Magazine Cinéma
Ce qui devait arriver, arriva : les Inrocks et moi on vient de divorcer pour divergence manifeste d'opinion : ils n'ont pas aimé Detachment, moi si.
Évacuons tout de suite les critiques parce qu'à vrai dire, la presse s'est montrée sévère : « énième film du genre, ramassis de clichés , scénario pauvre ou encore effets visuels tape-à- l’œil ». Soit, il y a un peu de vrai dans cela mais reste que je me demande si j'ai vu le même film qu'eux.
Detachment raconte l'histoire d'un professeur remplaçant qui accomplit une mission dans un collège américain à la dérive et c'est un peu près tout ce que je dirai du scénario parce que ce n'est pas ce qui m'a le plus touché dans ce film. C'est vrai, il y a un coté surenchère de situations misérabilistes : l'ado prostituée, le grand père qui perd la tête, les profs à bout de nerfs et les élèves sans repères … On connait la chanson.
Cependant, à coté de tout ça, ce qui m'a frappé et qui fait la force de ce film, c'est que ce n'est pas véritablement de ça qu'il s'agit. Je veux dire que ce n'est pas vraiment l'histoire de ce professeur qui importe. Detachment est un film triste à tendance franchement dépressive mais c'est surtout un film violent. Pour moi, il est là le personnage principal du film : c'est la violence de la vie, des relations entres les hommes. Cette violence, elle n'est pas visuelle non, elle est rampante, implicite, et c'est bien pire.
Au delà de ça, il y a de très belles scènes, comme souvent dans ce type de cinéma américain : les réalisateurs ont cette capacité à poser un regard poétique sur les choses, ce qui nous manque un peu en France, à mon humble avis. Une scène en particulier a retenu mon intention parce qu'elle m'a presque arraché une larme, fait assez rare pour être souligné.
Alors oui, il y a quelque chose du cliché mais après tout, il n'y a aucune honte à choisir la prostitution, le mal être de l'adolescence ou encore la folie du troisième âge comme sujet lorsqu'on le traite bien. Le réalisateur a au moins le mérite de ne pas être moralisateur, de ne pas donner de réponse mais de nous pousser à se poser beaucoup de questions ce qui n'est déjà pas si mal.
En définitive, on ressort de la salle de cinéma pas tout à fait dans le même état qu'en y entrant. Il y a des films qui sont simplement plaisants à voir et puis il y a des films qui nous embarquent loin, ailleurs. Detachment et de cette trempe là.