Ma mère ne travaillait pas, elle se contentait d’élever ses deux enfants. J’en vois déjà qui froncent les sourcils en lisant « contentait », rassurez-vous mesdames je n’ai choisi ce verbe que pour vous tenir éveillées et retenir sur mon blog celles qui sont de passage par hasard.
Ma mère nous élevait, c’est-à-dire que parmi ses nombreuses activités familiales, elle devait préparer des repas pour quatre, matin, midi et soir. Je vous parle des temps de ma prime enfance quand nous habitions Paris, l’école à deux pas pour nous enfants et mon père qui bossait pas bien loin non plus, ce qui lui permettait de revenir déjeuner avec nous le midi.
Les repas de cette époque n’avaient pas la même allure que ceux de nos jours, quand on passait à table on n’y faisait pas dela figuration. Entrée, plat, fromage et salade, dessert. On ne chipotait pas dans les assiettes, calculette en main pour mesurer les lipides et les protéines ou je ne sais quoi encore. Inutile de vous dire, que de tels repas représentaient du boulot pourla ménagère. Les surgelés, les assaisonnements tout prêts, les légumes prédécoupés et les salades en sachets n’étaient encore que projets industriels non aboutis, du moins en France. Pour ma mère, toute la semaine, marché, pluche des légumes, cuissons à surveiller, remplissaient conséquemment son agenda journalier.
Et puis un beau jour, comment en est-on venu là, l’idée fut-elle piquée dans son magazine Femme d’Aujourd’hui, je ne sais pas. Toujours est-il, qu’une nouvelle règle fut instaurée à la satisfaction générale de tous, je dois le dire. Désormais le dimanche soir, plus de cuisine, ma mère ferait relâche. En lieu et place du repas classique, soirée casse-croûtes ! Ouais ! Cris de joie des gosses.
Nous allions reproduire le pique-nique chez nous, en mieux. Confortablement installés devant le poste de télévision et sa chaîne unique en noir et blanc (Si, si, ça a commencé comme ça la télé, qu’est-ce que vous croyez ?), sur la table basse, du pain frais, de la baguette croustillante que mon père allait acheter chez le boulanger au dernier moment, du saucisson sec et un pot de rillettes. Inutile de courir dans le pré voir si le bonheur y était, nous savions tous les quatre qu’il vivait planqué chez nous.
Nous n’avions rien inventé et Philippe Delerm non plus, qui évoque la même chose ou à peu près dans La première gorgée de bière, « Le dimanche soir ! On ne met pas la table, on ne fait pas un vrai dîner. Chacun va tour à tour piocher au hasard de la cuisine un casse-croûte encore endimanché – très bon le poulet froid dans un sandwich à la moutarde, très bon le petit verre de bordeaux bu sur le pouce, pour finir la bouteille. » Pas la même époque exactement, mais la même idée certainement. Mais contrairement à lui qui en vient à éteindre la télé, nous profitions pleinement de ce long moment de bonheur familial pour suivre ensemble le programme, avant que les parents ne nous expédient au lit, demain il y aurait école.
Là mes souvenirs sont flous, était-ce réellement à cette heure que nous regardions ces séries, en tout cas elles étaient diffusées à cette époque des années 60. Je me rappelle qu’il y avait Les Hommes volants, diffusion entre 1961 et 1963, je n’en étais pas un fan mais la télé étant une invention récente pour nous, tout programme était magique. Cette série mettait en scène les exploits de deux instructeurs de parachutisme qui, lorsqu'ils n'enseignaient pas, se lançaient dans des missions de sauvetage spectaculaires, en sautant en parachute depuis leur petit avion, genre Cessna.
A moins que ce ne fussent ces deux séries mythiques, Les Incorruptibles avec Robert Stack, diffusée pour la première fois en 1964 en France. Lutte contre la pègre et Al Capone au temps de la prohibition. Tout le monde chez nous adorait ce programme. Ou bien encore cet autre, Aventures dans les îles diffusée en 1961 en France. Armand Troy, vétéran de la guerre de Corée ayant décidé de rester dans le Pacifique après le conflit et propriétaire d'un schooner ancré à Papeete baptisé le Tiki, gagne sa vie en transportant passagers et marchandises dans un secteur s'étendant de Hong Kong à Tahiti. En dehors des péripéties maritimes et exotiques, le beau capitaine Troy (Gardner McKay) était un tombeur redoutable, qui faisait se pâmer les téléspectatrices.
Ainsi allaient les jours et particulièrement les dimanches soirs de mon enfance durant les années 60, où déjà le poste de télévision commençait à prendre une place importante au milieu de la famille, détrônant la cheminée et les veillées d’ancêtres pas si lointains alors.
Aventures dans les îles mais en VO :