J'ai l'habitude de voir la Loire sous le soleil. Parce que moi, pour me sortir de mon douillet intérieur, il faut un temps splendide.
Mais voilà, en ce moment la Loire est totalement gelée, de mémoire d'orléanais on n'a pas vu ça depuis vingt ans. N'ayant pas réellement l'intention de faire de vieux os dans cette ville, je me suis dit que c'était le moment ou jamais d'aller faire de belles photos. J'ai donc pris mon courage à deux mains, bravé ma flemme et mon rhume carabiné, enfilé mes UGG, mon bonnet, mes gants et mon manteau, et je suis partie à l'assaut des températures polaires.
Je comptais y rester ving minutes. J'y ai passé deux heures. Parce qu'il s'est passé un truc magique. Quelque chose qu'on appelle une épiphanie. Un moment de grâce. Toute à mes photos, je n'ai soudain plus rien ressenti que cet émerveillement que seul peut nous procurer la véritable émotion esthétique. Je n'ai plus senti mes doigts qui menaçaient de se désolidariser de mes mains (parce que faire des photos avec des gants, ce n'est pas pratique), mon nez qui coulait (à cause du rhume), mes yeux qui pleuraient (parce que faire des photos avec des lunettes de soleil, ce n'est pas pratique), le sol qui glissait. Je n'ai plus que vu le miroitement du soleil sur la glace, les oiseaux qui se rassemblaient en piaillant, les glaçons chariés par le courant, la cathédrale se découpant au loin sur le ciel bleu.
Je n'ai plus vu que la beauté, et oublié le reste. Vraiment, ça valait le coup...