L’âne et l’éléphant, par French Fry
« Rien ne sert de courir… » : devise du pachyderme républicain. L’éléphant sort gagnant de cette longue marche des primaires. Parti en fanfare et confettis, l’âne est épuisé par des mois de lutte. Les républicains se mettent en ordre de marche autour de not’ ol’John. Huck a tiré sa révérence sans chanson et « dubble you »,au seuil de la White House,fait allégeance. Soutien encombrant car, avec ses 32 % d’opinions favorables, il ne pèse pas du bon côté… Conscient de cette épine dans sa « ranger », McCain a fait savoir qu’il n’allait « utiliser » l’actuel président que pour constituer un trésor de « guerre » (dans tous les sens du terme) pour la campagne. C’est sous ces martiales auspices qu’il se place, se présentant en rempart, en spécialiste, en professionnel, qualifié pour répondre à toute autre forme de velléités anti-américaine, urbi et orbi.« Armé » de son expérience, il se voit répondre au fameux coup de fil, celui qui dans les films résonne en pleine nuit, faisant vrombir le combiné rouge sur son socle, troublant d’un éclair stridulant la quiétude du président et, à travers lui, le repos bien mérité des « civils ». Il faut un soldat McCain pour gouverner un pays en guerre, selon sa formule répétée ad nauseum… Le sujet (le coup de fil nocturne) avait d’ailleurs été amené par une Hillary faisant feu de tout bois ces derniers temps, dans un style que l’on peut -sans exagérer- qualifier de populiste. Depuis deux semaines, elle aussi rase gratis.
Pendant ce temps-là, l’âne hésite: son cœur balance entre le vibrato généreux et aspirant de l’un et la promesse de labeur pragmatique et comptable de l’autre. Notre âne bénéficie encore de l’avance que l’impopularité de Bush lui sert sur un plateau, mais pour combien de temps. Cette crainte agite beaucoup les milieux démocrates et divise leurs leaders. Fine mouche et redoutable politique, Hillary l’a senti,qui se dépêche dans l’élan d’un demi succès de proposer à Obama la vice-présidence ! Elle est derrière lui, il mène de près de cent délégués, et elle a le cran de lui proposer la seconde place ! Culottée. Avouons que sa pugnacité force le respect. C’est ainsi qu’elle conquiert sans soute le coeur des ouvriers, mise sur les femmes blanches middle aged,et des Latinos (la presse dit moins - c’est polémique- que la communauté hispanique reste « réservée » quand aux afro-américains…). De son côté, Mr change séduit toujours les jeunes, la communauté noire et les diplômés, plutôt citadins. Mais, son grand sourire ne suffit plus, l’Amérique populaire veut voir ses dents ! Obama est attendu. Endurante et insubmersible, lady H a su montrer qu’elle avait des tripes. Lui doit sortir de sa réserve, acceptant de descendre aussi sur un terrain politique niveau ceinture.
Sur fond de résultats, la presse américaine, très versatile parle de renaissance et de revirement tandis que Mr. Change garde son avance. Violemment critiqués par le camp hillarien pour leur partialité, les journalistes et animateurs piquent désormais qu’ils adoraient. L’air du temps sans doute… La lassitude peut-être, face à un candidat trop impeccable, trop aimé, trop poli. Les dernières déclarations de Barack promettent un passage à l’affrontement.
Reste la question de leur capacité d’endurance, et du « dopage » de campagne, car on a peine à croire qu’un jus d’orange matinal et quelques compléments alimentaires peuvent suffire à tenir ce rythme d’enfer… Revient aussi le fantôme lancinant de la Floride et du Michigan. Ici, la bataille des juristes, là le combat des supers délégués. Si les deux candidats parviennent jusque là en vie…
Qui peut donc décrocher ce téléphone qui résonne au milieu de la nuit jusque dans les couloirs de la Maison Blanche ? Hillary va-t-elle éteindre sa veilleuse du night shift avant d’aller au lit ? Et Barack salir sa chemise blanche ? Rendez-vous ce week-end dans le Wyoming (hillarien), et la semaine prochaine dans le Mississipi (obamesque). Trêve d’Easter (pâques) ou spring break oblige, l’œil du cyclone pascal passera ensuite dans le ciel américain. Reprise le 22 avril prochain en Pennsylvanie, où l’électorat ressemble à celui de l’Ohio.
Une piste de réflexion : le faible écart entre H et O ne protégerait-il pas notre O des attaques prématurées d’un camp républicain déjà en formation tortue ? L’ombre d’Hillary évite à Barack de trop s’exposer face à son véritable adversaire, qui entre les deux ne sait pas encore sur qui ajuster son tir. D’un côté les primaires épuisent, de l’autre elles donnent du temps…