Cet article de John Whitfield, dans l'édition de Nature du 9 février, fait état d'un boycott qui prend de l'ampleur : Plus de 4.800 chercheurs de toutes disciplines se sont regroupés contre l'un des géants de l'édition, Elsevier, éditeur de revues prestigieuses comme The Lancet ou Cell et au total de plus de 2.600 revues médicales et scientifiques à impact (factor) élevé. Près de 200 nouveaux chercheurs rejoindraient le mouvement chaque jour. En cause et depuis plusieurs années, les pratiques commerciales de l'éditeur, de nature à « entraver la recherche ».
Timoty Gowers, un mathématicien de l'Université de Cambridge, qui a reçu la médaille Fields, une des plus hautes distinctions en mathématiques, n'attend pas de réponse de l'éditeur. L'objectif du boycott est plutôt de sensibiliser la communauté scientifique de manière à l'affranchir des grands éditeurs commerciaux, explique-t-il dans Nature. Les pratiques critiquées concernent les prix pratiqués par l'éditeur, la vente regroupée des revues (bundled subscriptions) qui impose aux institutions et aux bibliothèques de souscrire à des abonnements non souhaités et le soutien apporté par l'éditeur à la Loi américaine « Research Works Act » qui s'oppose au principe de l'open access. D'autres éditeurs sont coupables de telles pratiques, ajoute Timoty Gowers.
Alors que plus de 4800 chercheurs de toutes disciplines ont rejoint le mouvement, le 8 Février, Timoty Gowers et 33 autres mathématiciens, dont le président de l'Union Mathématique Internationale, ont publié une nouvelle déclaration détaillant leurs objections aux pratiques de l'éditeur. Si le boycott des revues de mathématiques ne serait pas trop dommageable pour l'éditeur, du côté de la médecine et de la biologie, points forts d'Elsevier, le coup serait fatal. A ce jour, près de 900 scientifiques en biologie ou en médecine ont signé l'engagement.
Alicia Wise qui dirige la diffusion de l'éditeur. Le coût par téléchargement des articles d'Elsevier est un cinquième de ce qu'il était, il y a dix ans, explique-t-elle. Et le regroupement n'est jamais obligatoire, il permet d'élargir l'accès.
Quelques tentatives d'indépendance : D'autres initiatives de ce type ont été engagées par les chercheurs depuis le début des années 200. Des initiatives qui ont donné lieu à la naissance d'éditeurs open-access tels que Mathematical Sciences Publishers basé à San Francisco, qui propose des revues en libre accès ou de revues indépendantes comme Geometry and Topology décrite comme l'une des meilleures revues de la spécialité.
Passer à de nouveaux modes de diffusion: Timoty Gowers se dit aujourd'hui favorable à de nouveaux concepts tels que la création de revues indépendantes qui proposeraient des liens vers des documents postés par les chercheurs sur un serveur de pré-print arXiv, un serveur comportant déjà des milliers d'études en science, sur lequel les chercheurs peuvent poster eux-mêmes leurs articles. Les éditeurs ne sont plus indispensables pour diffuser l'information, explique Timoty Gowers, la question principale est de remplacer le rôle des Comités des revues qui examinent les travaux avant publication.
Conscient que cette idée puisse être un peu futuriste pour de nombreux scientifiques, le chercheur espère que son action permettra de peser dans la future politique commerciale de l'éditeur.
Source : Naturedoi:10.1038/nature.2012.10010 « Elsevier boycott gathers pace », Gower's weblog « Elsevier — my part in its downfall”(Visuel © forestpath - Fotolia.com, vignette thelancet.com)
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