Cette fois-ci, je ne peux pas dire que l'interruption de ma thérapie me tourmente réellement. Je l'admets, il m'est arrivé ces derniers temps d'avoir envie d'appeler en pleurs et de prendre un rendez-vous en urgence. Il m'est arrivé aussi de rêver de mon psychiatre. Tout n'est qu'affaire de transfert. Heureusement, je ne me masturbe pas en pensant à lui. Il me faudra néanmoins tout de même y retourner si je veux récupérer L'Etranger de Camus.
Je passe certaines nuits à me détester profondément. D'autres à chercher encore à quel moment j'ai merdé à ce point. Quelques-unes à pleurer sans vraiment savoir pourquoi. Et encore d'autres à chercher des réponses, à tenter par tous les moyens de trouver du sens à tout ça. Simplement, que tout ça ne soit pas qu'une mascarade idiote, une putain d'illusion. Qu'on ne fait que travailler comme des esclaves, pointer quand on va fumer, refermer le vestiaire l'air satisfait à la fin de la journée avant de rentrer dans le froid. Faire ça des années et des années, mourir, et point final. Ça n'aurait décidément aucun sens.
Je ne m'en suis jamais caché: j'ai eu des problèmes d'addictions que je combats encore parfois, et j'avais finalement fait le choix de commencer une thérapie. Au début, je trouvais simplement que se détruire autant à mon âge n'était peut-être pas tout à fait normal. Le 8 décembre 2010 avait lieu mon premier rendez-vous. Un an et quatre jours après je m'envoyais un cocktail Molotov et j'avais failli y rester.
Les premiers temps de la thérapie, je restais campé sur mes positions. Je suis parvenu ensuite à prendre encore plus de recul sur moi-même et quelques problématiques m'apparaissaient. J'ai arrêté la codéine, doublé ma consommation d'alcool en la couplant aux tranquillisants pendant quelques mois. Jusqu'à tout perdre: ma petite-amie et les beaux jours, l'estime et la confiance de mes parents et, pendant un temps, mon avenir. Les mois suivants j'ai arrêté de boire et ai tenté de me positionner par rapport à moi-même.
S'en suit one court relation que je ne regrette pas, quelques incidents isolés d'abus d'alcool ou de codéine et me débuts en tant que vendeur informatique dans une grande enseigne.
J'essayais quelques fois de me raccrocher à mon passé. Chacun avait avancé sans moi et il me semblait que j'avais fait tous ces efforts pour rien, que je préférais de loin le temps où j'étais ivre tous les soirs et raide de codéine le reste du temps. Les refus, les silences et les répondeurs étaient douloureux, frustrants. Encore maintenant, j'ignore si je dois détester ces personnes, si je n'ai été qu'une bonne poire de plus ou si j'avais bel et bien mérité leur indifférence, leurs appels seulement quand ils avaient besoin d'aide ou de compagnie. Si je méritais vraiment de crever pour ce que j'avais fait. Même si cette question m'a encore traversé l'esprit cette semaine, je n'y accorde plus qu'une importance minime.
Le travail était au début une thérapie en soi. La vente et tout ce qu'elle implique tant du point de vue relation avec le client que du point de vue de la satisfaction de soi était un shoot magistral. Ça m'occupait l'esprit comme jamais et j'avais pu relayer mes démons au placard.
J'ignore peut-être toujours en grande partie qui je suis. Je sais cependant que je ne suis pas aussi seul que je peux le croire par moments, même si, pendant mon prochain séjour au centre anti-douleur les seules visites que j'aurai seront celles de mes livres et d'un peu d'herbe. Je sais que je veux écrire. Je sais que, par pur égoïsme ou pour le bonheur que cela apporterait, je rêve de créer un doux foyer, où les démons n'auraient pas leurs places. Pas maintenant, mais un jour. Ce que je souhaite dans l'immédiat? Partager.
Là, ce qui me semble être la meilleure thérapie depuis mon aller-retour de l'autre côté, c'est le rire de D. qui me charrie dès qu'il peut sur le fait que je suis intrigué par ce que doit ressentir une femme lorsqu'elle se fait pénétrer. Regarder les filles dans la rue et soit rester ébahie devant leurs jambes ou critiquer le caractère hautain qu'elles affichent ou, plus souvent, leur démarche ou leur façon de s'habiller. C'est F. qui me demande au boulot Comment ça va mon grand?, a toujours un sourire et me conseille lorsqu'il le faut de rester patient et de ne pas me démonter pour rien.
Le plus thérapeutique, c'était aussi écrire ce texte qui n'a strictement aucun sens à proprement parler. Mais qui parle, certainement. Et c'est le sommeil naturel des nourrissons.