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Vendre ce qui n’est pas copiable et s’appuyer sur un modèle hybride

Publié le 13 février 2012 par Monartiste


Avec Internet, les sources potentielles de financement et de monétisation sont de plus en plus nombreuses. La tendance est à l’hybridation, entre partage de revenus publicitaires, sponsoring, placement de produit, vente de droits de distribution, de droits d’adaptation, fonds privés/publics, abonnement, donation, crowdfunding, VOD ou DVD. Aujourd’hui la plupart des grosses productions hollywoodiennes sont rentabilisées par le préachat avant même la sortie. Pour une production indépendante, c’est difficilement envisageable.

La confiance et l’expérience à la base des nouveaux modèles de la création

A l’heure de la surabondance des contenus, Gerd Leonhard, consultant en communication et medias, comparait la musique avec l’eau en bouteille. L’eau est disponible quasi gratuitement au robinet, mais le marché de l’eau embouteillée vend chaque année plus de 89 milliards de litres d’eau dans le monde. Leonhard souligne l’omniprésence de la musique. Le rapprochement est simple, alors que le peer to peer ou même les sites de streaming répondent à l’appétit du tout tout de suite et que la numérisation a rendu toutes les œuvres duplicables et gratuites pour une grande partie des internautes.

« Pourquoi payer pour une bouteille d’eau quand celle-ci est disponible gratuitement au robinet ? »

La solution suggérée par l’auteur est l’engagement, la conversationl’attractivité et la communauté. Ne vendons pas simplement de la musique, mais une expérience

Dans ce monde de plus en plus connecté dans lequel nous vivons, tout devient plus fluide, personnalisable et propice à une expérience. Nous l’avons vu précédemment aujourd’hui le public décide comment et quand ils souhaitent consommer les contenus…Le public baigné dans son nouvel environnement est prêt à vivre de nouvelles expériences et nous l’avons vu le terrain d’expérimentation est énorme.

Pourquoi participer à un film, acheter le merchandising ou le DVD, la réponse est dans la valeur ajoutée, le petit plus qualité, la possibilité de le télécharger en HD, de le voir en présence de l’équipe du film, de bénéficier des contenus transmédias pour plus d’interactivité… C’est cette valeur ajoutée qui donnera la valeur économique.

Vendre ce qui n’est pas copiable

Les majors de la musique ont une forte responsabilité sur ce qui s’est passé. Elles n’ont pas anticipé et accepté de modifier leur modèle économique basé sur la rétribution de la copie privée. La donne a changé, elles n’ont pas mesuré l’impact qu’a eu l’apparition de Napster, il y a 10 ans, qui a créé une nouvelle habitude de consommation et gravé dans les mentalités notamment des jeunes que les contenus étaient gratuits.

“Quand la copie se généralise, vous avez besoin de vendre des choses qui ne peuvent pas être copiées”,  Kevin Kelly (ex-rédacteur en chef de Wired)

Le souci du partage.

Ne l’oublions pas c’est essentiel la valeur repose sur la notion de désir. C’est le niveau de désir qui va influencer le montant de la valeur et donc notre envie de posséder / d’acquérir. C’est une valeur non quantifiable et personnelle et dépend de la situation actuelle de l’internaute. En passant de cette économie de la rareté où le support était au centre de l’échange à l’économie de l’abondance, où tout étant duplicable, c’est cette valeur ajoutée qui donne envie d’acheter. Cette révolution numérique n’a pas seulement bouleversé nos usages et nos habitudes, elle nous oblige du moins ceux qui souhaite diffuser et vendre sur internet à adopter un nouvel état d’esprit. Evidemment, tout est encore en évolution, les portes s’ouvrent et se referment aussi vite. Mais ce dont on peut se réjouir, c’est qu’il nous donne quelques pistes et nous permet de mieux comprendre cette nouvelle exigence : donner pour vendre…

El Cosmonauta offert gratuitement en HD sur internet.

Les membres de la maison de production Riot Cinéma Collective souhaitent diffusent leur film, comme ils les voient souvent gratuitement sur internet, tout en aimant aller au cinéma et en « sacralisant » ce moment pour y vivre une expérience (soit avec la technologie 3D ou avec l’apport du transmédia). Le long métrage de science fiction espagnol sera disponible dès le premier jour de sortie en téléchargement légal et gratuitement sur internet, appuyant sa sortie en salle et à la télévision. Le film dont la sortie est prévu début 2012 sera donc disponible en HD et sous licence Creative Commons sur internet, non seulement le long métrage mais toutes les données enregistrées pendant le tournage du film.

