Affirmer que la situation est bloquée constitue un doux euphémisme : les syndicats du transport aérien, pilotes en tête, ont suscité une coûteuse pagaille de quatre jours sans autre résultat que de s’attirer les remontrances de l’opinion publique. Puis ils ont rencontré Thierry Mariani, ministre des Transports, qui leur a confirmé que la proposition de loi Diard ne variera pas d’un iota. A savoir qu’en cas de conflit, les grévistes devront se déclarer au moins 48 heures à l’avance.
Cette semaine, c’est le sénat qui va se pencher sur le texte, étape qui fait naître l’espoir d’amendements pourtant peu probables. Si tel n’est pas le cas, ce qui serait «une preuve d’intransigeance », une nouvelle grève serait déclenchée. Qui plus est sans tenir compte de quoi que ce soit quant au contexte, par même les congés scolaires. Ce qui n’étonne personne dans la mesure où les événements de ces derniers jours et les déclarations syndicales ne font pas de quartier, annoncent une politique de la terre brûlée, confirment un extraordinaire jusqu’auboutisme (1).
Le bras de fer se déroule dans un contexte particulier dans la mesure où la compagnie aérienne dominante, Air France, se débat au même moment dans des problèmes financiers d’une ampleur sans précédent, depuis une vingtaine d’années tout au moins. Mais les syndicats affichent, à ce propos, une indifférence totale, une situation qu’ils n’évoquent jamais. En revanche, ils affirment que «le gouvernement montre peu de respect à l’égard des salariés du transport aérien et du dialogue social». Et jamais ils ne se risquent à la moindre allusion aux passagers, à la perte de crédibilité des compagnies, Air France et les autres, qui évoluent dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Ils préfèrent évoquer une saisine du conseil constitutionnel.
C’est évidemment le SNPL qui donne le ton, qui mène la danse, qui affiche une indifférence totale face à des critiques qu’il semble ne pas entendre ou rejette en bloc. C’est de l’autisme. S’il y a mépris, c’est pourtant, avant tout, vis-à-vis des voyageurs aériens. En témoignent les annulations de vol de dernière minute, alors que les passagers étaient déjà installés à bord des avions, l’équipage ne s’étant pas présenté. D’après Air France, 300 annulations «à chaud» se seraient ainsi produites, contribuant à créer une ambiance tout simplement détestable.
On peut y voir la confirmation que les adhérents du SNPL ne se préoccupent absolument pas d’impopularité, un comportement qui n’est pas nouveau et qui a déjà marqué les esprits à plusieurs reprises. On se souvient, notamment, du conflit de 1998, au moment de la coupe du monde de football, une attitude désolante des navigants restée dans toutes les mémoires.
Si le conflit devait se durcir, il toucherait durement Air France, au plan financier s’entend, alors que la compagnie ne peut compter que sur elle-même pour redresser ses comptes, mis à mal, notamment, par les avancées spectaculaires du secteur low cost illustrées par les progrès incessants de Ryanair, EasyJet, Norwegian et leurs pairs.
L’époque des aides étatiques tombées du ciel est révolue, interdites par les règles implacables de la Commission européenne. Les Hongrois l’ont constaté il y a quelques jours, la faillite de Malev ne leur laissant que les yeux pour pleurer.
Le vrai problème, aujourd’hui, est qu’Air France est attaquée de l’intérieur et qu’on n’entend pas le moindre propos susceptible de conduire à l’apaisement. Quelle déception, quel gâchis !
Pierre Sparaco-AeroMorning
Outre le SNPL, Syndicat national des pilotes de ligne, l’intersyndicale se compose de l’UNSA, du SNPNC, de l’UNAC, de la FGTE CFDT Aériens, de la CGT Transports et de la FEETS FO.