Une fois n'est pas coutume, je pique une rubrique de Taupo pour vous montrer des bébés animaux.
Mais cette fois, il s'agit d'espèces depuis longtemps disparue, j'ai nommé les dinosaures !
Au cas où vous ne seriez pas au courant, les dinosaures ne naissaient pas directement comme ça :
Non seulement ils avaient des plumes et n'étaient pas faits en légo, mais en plus ils pouvaient être petits, voir mignons (en tout cas du point de vue de leurs géniteurs).
Heuuu ... ouai, enfin disons que ceci est une "vue d'artiste".
Plus sérieusement, la vie familiale des dinosaures a été mises en évidences grâce au travail de James "Jack" R. Horner un paléontologiste pas comme les autres. C'est lui qui a découvert le premier nid de dinosaures en 1978.
A vrai dire, jusqu'au dernier quart du XXe siècle, les chasseurs de fossiles de dinosaures, qu'ils soient de réputés professeurs ou des amateurs, avaient plutôt pour objectif de découvrir les dinosaures les plus gros possibles. C'est bien compréhensible : chaque musée veut avoir un dinosaure plus gros que celui du musée voisin. Voilà une motivation qui n'incite pas à découvrir les petits dinosaures, les jeunes ou encore moins les bébés.
Pourtant dans les années 70, on a commencé à se demander pourquoi il n'y avait pas assez de petits dinosaures dans les collections. Après quelques interrogations un peu ridicules ("Pourquoi les dinosaures ne pouvaient pas être petits ?") on s'est rendu compte que si on cherchait de petits dinosaures on en trouvait tout autant que les gros. Toutefois, une seconde motivation se mettait en travers de la découverte de jeunes dinosaures : la volonté de nommer. Les paléontologistes adorent donner un nom à ce qu'ils découvrent. Donc si ils découvrent le fossile d'un dino très légèrement différent d'un dinosaure déjà connu, ils vont déclarer qu'il s'agit d'une nouvelle espèce et lui donner un nom.
Pour leur défense, certains attributs changent énormément entre dinosaures proches. Par exemple, la variété des formes de cranes des cératopsiens (famille du tricératops) est impressionnante.
Il en va de même pour les cranes de la famille du Pachycéphalosorus
Pachycéphalosorus
Stygimoloch
Dracorex
ou le nombre de dents (de 13 à 17) dans la famille du Tyrannosaure. En effet, il s'agit là d'ornements osseux ou dentaires, pas des choses qui poussent et tombent à volonté, comme les pelages (marcassin vs sanglier adulte), les bois des cerfs (bambi vs son papa) ou les plumages (poussin vs coq).
Sauf que comme d'habitude cette "évidence" n'est pas forcément fondée. Ainsi, on trouve des oiseau qui se font pousser des excroissances osseuses alors qu'ils sont (quasiment) à l'âge adulte. Par exemple le casoar:
C'est là que Horner revient à la charge et se demande si les dinosaures ne feraient pas la même chose que leurs plus proches parents (les oiseaux). Il étudie alors en détail les crânes de Dracorex, Stygimoloch et Pachycéphalosorus. Ce qui les distingue, c'est la présence de l'excroissance bombée (inexistante, petite, grosse) et des pics derrière la tête (importants, petits, très petits). Les pics sur le museau sont par contre identiques.
Est-ce que le petit Dracorex aurait pu grandir en Pachycéphalosorus en se faisant pousser un dôme sur le crâne et en résorbant ses pointes derrière la tête ? Pour en avoir le cœur net, Horner prend le risque de scier ses précieux crânes pour observer la qualité de l'os. Bingo ! Les os du Dracorex sont spongieux donc jeunes et en pleine croissance, ceux du Stygimoloch sont renforcés presque partout sauf sur le dôme qui semble en pleine croissance et ceux de Pachy sont durcis partout, croissance terminée. Et hop ! Deux espèce de dinosaures à retirer de la nomenclature.
Horner a continué son œuvre désacralisatrice avec les Tricératops & co. et avec les T rex (qui perdent bel et bien des dents en vieillissant, tout comme certains autres dinos perdent des rémiges). Mais si vous entendez l'anglais, je vous conseille de l'écouter vous décrire lui-même ses découvertes avec malice.
Références :
- John R. Horner, Mark B. Goodwin. Extreme Cranial Ontogeny in the Upper Cretaceous Dinosaur Pachycephalosaurus. PLoS ONE, 2009; DOI: 10.1371/journal.pone.0007626
- Le billet de Tom Roud sur Darwin 2009
- Scannella, J.B.and Horner, J.R. 2011. 'Nedoceratops': an example of a transitional morphology. PLoS ONE 6(12): e28705. doi:10.1371/journal.pone.0028705