Toute l'exposition du franco-britannique Anthony Freestone à la galerie Nicolas Silin (jusqu'au 18 février) vise à cela, créer du lien, établir des correspondances incertaines, incongrues, cachées qu'il vous faudra deviner, imaginer, élucubrer. Il s'agit d'ordonner le monde selon des règles baroquement logiques, des topographies imaginaires. "Mes tableaux s'apparentent en quelque sorte au jeu de dominos, quand des pions, dispersés en début de partie, se retrouvent petit à petit liés les uns aux autres au fil de combinaisons", dit Freestone.
Face à ces polyptyques d'images grises et de textes colorés, il faut surtout se prêter à ces jeux de langage, de logique, d'échos, de clins d'oeil oulipiens, conceptuels, surréalistes, à ces rencontres inattendues entre image et texte, à ces rebondissements improbables. L'ensemble déroute, trop séduisant visuellement, trop hermétique intellectuellement. Freud, cité ici à propos du Zuiderzee, nous incite à fouiller plus profond.
Le même jour, dans l'exposition de la tout aussi rigoureuse Anne Deguelle à la galerie Dix Neuf, je contemplais le tapis ornant le divan londonien de Freud, tapis décliné, reproduit, projeté sur le sol et aux murs de la galerie sous cette citation de Shakespeare en néon, avec l'évocation de tapis de Holbein ou de Ghirlandajo. Tapis tissé comme les tartans d'abord, et tous deux cartographies territoriales représentant le monde. Mais aussi rôle de tisserande dévolu aux femmes, dit Freud dans ce texte étonnant (la toison pubienne comme inspiration du tissage), et dont la dernière phrase laisse pantois.