Dérapage ?

En commençant son intervention, M. Letchimy souligne que M. Guéant confond civilisation et régime politique, confusion qui a même été remarquée par des membres de la majorité. Et, lorsqu’en mars 2011, M. Guéant déclare : « Les Français à force d’immigration incontrôlée ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux », il implique bien qu’ils ont été envahis et assimile l’immigration à une invasion. Où se trouve donc la manipulation dénoncée par M. Jacob, l’homme qui osait dire un peu plus tôt que Dominique Strauss-Kahn ne correspondait pas à « l'image de la France, de la France rurale, de la France des terroirs et des territoires, de la France qu'on aime bien » ?  

Serge Letchimy est parfaitement fondé à affirmer que M. Guéant n’a pas dérapé. Ses déclarations sont plutôt soigneusement millimétrées pour ne laisser aucun doute sur ce qu’il veut dire mais pour, dans le même temps, éviter tout ce qui pourrait le faire tomber sous le coup de la loi qui, fort heureusement, réprime ces propos imbéciles. Remarquez ainsi qu’il n’a pas dit que notre civilisation était supérieure à d’autres, simplement que celles-ci n’avaient pas toutes la même valeur. Mais il est bien évident qu’on n’avance pas cette hypothèse pour ranger sa propre civilisation parmi les inférieures mais bien, au contraire, pour affirmer sa supériorité.

Y aurait-il des humains pour s’élever contre ces phrases de l’orateur : « Aucune civilisation ne détient l’apanage des ténèbres ou de l’auguste éclat. Aucun peuple n’a le monopole de la beauté, de la science, du progrès ou de l’intelligence » ? Eh bien oui, sur les bancs de notre Assemblée nationale ! Il est vraisemblable que cette belle langue, qui porte notre culture, est totalement inaccessible à de tels bipèdes. 

Lorsque Serge Letchimy continue en disant : « Vous nous ramenez jour après jour à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration, au bout du long chapelet esclavagiste et colonial », les mêmes incultes s’insurgent en feignant de croire que notre ministre a été traité de nazi alors que ce député n’a fait que rappeler cette évidence : établir des différences entre les hommes sur la base de la civilisation à laquelle ils appartiennent ou, pourquoi pas, de leur nationalité, leur religion, leur ethnie, la couleur de leur peau, la forme de leurs oreilles ou la hauteur de leur front, cela ouvre la voie à des dérives où, désignés comme sous-hommes, certains sont vendus comme des animaux ou exterminés.  

L’orateur termine son intervention par une ode à la France, belle réponse à la question de l’identité nationale soulevée il y quelque temps déjà par la majorité pour mieux exclure. Honte à tous ces élus qui, s’imaginant insultés par Serge Letchimy, se sont livrés à un chahut indigne et ont quitté l’hémicycle, s’insultant ainsi eux-mêmes. Et je ne me sens pas davantage représenté par les élus de l’opposition qui n’ont pas jugé utile de manifester à l’orateur leur approbation.