« De l’attente nait le désir ». La phrase a été prononcée par le président de la République, pas encore candidat mais plus que jamais dans les starting-blocks. Président et pas candidat début février, il a, sur ce point, imité ses prédécesseurs : Valery Giscard d’Estaing en 1981 (2 mars), François Mitterrand en 1988 (22 mars) et Jacques Chirac en 1995 (11 février). Dans un contexte marqué par la crise économique, celle de 2008 et sa réplique de l’été 2011, il lui est apparu indispensable de « rester aux affaires » comme il est coutume de dire. Président le plus impopulaire de la Ve République, il ne lui a pas semblé envisageable, ni pertinent, de se déclarer tôt, laissant ainsi aux socialistes et à leur candidat, l’initiative et la visibilité.
Malgré une fin d’année 2011 quelque peu hésitante du côté socialiste, la marche en avant s’est engagée depuis le début de l’année 2012, confirmant ainsi le statut de favori de François Hollande dans toutes les intentions de vote publiées à ce jour. Forcé de constater que la gestion de la crise et les discussions avec les partenaires européens et internationaux (FMI, Etats-Unis, etc.) ne lui ont pas permis de refaire son retard, Nicolas Sarkozy a ensuite initié une séquence « coup de poker » destinée à rebattre les cartes. Le 29 janvier il a ainsi détaillé un certain nombre de mesures chocs comme la création d’une TVA sociale, l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, l’augmentation de la constructibilité ou bien encore le soutien à l’apprentissage. En chamboulant le calendrier établit le presque candidat Sarkozy a cru pouvoir inverser la tendance. Le verdict a été sans détours, l’immobilisme le plus total dans les intentions de votes.Dans le même temps, ceux que l’on appelle les outsiders, Marine Le Pen et François Bayrou ont démontré qu’eux aussi devaient être perçus comme des adversaires de poids.
Conscient du retard accumulé et du chemin qu’il lui reste à parcourir le président s’est enfin décidé. Il sera candidat et entend refaire son retard. Hypothèse folle si l’on analyse dans le détail la cristallisation qui est à l’œuvre dans l’opinion, il existe néanmoins des éléments qui devraient lui permettre de démontrer que les jeux sont loin d’être faits.
Jouer sur une dynamique de reconquête
Tout d’abord Nicolas Sarkozy n’est aujourd’hui pas candidat. Détail linguistique selon certains, en matière de sondage c’est un élément qui demeure fondamental : la certitude a un poids et un impact en matière de projection électorale. Depuis quelques jours, l’UMP accentue cependant le teasing : Quand ? Où ? Comment ? Pour parfaire cette séquence, il a été décidé de rythmer l’ « avant » : interview dans la Figaro Magazine le 10 février envoyée aux rédactions 48h auparavant et lancement du profil Facebook du Président-candidat pour occuper le week-end des tweetos. Enfin, rumeur d’une prise de parole télévisée le 16 février. La télévision, toujours la télévision, comme nous le confiait Dominique Wolton il y a quelques jours.
Président critiqué par tous et en particulier par sa famille et ses sympathisants, Nicolas Sarkozy va revêtir les habits du candidat. Un costume qu’il porte avec sans doute plus d’aisance et de naturel que celui de Président ; c’est un fait confirmé par toutes les enquêtes depuis le début de son quinquennat. Aujourd’hui distancé, l’objectif sera de jouer sur une dynamique positive, dynamique qui reste la chose la plus importante en matière de sondage. Critiqué par son électorat de base et rejeté par ceux qui avaient contribué à son succès en 2007 (électeurs FN, ouvriers, etc.), Sarkozy entend démontrer que les choix qu’il entend faire sont non seulement ceux qui s’imposent mais surtout les seuls qui peuvent permettre au pays de se relever.
Une récente enquête réalisée par Ipsos fait clairement apparaître un potentiel récupérable, malgré un anti-sarkozysme qui demeure palpable : 63% des soutiens de Hollande au 2nd tour selon un sondage CSA. Le sous-total « Gauche » demeure minoritaire dans le pays mais le fort score réalisé par Hollande au 1er tour lui assure un 2nd tour largement bénéficiaire. Comme l’a indiqué Brice Teinturier, « il suffit de très légers mouvements » pour que la situation du 2nd tour revienne à un niveau plus proche entre les 2 opposants.
Convaincu qu’il pourra récupérer plus de 70% des suffrages exprimés en faveur du FN au 1er tour et que l’électorat Bayrou ne lui sera pas trop défavorable, Nicolas Sarkozy mise sur un entre deux tours original au cours duquel il sera en mesure de révéler le vrai visage de François Hollande et de son programme lors du débat télévisé.
Il pourrait également miser sur une détérioration du dossier syrien qui, s’il devait dégénérer, ne manquerait pas de garantir un regain d’intérêt pour le Président « chef de guerre ». Jacques Chirac peut en témoigner en souvenir du 11 septembre.
Enfin, la peur de gagner, sentiment bien connu en sport, est à prendre en compte. Défendre son bien ne sera pas simple pour François Hollande qui devra affronter la machine UMP et l’accélération de la campagne. C’est la vraie campagne qui débute et avec elle le début des grandes manoeuvres.