Lors de ses vœux à la veille de 2008, notre président, s’inspirant d’un livre d’Edgar Morin, avait prôné «une politique de civilisation ». Dès le surlendemain, le sociologue et philosophe ainsi cité s’étonnait de cette déclaration qui, pour autant qu’il m’en souvienne, n’a guère connu de suite. Peut-être mu par le souci constant de complaire à son maître, notre ministre de l’intérieur a jugé judicieux d’affirmer que « les civilisations ne se valent pas ».
N’importe quelle personne un petit peu instruite est capable de faire la distinction entre société, système politique, religion et civilisation. Apparemment ce n’est pas le cas de M. Guéant. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt d’agiter cette question dans une période où les difficultés à surmonter par notre pays : chômage, dette, désindustrialisation, logement, sécurité et autres, sont légion. Ou plutôt, il n’est nul besoin de s’interroger longtemps sur le but poursuivi : ramener à notre président les suffrages d’une certaine frange du corps électoral.
Naturellement, de bonnes âmes, Nicolas Sarkozy en tête, s’empressent devant les réactions suscitées par ces propos de dénoncer des polémiques ridicules. Puisque notre pays est de tradition catholique, je rappellerai que le pape lui-même n’est infaillible que lorsqu’il s’exprime à propos du dogme. Je pense que ce n’est pas le cas de M. Guéant. Lorsqu’il profère semblable énormité, il ne prêche pas quelque évangile et ceux qui ne partagent pas ses vues ont non seulement le droit de les critiquer mais surtout le devoir de les dénoncer. Toute polémique, c’est-à-dire tout débat, est salutaire.
Nos sociétés sont différentes. Je ne vois pas ce qui nous autorise à les hiérarchiser. Après la Révolution, la France a décidé de faire souffler sur l’Europe le vent de la liberté et nos armées sont allées combattre nos voisins pour imposer nos valeurs. Est-ce que M. Guéant, nouveau croisé, souhaite que nous attaquions les pays de civilisation arabe pour les faire bénéficier de notre excellence ?
Il se trouve que la France a un certain nombre de valeurs, parmi lesquelles sa devise Liberté, Égalité, Fraternité, dont je suis fier, et ceux qui les menacent, ce ne sont pas, comme essaie de l’instiller doucereusement M. Guéant, les mahométans, mais plutôt lui-même et ses suppôts, en foulant régulièrement aux pieds les principes qu’ils prétendent préserver.
Mais cela nous entraînerait trop loin ce soir, je développerai plus tard ce dernier point : la menace, pour nos valeurs, c’est Guéant, ses inspirateurs et ses adeptes.