En lançant le film gratuitement sur internet dès le premier jour, l’objectif n’est évidemment pas de défavoriser la sortie en salle ou à la télévision. Mais au contraire   de favoriser la création et le partage d’une expérience. L’autre pari est donc de se dire que plus de monde le verront gratuitement, plus de spectateurs seront prêts à le voir en salle d’une manière « augmentée », c’est à dire en bénéficiant ou en ayant bénéficié des apports du transmédia. Appelé  » The cosmonaut Expérience « , s’appuyant à la fois sur l’interaction ludique avec le public et la projection classique, elle offre au spectateur une vrai expérience supplémentaire. Ces projections ne se substitueront pas à la diffusion classique sur internet ou à la télévision, mais seront complémentaires. Ils n’oublient tout de même pas que le retour sur investissement se fait sur l’exploitation en salle et avec les préventes à la télévision.

Quant au source de financement, l’avenir est dans l’hybride, c’est à dire dans la conjonction et la complémentarité de ces alternatives.

S’inscrire dans une vision globale et toujours faire le choix de l’innovation

Je fais encore une fois appel à mon expérience auprès des membres de Riot Cinéma.

Vendre ce qui n’est pas copiable et s’appuyer sur un modèle hybride

La stratégie schématisée...

Depuis longtemps, ils ont cette vision, internet n’est pas un frein, mais au contraire un outil formidable de promotion et de diffusion. Ils aiment dire que le projet El cosmonauta n’a pas commencé par un scénario comme un projet classique de long métrage, mais par un site internet. C’est la confiance et le soutien des premiers investisseurs et contributeurs qui ont permis de mettre le projet en route. A chaque étape, il est nécessaire d’innover, de donner envie et de se rapprocher du public pour apposer une nouvelle pierre à l’édifice.

Pour Riot Cinéma collective, la réalité aurait pu être terrible, combien de projets meurent sur le bureau d’un producteur. Les films espagnols en 2008 (dernières données) ont été vus par un total de 14.359.230 et seulement 17 films ont pu générer plus d’un million d’euros. (dossier El cosmonauta ). Dans un monde aussi concurrentiel que le cinéma, sans cette volonté initiale de se démarquer, de proposer un autre modèle et une autre vision de la production cinématographique, El Cosmonauta n’aurait peut-être pas vu le jour, il aurait été considéré comme un autre projet de cinéastes indépendants.

Comme pour une start-up, les succès et les levers de fonds alimentent le développement du film.

Ils ont très vite compris la puissance marketing et de communication d’un tel projet dans un contexte de lutte contre le téléchargement illégal et de crise du cinéma. La recherche de l’expérience et tant le soutien que le plaisir du  futur spectateur est constant. Il est donc important est de toujours s’appuyer sur la philosophie que l’on s’est donné, de commenter et partager les décisions que l’on peut prendre avec la communauté. Cela permet évidemment d’acquérir une certaine confiance et légitimer les actions menées et d’aller toujours plus loin dans la réflexion.

Financement et budget total d’Iron sky

On pourrait penser qu’il s’agit d’un cas exceptionnel, s’il n’y avait pas de l’autre côté de l’Europe, la sortie prochaine d’Iron Sky, coproduction finlandaise, allemande et australienne, qui s’appuie beaucoup aussi sur une communauté forte de fans (73 000 fans sur Facebook,  55 000 sur le site officiel d’Iron Sky), qui ont pu s’impliquer et rien que moins donner vie à leurs idées en partageant du contenu par le biais de Wreckamovie, une plate-forme collaborative de production de films.  Ils ont participé aussi comme pour le  projet espagnol au financement du film, par l’achat de produits dérivés. Ils ont pu ainsi collecté pour financer la production du film près d’un million d’euros. Là aussi, le projet Iron Sky ne se résume pas à un film. Ses producteurs s’appuient totalement sur le récit transmédia. Ils ont imaginé pour compléter leur univers narratif à l’humour grinçant un prologue en trois bandes dessinées, qui seront disponibles avant le film, ainsi qu’un roman graphique relatant toute l’histoire d’Iron Sky. Sans oublier l’outil incontournable de la stratégie transmédia, le jeu vidéo. (pour mieux connaître ce projet vraiment enthousiasmant, je vous invite à lire cet article complet du transmédia Lab ou d’aller évidemment sur le site du film.)

Miser sur le long terme.

Tous les nouveaux usages décrits plus hauts sont encore très loin d’être adoptés par le grand public. Il en résulte des tailles de marché très réduites et une rentabilité incertaine. Si vous voulez être certain de gagner de l’argent, misez sur une hausse du prix du pétrole ou acheter de l’or.  Si vous voulez par contre vous positionner sur des usages avant-gardistes et véhiculer une image d’innovateur, tournez-vous plus tôt vers ces usages prometteurs (tout en maîtrisant l’investissement initial et les coûts d’exploitation, je vous conseille d’être patient). le seul impact qu’il semble possible d’établir aujourd’hui entre le piratage et l’industrie cinématographique est bien le rythme d’innovation de cette dernière, qui se rapproche dorénavant plus de celui du secteur des nouvelles technologies, que du domaine culturel !  Mais sans doute est ce le prix à payer pour éviter que le piratage n’ait trop d’emprise sur elle…





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