Le tribunal de commerce de Paris a condamné Google et sa filiale française pour abus de position dominante. Le géant américain de l’internet était opposé à l’entreprise Bottin Cartographes, qui fournit contre rémunération des plans d’accès, cartes de localisation et itinéraires en ligne.
Par Édouard H.
Une actualité m’a fait bondir de mon fauteuil tant elle est symptomatique de l’état de décadence de ce pays : Google est condamné pour « abus de position dominante » pour avoir offert ses services de cartographie gratuitement.
[Mercredi 1er février], le tribunal de commerce de Paris a condamné le moteur de recherche à verser 500.000 euros de dommages et intérêts à la société Bottin Cartographes, ainsi que 15.000 euros pour indemnisation des frais de justice. Il a estimé que Google avait faussé les règles de la concurrence en proposant gratuitement son service de cartographie Google Maps aux entreprises, là où ses concurrents avaient des solutions payantes. Bottin Cartographes, qui avait assigné Google devant le tribunal en 2009, estimait sa perte de chiffre d’affaires à 800.000 euros au minimum pour les années 2009 et 2010.
Cette actualité va me permettre de revenir sur l’absurdité jamais remise en cause qu’est la politique de la concurrence.
Cette politique est censée veiller à ce que les entreprises n’abusent pas de « positions dominantes » quand elles sont en situation d’oligopole (seulement un nombre réduit d’entreprises) ou de monopole. En effet selon la théorie néoclassique de la Concurrence Pure et Parfaite, un marché qui ne serait pas atomisé, c’est-à-dire qui ne serait pas constitué d’un grand nombre d’entreprises en concurrence, serait forcément une situation sous-efficace, une situation où les entreprises en profiteraient pour influer sur les prix ou les quantités de manière arbitraire.
Bien que cette théorie néoclassique ait été remise en cause de bien nombreuses fois depuis qu’elle a été créée, elle est toujours en vigueur aujourd’hui par l’État, qui réglemente la concurrence par des autorités diverses et variées tant au niveau de l’État central que de l’UE. En effet, celles-ci sanctionnent les oligopoles et monopoles, sans distinction (et c’est bien ça le problème, nous allons le voir). Les politiques sont unanimes sur l’utilité de ces autorités, elles ne font pas débat. Et pourtant, elles devraient !
Tous les oligopoles et monopoles ne sont pas mauvais
Une situation d’oligopole ou même de monopole peut être bonne ! Elle peut être efficace pour de multiples raisons, tenant par exemple aux économies d’échelle. Qu’est-ce qui permet de dire qu’une situation d’oligopole/monopole est bonne ou non ? L’intervention de l’État.
Dès lors que l’État laisse faire la libre concurrence, si les entreprises sont en situation d’oligopole/monopole c’est qu’elles l’ont mérité : elles ont une production qui satisfont les consommateurs. Qui sont ces autorités de la concurrence pour décider que les consommateurs n’ont pas le droit de tous vouloir un seul même produit, ou seulement quelques produits différents ?
Ces entreprises en situation d’oligopole/monopole ne peuvent aucunement « abuser » de leur position dominante dans le sens où elles ne peuvent influer arbitrairement sur les prix à la hausse ou la qualité à la baisse : si elles le faisaient, un nouveau concurrent sentant les potentialités de profit arriverait sur le marché et/ou les consommateurs se tourneraient vers des produits de substitution. Ainsi, la situation d’oligopole/monopole est précaire : elle n’est possible que parce que les entreprises fournissent des biens qui satisfont. Le jour où elles ne le font plus, pouf !, c’en est fini pour elle.
Quand l’État impose des sanctions à des entreprises en situation de libre concurrence, en réalité il ne fait que servir les intérêts des nouveaux entrants qui veulent casser arbitrairement leurs concurrents pour se tailler une part du gâteau non méritée, au détriment de tout le monde.
Le seul moyen pour que des entreprises puissent avoir une « position dominante », une capacité d’influencer arbitrairement contre les lois du marché, c’est à l’aide des faveurs de l’État. Seul l’État peut permettre à une ou des entreprises d’avoir un pouvoir de coercition. Si l’État empêche la concurrence d’une manière ou d’une autre (avantages pour une entreprise, barrières administratives pour l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché, etc.), les entreprises bénéficiant des faveurs pourront influencer les prix vers le haut et la qualité vers le bas sans se soucier de la concurrence.
Et en France ces situations sont très communes : SNCF, santé, taxis, pharmacies, etc. Ce sont tous des secteurs où l’État empêche la libre concurrence et ainsi pousse les prix vers le haut et la qualité vers le bas, au détriment des consommateurs. Par rapport à ce problème, on pourra lire Free Mobile montre la faillite morale du capitalisme à la française avec profit.
D’ailleurs le plus drôle, c’est quand l’État sanctionne une situation d’oligopole qu’il a raison de sanctionner… parce que c’est lui qui l’a créée : dans le secteur des opérateurs téléphoniques il y a quelques années.
Google, condamné pour son offre de service gratuit
Pour en revenir à l’actualité citée au début de l’article, la stupidité est ici criante. Google est condamné parce qu’il offre des services gratuitement ?! Mais à quel point en est arrivée la décadence intellectuelle de ce pays pour qu’on condamne une entreprise pour avoir osé offrir des services gratuitement ? Hallucinant. Les effets décrits plus hauts sont ici parfaitement visibles : des concurrents voient d’un mauvais œil Google offrir des services de qualité pour des prix ridicules (ici gratuits), ils comprennent bien que leur business est en danger, et ils profitent donc de la politique de la concurrence pour abattre arbitrairement cette entreprise qui répond mieux aux besoins des consommateurs qu’eux-mêmes.
Dans le même genre, le tribunal de commerce de Paris devrait aussi condamner le soleil pour abus de position dominante parce qu’il fausse la concurrence du marché de la lumière en offrant ses services gratuitement. (voir à ce propos La pétition des fabricants de chandelles de Bastiat)
Conclusion
Ce pays tourne à l’envers. L’État, d’une part par sa politique de la concurrence casse des situations profitables aux consommateurs, et d’autre part lui crée des situations défavorables par ses réglementations dans certains secteurs.
Sortez-moi cet État d’là.
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