Pierre Moscovici, directeur de la campagne de François Hollande, réagit aux propositions de Nicolas Sarkozy, sur le terrain des valeurs.
Que pensez-vous de l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy à travers son interview au Figaro Magazine ?
On sort de l’hypocrisie dans laquelle le président de la République s’était enferré et dont le sommet fut l’entretien côte à côte avec Angela Merkel. C’est une entrée en campagne à droite toute, qui en dit long sur la stratégie et la posture de Nicolas Sarkozy. Sa stratégie ressemble à celle de George Bush fils en 2004, celle d’une coalition conservatrice qui ne se connaît pas d’ennemis à droite. Ce Président a un bilan plus que négatif : la dette publique a augmenté de 600 milliards ; la France compte un million de chômeurs en plus ; la précarité et les injustices ont explosé ; la compétitivité s’est dégradée ; la République est affaiblie. Nicolas Sarkozy joue donc la diversion, il veut faire dévier le débat présidentiel des questions essentielles, celles de la capacité à sortir la France de la crise dans la justice.
Nicolas Sarkozy présente le "travail, la responsabilité et l’autorité" comme ses valeurs. Quelles sont celles de François Hollande ?
Nicolas Sarkozy a son triptyque, François Hollande a le sien : le redressement du pays d’abord – sur le plan financier, sur le plan productif et industriel, le redressement européen car l’Europe doit être réorientée pour ne pas se résumer à l’austérité – ; la justice ensuite, car le combat contre les inégalités est l’ADN des socialistes ; l’espérance enfin. Là où Nicolas Sarkozy ne propose qu’une société de la peur, François Hollande propose un avenir à la jeunesse, à travers l’éducation et le contrat de génération. Et puis il y a la République : le Président sortant place le débat sur le terrain des valeurs, nous ne craignons pas de défendre les nôtres. Reprenons la devise de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité, ainsi que la laïcité. La République que nous aimons n’est pas une République qui exclut ou stigmatise, c’est une République qui unit. Notre adversaire cherche à diviser les Français, à cliver. François Hollande veut rassembler, rassurer.
La présidentielle va-t-elle se jouer sur les valeurs?
Elle va d’abord se jouer autour des questions économiques et sociales. Le Président sortant tente d’esquiver, de contourner et d’amener le débat sur le terrain des valeurs conservatrices, voire réactionnaires. Nous le ramènerons sans arrêt à son bilan et aux questions qui préoccupent les Français. Mais ce n’est pas parce que le débat sera économique et social que nous devons fuir la confrontation idéologique. Face à ce Président diviseur, qui manie le référendum pour fustiger et culpabiliser les chômeurs comme s’ils étaient des assistés, nous voulons une France républicaine, qui inclut et promeut, dans la sécurité.
Sa déclaration de candidature "approche", comme il le dit lui-même. Cela changera-t-il la donne ?
Cela changera profondément la campagne. Jusque-là, il y avait un candidat sortant qui feignait d’être encore Président. Il faisait campagne masqué et retenait ses coups. Il va jouer des peurs et des émotions. Nous ne mésestimons pas le choc qui nous attend. La confrontation sera rude. Pour Nicolas Sarkozy, le pouvoir est tout. Il fera tout et n’importe quoi pour le garder. Nous serons donc à la fois vigilants et combatifs.
Le second tour opposera-t-il forcément Sarkozy et Hollande ?
Les Français n’aiment pas qu’on leur impose une configuration. J’ai la conviction que les Français veulent le changement et que seul François Hollande, avec son projet, l’incarne. Mais j’ai, comme lui, le souvenir cruel du 21 avril 2002 : le premier tour sera décisif. Cela dit, c’est bien le second tour que nous souhaitons, pour que 2012 soit une élection dans la clarté.
>> Télécharger le projet