La beauté et la mort

Publié le 13 février 2012 par Elisabeth1
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Jean Siméon Chardin, Perdrix morte, poire et collet sur une table de pierre, 1748, Städel Museum, Francfort

Natures mortes animalières de la Renaissance à l’époque moderne

Staatliche Kunsthalle Karlsruhe / Bâtiment principal
derniers jours – 19 février 2012

La grande exposition temporaire présentée à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe à partir du 19 novembre 2011 est une première mondiale en ce qu’elle retrace, dans toute sa diversité, l’histoire de la nature morte animalière entre le XVIe et le XXe siècle. On peut y admirer plus de cent vingt tableaux, aquarelles et reliefs dus à de grands artistes tels que Dürer, Rubens, Weenix, Chardin, Goya, Manet, Ensor, Kokoschka et Beckmann. Les œuvres issues des collections de la Kunsthalle se complètent de quatre-vingt-dix prêts effectués par de grands musées d’Amsterdam, Anvers, Bruxelles, Lisbonne, Londres, Madrid, Munich, Paris, Stockholm, Vienne et Zurich, l’ensemble ainsi rassemblé offrant un panorama fascinant et une vision synthétique de ce genre artistique.
L’exposition prend pour point de départ les natures mortes animalières de la Kunsthalle de Karlsruhe, collection dont l’origine remonte aux grands-ducs de Bade. Ces œuvres de Jan Fyt, Willem van Aelst, Jan Weenix, Nicolas de Largillierre et Jean Siméon Chardin sont présentées dans un contexte plus large grâce aux prêts effectués par les musées précédemment cités. Le catalogue de l’exposition (en langue allemande) propose des articles scientifiques éclairant la signification et le contexte artistique et historique des œuvres exposées.
La grande exposition de la Kunsthalle montre l’évolution sur plusieurs siècles non seulement de la fonction et du symbolisme de la nature morte animalière, mais aussi du regard porté sur les motifs propres à ce genre artistique. Elle met en évidence une variété de styles impressionnante ainsi qu’un riche éventail de contenus : symboles renvoyant à la chasse aristocratique, métaphores de la souffrance humaine, contenus expressivement sensuels.


Animés par la passion de la chasse, les princes de la Renaissance ont souvent commandé des tableaux figurant du gibier beau jusque dans la mort. C’est ainsi que Frédéric le Sage, qui régnait sur la Saxe, chargea Lucas Cranach l’Ancien de décorer plusieurs de ses pavillons de chasse avec des œuvres représentant du gibier à plumes, ceci afin d’immortaliser sa valeur en tant que chasseur. Notons par ailleurs que les nombreuses connotations métaphoriques de ces natures mortes permettent de les rattacher aux tableaux d’histoire du maître. Quant à Dürer, il aborda ce genre d’une manière radicalement différente : au début de sa carrière, il réalisa une étude figurant un canard mort dont le rendu des plumes est si précis qu’on pourrait le qualifier de scientifique.
À la suite de pionniers tels que Cranach, la nature morte animalière se développa considérablement en Flandre au XVIe siècle, avant d’atteindre de nouveaux sommets durant l’« Âge d’or » hollandais du XVIIe. C’est pourquoi l’exposition met en valeur plusieurs œuvres de cette époque réalisées dans le nord et le sud des Pays-Bas. Parmi les autres ensembles remarquables de l’exposition, citons encore des natures mortes françaises du XVIIIe siècle, divers tableaux « prémodernes » peints vers 1800, ainsi que des œuvres impressionnistes et expressionnistes réalisées aux XIXe et XXe siècles.
Conçue pour offrir un panorama complet de la nature morte animalière, l’exposition thématique présentée à la Kunsthalle illustre aussi l’évolution du regard porté sur les motifs propres à ce genre, et cela tout en soulignant certaines parentés entre des artistes ayant vécu à des époques différentes. Courbet, par exemple, s’inspira de la composition et du style naturaliste d’un Jan Weenix, tandis que Manet peignit un hibou mort en s’inspirant de Chardin et en utilisant le trompe-l’œil – un procédé connu depuis l’Antiquité. Notons enfin les similitudes entre Soutine et Goya, deux peintres chez lesquels la nature morte animalière s’affirme comme une métaphore de la souffrance humaine.
Par-delà ses différentes significations, la nature morte animalière a toujours constitué une gageure pour les peintres qui ont su réaliser des prouesses en s’exprimant de manière libre ou en ayant recours au trompe-l’œil naturaliste. Cette exposition couvrant cinq siècles est ainsi la première à établir des liens entre des œuvres appartenant à un genre artistique particulièrement riche.
Commissaires de l’exposition : Dr Holger Jacob-Friesen et Dr Markus Lörz

Un catalogue de l’exposition (en langue allemande) avec des articles de Raphaël Abrille, Holger Jacob-Friesen, Markus Lörz, Fred G. Meijer, Ellen Spickernagel, Beate Steinhauser et Beate Welzel ainsi que des illustrations de toutes les œuvres exposées, est publié aux éditions Kehrer-Verlag.

Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Hans-Thoma-Str. 2-6, D-76133 Karlsruhe www.kunsthalle-karlsruhe.de