il est possible qu’avec Royal c’eût été pire tout comme il est possible que c’eût été pareil ou mieux. Personne n’en sait rien tout comme personne n’en saura jamais rien, tout simplement parce que ce n’est pas Royal qui a été élue mais Sarkozy.
Dans l’article que je viens de citer, un militant UMP du 10° arrondissement de Paris déclare ceci : « Quand je dis aux gens : « Imaginez ce que cela aurait donné avec Ségolène Royal », on ne sait plus quoi me répondre». Je ne pense pas qu’il puisse à son tour s’imaginer me rejoindre en formulant cette injonction car, pour lui, ce qu’il convient d’envisager, c’est une catastrophe absolue, à l’image de ceux qui en 1981 voyaient les chars russes sur les Champs-Elysées et notre État en déroute. Et pourtant, à son corps défendant, il supporte mon affirmation. Il invite ses ouailles à faire preuve d’imagination, à se réfugier dans l’imaginaire.
Or, si personne ne peut dire ce que serait la France si Royal avait été élue, par contre tout un chacun peut constater ce qu’elle est devenue au cours du quinquennat du génie absolu qui nous gouverne. C’est là le seul élément tangible et certain pour déterminer s’il mérite un nouveau bail ou non.
À propos, que ce serait-il passé :
- si, le 18 juin 1814, à Waterloo, Grouchy était arrivé au lieu de Blücher ?
- si, en 1875, l’amendement Wallon adopté à une voix de majorité et installant la République, avait été rejeté ?
- si Hitler avait gagné la guerre ?
- et, interrogation suprême, si ma grand-mère en avait ?