Le poème de la semaine

Par Claude_amstutz

Henri Pichette

la légère
candide
capricieuse
tourbillonnante
ouatée
poudreuse
neige dont j'aime
la
lente lente chute
 
par un jour de grisaille aux vapeurs violâtres
ou quelquefois même (je l'ai vu)
par un ciel terre de Sienne
elle
papillonne blanc,
plus blanc que les piérides blanches
qui volettent en avril comme fiévreusement,
à moins que ce ne soit frileusement
autour
de roses
couleur d'âtre
 
météore
qui touche ma manche de ratine,
y posant des cristaux à six branches
sous mes yeux d'étincelles
 
pluie
de
plumes
de
mouettes
muettes
 
recouvrant la plaine deshéritée
emmantelant la forêt squelettique
 
épaisse assoupissante et ensevelissante
 
blanche telle
une belle absence de parole
 
blanche autant qu'absolue
dans un silence d'oeil
qui rêve l'éternité blanche
 
neige neigée
tellement soleillée
que d'un blanc aveuglant,
et brûlante! 
 
moelle de diamant
 
neiges du Harfang aux iris jaune d'or
et ventre blanc pur de la Panthère des neiges
 
de quel oiseau fléché fuyant à travers ciel
ce pointillé de sang sur la neige vierge?
 
regardez, par-delà
cette grille givrée
d'innocentes hermines
dorment tout de leur long
sur les bras des croix
 
alors qu'à l'intérieur l'enfant
le front appuyé à la vitre
pour jouer
fait de la buée,
dehors chaque flocon
éclate une petite larme
qui roule
en bas
du carreau
où le mastic est vieux comme la maison
 
Et
tout là-bas
(à l'heure de mon coeur qui bat tout bas)
quelqu'un
contemple
la rencontre de la neige
floconneuse, innombrable
avec la mer
formidable, comme
de plomb,
glauque
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle