Nous étions gênés. L'homme était présenté comme un vibrant candidat. En 2007, il était parvenu à convaincre 53% des suffrages, malgré 5 années de mandat Chirac où il fut le ministre majeur. Il était parvenu à faire croire qu'il avait changé, qu'il s'était calmé, qu'il savait incarner cette France composite du 21ème siècle.
Cette semaine, il est devenu l'un des hommes politiques les plus ridicules du moment. Un homme presque incompréhensible. Il ne cessait de se comparer au François Mitterrand de mars 1988. Mais au lieu d'un succédané de la France Unie, nous eûmes droit à une resucée de l'Union rance version Front National. Grosse déception.
En début de semaine, son ministre de l'Intérieur avait donné le « la ». Il devait justifier de propos inutiles et hors sol sur les « civilisations ». La manoeuvre était facile et rabâchée. Le lendemain, son Monarque approuvait ses propos de « bon sens ».
Guéant est « l’islamophobe en chef » de Sarkozy, rétorquait le quotidien algérien Liberté. Mardi à l'Assemblée, un député apparenté socialiste l'accusa de suivre une voie dangereuse qui conduisait au nazisme. Tout le gouvernement indigné quitta l'hémicycle. En arrivant à la Réunion en fin de semaine, le ministre ne cherchait plus à se défendre, il plaidait le malentendu.
Lundi, Nicolas Sarkozy s'était montré avec Angela Merkel. Il était curieux, soucieux d'être plus vertueux dans le verbe que sa consoeur allemande. Il monopolisa une quinzaine de minutes, encore, d'un journal télévisé. On a tout oublié. Il était dans le Salon Murat.
Mardi, il s'est affiché père des familles. Il avait déboulé en jet présidentiel dans une crèche dans le Tarn, à Lavaur. Merveilleux ! Il sortit un gros mensonge. Non, il n'avait pas construit 200.000 places de crèches en 5 ans. Il avait simplement augmenté le nombre d'enfants à garder par assistante maternelle. Une véritable arnaque.
Mercredi, Nicolas Sarkozy faisait adopter son programme en conseil des ministres.
Les « mesures fortes » présentées le 29 janvier dernier sur 10 chaînes de télévision n'étaient que des mesurettes, douloureuses ou confuses, mais toutes insuffisantes pour changer grand chose à la situation du pays: les ménages paieront 12 milliards de TVA supplémentaire que l'UMP qualifie toujours de « sociale » dans des réunions politiques. L'UMP prédit que l'inflation restera maîtrisée, mais des économistes l'ont contredit, exemple allemand à l'appui. La fameuse taxe sur les transactions financières, qui « vise à créer une juste participation du secteur financier à l’effort de redressement des finances publiques », est bien modeste (0,1% des
transactions sur les actions de sociétés françaises cotées
dont la capitalisation excède le 1 milliard
d'euros), et sans contrepartie sociale ni de développement. Quelle taxe Tobin !
L'allègement des cotisations patronales familiales réjouira les entreprises, même celles qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Mais son impact sur la compétitivité est anecdotique. Pourtant, les services de Bercy sont allés jusqu'à prédire la création de 100.000 emplois créés dans les 3
ans... 25
millions de foyers vont payer 12 milliards d'euros de TVA
supplémentaires pour 100.000 emplois improbables... La prévision est invérifiable, même dans trois ans.
Mercredi, on s'inquiétait, en Sarkofrance, de deux accélérations judiciaires. Un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly-sur-Seine passait en procès pour une affaire de détournement du 1% logement. Sarkozy fait mine d'ignorer, mais il stresse comme un beau diable. Thierry Gaubert est aussi mis en examen depuis septembre dans le Karachigate. Mercredi, Eroc Woerth était mis en examen pour trafic d'influence passif dans cette affaire qui mobilisa les services secrets français inquiets de l'emballement médiatique. Rappelons que le patron de ces derniers, Bernard Squarcini, avait été inculpé pour espionnage de journalistes dans cette même affaire...
