Cent mille personnes dans les rues d'Athènes et de Salonique, plus d'une dizaine de bâtiments en feu, les manifestations en Grèce ont pris un tour de guerilla urbaine dimanche dans la capitale grecque pour protester contre un plan d'austérité destiné à éviter la «faillite» du pays, proposé dans la soirée au vote des députés.
À Athènes, la police a recensé 35 personnes blessées, puis hospitalisées, au cours d'affrontements entre forces anti-émeutes et des groupes de manifestants cagoulés dans les rues adjacentes de la place Syntagma devant le parlement.
A peine la manifestation contre le plan proposé aux députés avait-elle commencé vers 12h00 que les premiers incidents ont démarré lorsqu'un groupe de contestataires regroupés devant le parlement a fait pression sur l'important cordon policier disposé autour du bâtiment. La police a aussitôt riposté en faisant usage de gaz lacrymogènes.
Les manifestants se sont alors retirés dans les rues adjacentes, qui se sont transformées en champs de bataille : des manifestants jetaient des pierres, des morceaux de marbre et des cocktails Molotov sur les forces antiémeutes.
A 17h00, les heurts se poursuivaient dans le centre-ville, ainsi que les débats au parlement.
Des personnes cagoulées ont brisé des vitrines de magasins sur les avenues Pandepistimiou et Stadiou. Un magasin de cristal a été incendié, le feu gagnant le cinéma voisin, l'un des plus anciens de la ville, alors que les pompiers ne parvenaient pas à se rendre sur les lieux en raison du nombre de personnes dans les rues.
Au total, plus de 10 bâtiments ont été incendiés selon les pompiers à Athènes. A Salonique, la police a recensé 6 banques endommagées.
Les contestataires avaient commencé à affluer sur la place Syntagma en début d'après-midi à l'appel des deux grandes centrales syndicales grecques, la GSEE pour le privé et l'Adedy pour le public, ainsi que de la gauche radicale.
A Salonique, deuxième ville du pays, des heurts ont également éclaté entre les quelque 20 000 manifestants et les policiers qui ont riposté en tirant des gaz lacrymogènes.
«Les députés s'apprêtent à voter des mesures qui vont conduire à la mort de la Grèce (...) mais le peuple ne va pas céder», s'est exclamé le compositeur grec Mikis Theodorakis qui s'est joint aux contestataires à Athènes.
A l'intérieur du parlement, dont les abords étaient gardés par quelque 3000 policiers, les discussions battaient leur plein, marquées par de fréquents incidents de séance entre les rangs gouvernementaux et l'opposition de gauche.
«D'ici à dimanche soir, le parlement doit avoir adopté» le nouveau programme de redressement, sous peine d'une «faillite» de la Grèce, a lancé, visiblement tendu, le ministre des Finances, Evangélos Vénizélos.
Il a souligné que l'Eurogroupe, qui pourrait se réunir mercredi, réclamait un vote positif des députés en préalable au déblocage du deuxième plan de sauvetage du pays, combinant renflouement via des prêts publics de 130 milliards d'euros et désendettement via l'effacement de 100 milliards d'euros de créances.
Le pays espère entamer cette dernière opération avec ses créanciers privés d'ici au 17 février, a précisé M. Vénizélos. Le représentant des créanciers privés, Charles Dallara, a lui aussi appelé les députés à voter oui, et prévenu que la Grèce n'avait plus une minute à perdre, dans un entretien avec le quotidien Kathimérini.
Dans la soirée, le président du parti de droite Nouvelle Démocratie, Antonis Samaras, a appelé à la tribune les députés à voter en faveur du paquet d'austérité, un des votes les plus «difficiles de l'histoire» selon lui.
Le leader du Pasok (socialiste) Geroges Papandréou, ancien Premier ministre, y est allé lui aussi de son appel au vote, pour éviter «le chaos», «la banqueroute» et la «Grèce hors de l'euro», avec «ses conséquences incontrôlées».
Les deux leaders avaient prévenu samedi leurs députés que tout écart vaudrait exclusion, à un moment où la dureté de la cure prescrite craquelle le système politique.
Le Premier ministre Lucas Papademos avait aussi averti samedi que la Grèce jouait sa survie financière et son maintien dans l'euro, pour empêcher le «chaos».
Son gouvernement de coalition socialiste-conservateur dispose d'une majorité théorique de 236 députés sur 300, qui pourrait être réduite par une vingtaine de dissidences annoncées ou présumées, mais sans qu'un rejet ne soit dans l'immédiat jugé probable.
Sans cet aval, la Grèce n'a aucune chance de recevoir le moindre centime d'aide pour éviter un défaut de paiement incontrôlé en mars, à l'échéance de créances de 14,5 milliards d'euros.
Le plan ouvre la voie à une chute brutale des salaires dans le privé censée redonner de la compétitivité au pays.
Les syndicats ont jugé qu'il faisait le «tombeau de la société», tandis que la gauche communiste et radicale a réitéré au parlement sa demande d'élections immédiates, considérant que la Grèce n'a rien à perdre à mettre ses créanciers au défi de la lâcher.
L'accord gouvernemental affiché jeudi sur ce plan s'est vite fissuré, avec la démission dès le lendemain de six membres du gouvernement: deux socialistes et quatre cadres de la formation d'extrême droite Laos, qui avait rallié en novembre le gouvernement de coalition.
Source : Cyberpresse