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La guerre que Paris ne gagnera jamais

Par Ladecool

matin, en ouvrant les fenêtres de ma chambre je me suis pris un grand coup de Paris dans la figure. Ce gris sournois, ce ciel plombé, ce froid humide, je n’étais plus à Marseille, j’avais le moral dans la capitale. Et quel moral ! Qui n’a jamais vécu à Paris ne peut imaginer la souffrance des parisiens face à une météo pourrie. A Paris, il pleut moins qu’en Bretagne, et il fait moins froid qu’à Strasbourg. Mais c’est encore pire cet entre-deux, ce côté pas franc du soleil. A Paris, on aime bien le temps en « ote » : il neigeote, il pluviote. A Paris, le printemps ressemble à l’hiver, et l’été ne vient jamais. Ou rarement.

Certains petits futés ont bien tenté d’utiliser quelques subterfuges pour faire monter les rayons du soleil jusque sur les berges de la Seine. C’est le fameux Paris Plage. Un concept qui ne cesse de faire rire les gens du sud qui se demandent bien comment on peut se complaire au bord d’une eau marronnasse, le corps avide de chaleur, prêt à s’en repaitre jusqu’à plus soif. A sa décharge, le parisien a une capacité sidérante à s’ébrouer au moindre rayon. Faites percer un peu de ciel bleu, et le voilà qui prend d’assaut les terrasses, sort ses lunettes de soleil, et lève son visage vers la chaleur bienfaisante comme un junkie devant sa dose de bonne humeur. Dès les premiers beaux jours (ou plutôt les premiers jours les moins « pires ») le parisien part en week-end et se bat désespérément pour faire disparaître ce teint grisâtre qui est devenu sa marque de fabrique (référence pantone : 75 90 U). A Paris, la bonne mine est un signe ostentatoire de richesse. Y aurait-il un fameux it-teint comme il y a un fameux it-bag ?

En même temps, le parisien ignore souvent à quel point le temps qu’il subit est désastreux pour son moral. Un peu comme un nord-coréen qui pense qu’il vit au cœur d’une belle démocratie, le parisien se réfugie dans le déni. Certes, la météo n’est pas florissante, mais à Paris il y a bien d’autres choses : les musées, les spectacles, les bars, la fête, une ambiance youplabloum, quoi. Le parisien n’est pas à Paris pour le temps qu’il fait, le parisien est à Paris parce que c’est Paris. Et c’est vrai que pour l’avoir vécu, les lumières de la ville ont longtemps compensé le manque de soleil.

Jusqu’à ce que j’arrive à Marseille. Jusqu’à ce que je découvre le plaisir de déjeuner en terrasse un 31 décembre. Jusqu’à ce que je ne puisse imaginer sortir sans emporter mes lunettes de soleil. Jusqu’à ce que je remise mon parapluie pour ne lui faire prendre l’air que deux fois par an. Jusqu’à ce que je trempe mes orteils dans la mer un 15 mars. Jusqu'à ce que la météo ne soit plus un sujet de conversation mais mon pain quotidien. Mon petit corps de parisienne atrophié sous les pulls et collants a progressivement laissé place à un concentré de bonne mine. Mes cheveux ont blondi, mes joues ont bruni, mon moral est remonté en flèche. Tout ça par la grâce d’une météo bienfaisante. Je ne peux aujourd’hui m’empêcher de jubiler lorsque je vois ce petit quart sud-est préservé par les intempéries, comme un village d’irréductibles qui ne se rend pas face à une météo moribonde. Une seule chose m’effraie : ne plus apprécier à sa juste valeur ce temps miséricordieux et le considérer comme acquis. Alors de temps en temps, je remonte à Paris pour me prendre un grand coup de gris. Et pour avoir de nouveau le plaisir de chausser mes lunettes de soleil dès que je passe Avignon.  


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