Et voilà qu’à présent, Sarkozy aime les référendums ! Tellement, qu’il en propose deux dont les sujets laissent un vague goût de plastique dans la bouche, comme si on avait avalé le cubitainer avec le mauvais vin qu’il veut nous faire boire. On se souvient que le chef de l’État avait conservé un souvenir pour le moins mitigé des référendums qui avaient été mis en place lorsqu’il était ministre et qui lui avaient valu de belles défaites. Mais le désamour pour cette méthode bien gaullienne est oublié.
Le premier référendum proposé porterait ainsi sur le droit des étrangers sur le sol français, qui serait alors confié au seul juge administratif et permettrait de simplifier les expulsions.
Le second référendum, quant à lui, poserait la question de savoir si les chômeurs ont le droit de refuser une formation ou un emploi.
Avec de tels énoncés, on se doute que les réactions ont été immédiates.
Les diverses associations d’aide aux sans-papiers ont immédiatement flairé les visées de Sarkozy sur l’électorat du Front National — du reste, ce n’est pas idiot : si tout est fait, comme le clame Marine, pour que la candidate frontiste n’aie pas ses signatures, il est nécessaire pour Sarkozy de faire quelques judicieux appels du pied à un électorat qui pourrait se retrouver tout désemparé, les petits yeux plein de larmes, sans candidat…
Quant à l’autre référendum, les syndicats n’ont pas mis bien longtemps à hurler à l’abomination (aux relents ultra-turbo-libéraux, sans doute) et les autres candidats à l’élection présidentielle y sont allés de leurs petits mots assassins devant l’éventualité qu’on puisse sérieusement poser la question aux Français (et pire surtout, qu’ils y répondent un truc pas bisou du tout).
Tout ceci est bel et bien bon, mais on ne peut s’empêcher de trouver cette nouvelle lubie présidentielle parfaitement ridicule.
D’une part, le timing particulièrement indigent montre sans ambiguïté que le président sortant a repris ses bonnes habitudes de gesticulation pour faire croire à de l’action. Encore une fois, une volée de claques vigoureuses se perdent, ce qui est très dommage pour un produit frais qui doit se manger très vite. Proposer ainsi un (et à plus forte raison, deux) référendum à quelques mois d’une élection pour tenter de faire croire à une nouvelle façon de faire de la politique a même un petit côté pathétique, à l’instar d’un vilain de série américaine, accroché du bout des doigts sur la façade à pic d’un haut building, et qui plaiderait pour qu’on le remonte vite fait tout en fomentant un retournement de situation aussi fourbe que téléphoné. On n’a qu’une envie : lui écraser les doigts et le laisser tomber.
D’autre part, les sujets choisis déclenchent, en eux-mêmes, une tornade de facepalms assez violente. Le chef de l’État envisage donc sans rire de mobiliser tout l’appareil électoral français pour leur poser deux questions très techniques, sur des sujets extrêmement polémiques, dont l’objet concerne une minorité (eh oui : les étrangers et les chômeurs sont, pour le moment, en minorité sur le territoire) et pour lequel l’impact final des réponses fournies, dussent-elles être positives, sera au mieux limité au pire inexistant.Bref : cette histoire de référendums arrive comme un cheveu sur la soupe, ce qui est finalement assez typique de la Méthode Sarkozy, celle qui aura permis au pays de se focaliser sur des broutilles et des bidouilles d’apparat et d’éviter toute réforme structurelle profonde.
Attention cependant : je ne suis pas en train de dire que le principe même du référendum est à jeter aux orties. En réalité, c’est même une excellente idée de base pour faire avancer certains dossiers. Bien évidemment, le sujet doit être d’importance (le menu des repas du mercredi à l’Élysée ne se qualifient donc pas), concerner les piliers de notre démocratie, sa constitution.
Par exemple, on découvre sur le site Web de l’Assemblée Nationale que tout plein de projets de lois sont actuellement en cours de discussion, comme celui-ci, sur le MES. C’est le Mécanisme Européen de Stabilité, grand frère du Fonds Européen de Soutien Financier créé pour continuer la tradition de stabilité légendaire de la monnaie européenne, ahem broumf bref hmm.
Eh bien ce projet de loi, qui est un amendement assez massif du traité européen actuellement en vigueur, ne sera pas discuté au travers d’un référendum. Et c’est bien dommage, finalement.
Parce que lorsqu’on épluche un peu les textes, comme l’on fait certains journalistes (allemands, je vous rassure – en France, ce genre de travail n’est plus du ressort des journalistes mais de quelques blogueurs consciencieux) on se rend compte que tout ce fatras législatif est une couche supplémentaire de détournement massif de fonds de la poche des moutontribuables vers une élite évidemment bienveillante mais qui s’enrichit à vue d’œil alors que la base, elle, envisage sérieusement de planter des légumes dans de petits lopins de terre pour tenir leurs fins de mois.
Le traité (lisible en Français ici) institue ainsi un fonds de 700 milliards d’euros. C’est fastoche à trouver : il suffit de demander à Mario Draghi, le patron de la BCE, de lancer les rotatives un peu plus vite. Lorsque le MES fait un appel de fonds pour aider la monnaie européenne, les membres du MES s’engagent de manière irrévocable et inconditionnelle à verser sur demande les fonds demandés dans les sept jours suivant la réception de la demande (article 9.3, p 24). Ce qui est très rassurant, vous en conviendrez. Et on devine, à lire la suite, que les 700 milliards ne sont qu’un début. Miam. Là aussi, c’est très rassurant. Je recommande la lecture de l’article 35 (p. 48), croustillant.
Bref.
À la lecture des prérogatives de ce MES, on comprend très bien que les modifications apportées au traité de base ont été présentées comme minimales afin, justement, d’éviter tout référendum : celui-ci aurait plus que probablement renvoyé aux calendes forcément grecques ce magnifique procédé d’aspiration de la richesse de beaucoup vers les poches de certains.
Eh oui : le référendum, dans les mains de nos politiciens, est une arme magnifique pour poser une question sans importance à un peuple qui ne demande qu’à croire qu’il dirige.
Et ça tombe bien : c’est exactement comme ça que Sarkozy et tous ses collègues veulent s’en servir.
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