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La fin d’une époque

Par Borokoff

A propos de La Taupe de Tomas Alfredson 4 out of 5 stars

Gary Oldman - La Taupe de Tomas Alfredson - Borokoff / Blog de critiqiue cinéma

Gary Oldman

1973, en pleine guerre froide. Alors que Control, le patron du MI6 et son fidèle lieutenant Smiley viennent d’être évincés suite à l’échec d’une mission à Budapest, ce dernier est finalement réintégré par le gouvernement britannique qui cherche à connaître l’identité de l’agent double soviétique qui s’est infiltré dans leur service de renseignements extérieurs. Sa traque minutieuse de la « taupe » ramène Smiley à des réminiscences sombres en Inde avec Karla, un agent soviétique au passé mystérieux et des souvenirs parfois douloureux comme la relation adultère de sa femme avec Bill Haydon, un Officier supérieur du MI6…

L’intrigue de La taupe n’est pas plus simple dans le film du Suédois Tomas Alfredson que dans le roman Tinker, Tailor, Soldier, Spy (1974) de John Le Carré dont il est tiré.

Mais là où, en 1979, la BBC avait eu besoin de cinq heures pour adapter dans le cadre d’une mini-série télévisée le premier tome de la trilogie du romancier (et ex-agent lui-même du MI6) britannique né en 1931, les scénaristes Bridget O’Connor (décédée peu après le tournage et à qui le film est dédié) et Peter Straughan ont su concentrer efficacement l’intrigue sur un peu plus de deux heures.

C’est un pléonasme de dire que l’intrigue est complexe dans La Taupe. Mais la mise en scène à la fois extrêmement rigoureuse et précise d’Alfredson (l’auteur de Morse, un film de vampires) rend l’intrigue concise comme le scénario sur lequel elle s’appuie.

Colin Firth - La Taupe de Tomas Alfredson - Borokoff / Blog de critiqiue cinéma

Colin Firth

Smiley (Gary Oldman) est un agent vieillissant du MI6 qui l’a mis sur la touche avant de faire volte-face et de le réintégrer. Silencieux, froid et obstiné, il a mis au point une stratégie pour coincer le traître qui envenime les relations déjà tendues du MI6 avec le bloc soviétique et qui menace de semer la discorde voire le chaos dans le monde. Une stratégie patiente en forme de toile d’araignée ou de jeu d’échecs pour remonter jusqu’à son adversaire et mieux l’asphyxier.

Il faut le reconnaitre, il est difficile de rentrer dans La Taupe. Mais si l’intrigue progresse lentement, avec des ramifications nombreuses, elle devient  passionnante dans le suspense que la mise en scène instille malgré l’absence des scènes habituelles de cascades et de courses poursuites qui paraitront ici superflues.

Smiley est joué par un Gary Oldman au jeu tout en maitrise et en minimalisme dans les expressions du visage. Oldman peut compter sur une brochette d’acteurs tout aussi remarquables autour de lui, de John Hurt à Colin Firth (Bill Haydon) en passant par Tom Hardy ou Mark Strong. Oldman incarne un agent du MI6 implacable, froid comme le marbre et qui se contente la plupart du temps d’un masque de circonstance.

Mais ce mutisme et cette rigidité apparente, ce visage fermé se fissurent à chaque fois que lui revient en mémoire une fête de Noël des années plus tôt. Une fête où, réuni avec ses collègues du Cirque (nom donné au MI6 parce que l’agence se trouve au métro Cambridge Circus de Londres), Smiley surprit sa femme dans les bras de Bill Haydon.

De douleur, il en est bien question, dans La Taupe. De douleur comme de solitude. La dimension contradictoire de Smiley est bien décrite dans le portrait intimiste qu’Alfredson a su en faire. Smiley dont la misère humaine s’oppose à l’aura légendaire et à l’étoffe de héros sauveur du Royaume-Uni qui l’attendent à l’extérieur.

Mais tout ramène à cette fête traumatisante de Noël, où les chants moqueurs à l’encontre de l’U.R.S.S. traduisent à la fois la bêtise des collègues de Smiley et leur vanité. C’est aussi cette fête qui aura scellé les amitiés et les différents clans entre les membres éminents du MI6. Smiley, lui, observe, extérieur à la fête avant d’en devenir la victime N°1.

Les années 1970 sont bien reconstituées. Les couleurs orange, marron, grise des décors comme la photographie de Hoyte Van Hoytema reflètent bien l’ambiance funeste et de fin d’une époque qui règnent dans le film, la noirceur intrinsèque de ces personnages démodés, comme issus d’un autre siècle. Quant aux compositions d’Alberto Iglesias, elles finissent de compléter le portrait d’un Smiley triste pourtant et qui ne sourit pas, porté par une nostalgie et un gouffre insondables en lui, une sècheresse de l’âme abyssale. Glaçant et magistral…  

http://www.youtube.com/watch?v=Wdo1kTLTPoQ

Film franco-britannique de Tomas Alfredson avec Gary Oldman, John Hurt, Benedict Cumberbatch, Colin Firth (02 h 07).

Scénario : 4 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars

Acteurs : 4.5 out of 5 stars

Dialogues : 4 out of 5 stars

Compositions : 4 out of 5 stars


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