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61 jours - Rencontre du troisième type

Publié le 08 mars 2008 par Nitchioule
Même quand on est chômage, il arrive que la vie s'accélère un peu. Ces trois derniers jours, j'ai eu un soubresaut d'énergie : envois de CV et de lettres de motivation, visite du Salon de l'agriculture, déjeuner avec ma mère, et surtout, lundi soir, une invitation à dîner.
Pierre-Antoine habite un studio de 35 mètres carrés dans le IVème arrondissement. Sur ses étagères, une collection de Tintins, sur son mur, un plan du métro londonien. Dans la vie, P-A fait du contrôle de gestion. Sa fiancée, Sophie, est professeur de français dans un lycée privé parisien. Ils se sont rencontrés, il y a 6 ans, lors d'un voyage humanitaire. "On était dans une troupe de cirque. On est parti dans les Balkans pour divertir les enfants traumatisés par la guerre. Quand Sophie enfilait ses échasses, je lorgnais discrètement derrière les rideaux des coulisses." Fervents catholiques, ils n'habitent pas ensemble.
Louis et Claudine, invités par P-A au même titre que Dug et moi, viennent de la région PACA. Ils sont arrivés à Paris pour des raisons professionnelles, mais la mer, les arbres et les montagnes leur manquent. Fiancés, ils vivent dans un 16 mètres carrés rue Mouffetard. "On est heureux, je ne vois pas pourquoi on déménagerait." Louis et Claudine participaient aux JMJ de Toronto. "Avant de partir, j'ai dit à Jésus que ça serait bien de tomber amoureux pendant ce voyage. Il m'a entendu." Claudine sourit en baissant les yeux. Ses mains sont sagement posées sur ses genoux.
Nous voilà donc tous les 6 autour d'une table. P-A nous sert du poulet au curry et du riz. La viande est rose et nerveuse, la sauce sucrée, compacte. Le riz colle. "Je ne veux pas faire le rabat-joie, mais on est ici pour parler de la liberté", rappelle Louis. En effet, la semaine dernière, ensemble, nous avons étudié les premiers versets de la Genèse : "Au commencement..." Nous nous retrouvons ce soir pour réfléchir sur le thème de la liberté dans le mariage.
"Alors, comme ça, vous ne consommez pas ?" demande Louis en lorgnant sur le lit "monial" de P-A. "Ma soeur vit en concubinage, souligne Sophie. Mais nous, on préfère attendre. Personne ne nous y oblige, c'est notre choix." P-A se tourne vers Dug : "Tu n'es pas croyant, pas baptisé, pourquoi alors te marier à l'église ?" Dug me regarde, il explique que c'est pour moi qu'il le fait : "Mon côté spirituel, c'est Jaurès, Malraux, Zola. Me marier devant la République, c'est le plus beau des engagements." P-A s'étrangle : "Un hérétique et un gauchiste, et moi qui croyais qu'il n'y avait que des mono-profils dans la paroisse..."
Claudine ne parle pas beaucoup. Elle sourit de temps en temps. Elle se tient bien droit sur sa chaise. Ses long cheveux noirs sont tirés en arrière et lui arrivent aux fesses. Louis s'enflamme sur le sermon qu'il a entendu dimanche dernier : "Un prêtre qui interdit aux divorcés, aux homosexuels, aux concubins de communier, je n'aime pas ça." P-A regarde sa montre. Je donne le signal du départ.
Dans la rue, Claudine se lâche. Elle me raconte qu'à Monaco, les prêtres sont payés plus de 2000 euros par mois. "On ne peut plus parler de vocation. Ce n'est pas bien. Chez moi, on est 7000 habitants et il n'y a pas de prêtre. A Monaco, on compte au moins 3 prêtres en soutane par paroisse..." Derrière nous, j'entends Louis qui parle de RCF et des groupes de prière. On se quitte boulevard Saint-Germain. Ils traversent. On avance de quelques mètres. On s'arrête. La main dans la main, les yeux dans les yeux, le dug et la nitchioule se sourient effarés.

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