Cette nuit au Horley's tient toutes ses promesses puisqu'en plus de la soirée snooker, Malek m'apprit à lancer des fléchettes bleues et rouges dans une cible numérotée. Novice à ce jeu je lui demandai de repositionner les chiffres dans l'ordre et croissants de préférence mais c'est dans un grand éclat de rire qu'il me répondit :
- Ahahah ! Hey ! ! C'est voulu Laurent ! C'est la difficulté de ce jeu !
Je souris, confus, et constatai que la tête d'Ibis tanguait un peu dans sa démarche.
- Il ne doit pas supporter plus de quinze bières, pensai-je en soufflant une envie pressante. Rester digne dans l’ivresse n'est pas un problème pour moi. Je n'ai pas la chemise sortant du pantalon, pas de femme pour me reprocher que mon nœud papillon soit de travers et pas de souliers neufs glissants casse-gueules. Le résultat est là, comme une évidence. Mon corps assimile mieux l'alcool du fait de cette décontraction et je n'ai nul besoin de vérifier s'il me reste encore un peu de dignité. Du haut de mon tabouret, je lançai nonchalamment les fléchettes et priai pour que ce jeu se termine rapidement quand une jeune femme aux grands yeux verts hallucinés fonça vers moi et m'agressa d'une claque au niveau de l'omoplate gauche :
- Pourquoi me regardes-tu ? ! ! hurla-t-elle.
Elle n'avait pas tort, la bougresse. Cela faisait un moment que j'épiais la clientèle dans le reflet des miroirs du Horley's. C'est une sale habitude que j'ai. Une manie, un TOC provenant de mon enfance. Je me croyais toujours plus malin que les autres en scrutant leurs méfaits et gestes dissimulés.