Le soir, les photographes ont immortalisé ce moment, François Hollande est allé serrer la main de Nicolas Sarkozy au dîner du CRIF. Le Monarque le tutoya spontanément. Il était extra-ordinairement chaleureux. Tout en proximité. Le lendemain, il profitait d'une distance retrouvée pour traiter Hollande de couard. La distance donne le courage...
Sarkozy nous a aussi promis un livre "intime". On craint le pire, la confession qui tombe à plat, le surcroît de langue de bois, un nouveau « J'ai compris, je regrette » après le « j'ai changé » de janvier 2007. On imagine que quelques psychologues se régaleront de l'ouvrage.
Jeudi, il était aussi à la centrale de Fessenheim, près de Strasbourg. Il s'y est rendu en avion présidentiel. Cette visite n'avait rien à voir avec son job de président. Il
n'y avait aucune urgence qui nécessite le déplacement. Sarkozy n'était là que parce que le candidat Hollande avait promis de fermer l'installation. Donc il voulait s'y montrer, et tacler en public et à distance son principal opposant.
Il voulait fanfaronner devant les employés de la centrale. C'était facile. Comme l'a commenté Corinne Lepage le lendemain, Sarkozy se serait fait applaudir par des ouvriers de l'amiante. La centrale est l'une des plus vieilles de France, moins confinée que les nouveaux modèles, et installée en zone sismique et inondable; Bref, elle a autant de risques d'un accident que Fukushima.
Il a fustigé le manque de courage de François Hollande. C'était facile. Lui-même n'est pas allé à Gandrange expliquer aux ouvriers d'Arcelor-Mittal pourquoi leur usine avait fermé malgré ses promesses. Le Monarque aurait pu se saisir de l'occasion pour s'interroger sur le récent rapport de la Cour des Comptes, du 31 janvier.
Vendredi, on apprenait d'une énième confidence que le Monarque se déclarerait candidat le 16 février. Le journaliste d'iTélé Michael Darmon révélait quelque part vers 18h30 que le Monarque avait choisi « un lieu symbolique pour le peuple français ». Il y aura ensuite une interview télévisée, un déplacement de province (comme chaque semaine) et un meeting (à Marseille, le 19 février). Le même jour, le Monarque recevait des élus locaux pour une « conférence sur les finances locales ». La majorité était à gauche. Le Président était à droite. Mais surtout responsable de 500 milliards d'euros de dette publique supplémentaire en un quinquennat. Le Président du Fouquet's avait pourtant de grandes idées.
Samedi, le Figaro Magazine publiait cette improbable interview. Depuis 3 jours, on en connaissait l'essentiel. Sur le tard, le Monarque découvrait les vertus du référendum ciblé et opportuniste. Il n'en voulait pas sur le nucléaire, mais lui trouvait pourtant une qualité pour « surmonter » les « blocages » de la société française. Il avait choisi deux thèmes de choix: imposer aux chômeurs des formations et des emplois et conditionner le mariage de Français avec des étrangers à des preuves de revenus et d'emploi. Fantastique ! On s'amusa de cette soudaine envie de « démocratie » si bonapartiste. Contre les collectivités locales, il menaçait :« il faudra trouver les moyens pour que les dotations de l'Etat soient
modulées en fonction de leur politique de maîtrise des dépenses ».
Depuis des mois, Nicolas Sarkozy construisait son image de Président rassembleur et protecteur à coup d'images d'Epinal. Le succès de la campagne de François Hollande, la résilience de Marine Le Pen, le maintien de Jean-Luc Mélenchon lui ont fait réalisé un peu tard qu'il était en train de passer à côté de la campagne. Cette fois-ci, il choisissait de cliver à droite, voire à l'extrême droite. L'homme se fichait de la cohésion sociale, en ces temps de précarité de masse. Ce samedi, il nous a refait son discours de Grenoble.
Allait-il devoir poser nu pour attirer enfin l'attention sur son triste sort ?
Ami sarkozyste, où es-tu ?