L’enfant de Rufisque : sa vie, son œuvre et ses projets
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à écrire votre premier livre publié en 2010, « Les rêves de la fleur », pp. 164 ?
Dame Diop. Avant de répondre à votre toute première question relative aux raisons qui m’ont poussé à me lancer dans l’écriture, permettez-moi d’abord de faire une rétrospection en revisitant une partie de ma vie, en l’occurrence ma jeunesse passée à Rufisque. Une époque capitale et indispensable pour mieux dévoiler et faire comprendre ma relation profonde et intime avec l’écriture ! En fait, mon entrée au collège a totalement bouleversé mon existence.
C’est une époque charnière où s’est passée la séparation brutale avec mes camarades de l’école primaire et surtout avec ceux de mon quartier. Et pourquoi un tel repli sur moi-même, à cet âge ?
La réponse à cette question peut être la clé qui vous ouvrira la porte de mon univers littéraire ! En fait, mon enfance se distingue de celle de mes camarades. Ma situation familiale n’était pas facile à supporter, car j’avais une mère dynamique, mais de plus en plus malade. Ma mère était donc constamment alitée. Et je m’en suis rendu compte seulement à partir de la classe de 5e. C’est ainsi que sont nés le rapprochement et l’empathie avec celle qui m’a mis au monde.
La maladie nous avait rapprochés l’un de l’autre. Ainsi, j’avais abandonné tous mes copains d’enfance pour être toujours à son chevet ! Mes moments d’absence étaient les heures de cours, que ce soit celles du collège, du lycée ou de l’université. Et je ne sortais plus dès que je rentrais à la maison : maman avait besoin d’aide et je devais être à ses côtés jusqu’à l’arrivée de mon père, tard dans la nuit. À cette époque-là, j’avais peur de la retrouver inerte et sans vie, à cause de l’atrocité de cette longue maladie effroyable et sans nom, malgré les diagnostics médicaux.
Traumatisé depuis l’enfance, je ne cessais de sombrer dans le silence et la solitude. Toutefois, j’ai appris à parler à l’université, sans y parvenir. Par conséquent, mon lourd silence avait toujours intrigué professeurs et camarades, sans qu’ils réussissent à en percer le mystère. Maintenant, comment fallait-il faire pour m’évader de cet univers « carcéral », monotone et triste? C’est ainsi que la lecture des journaux et des magazines étrangers constituaient mes moments de distraction, surtout pendant les grandes vacances où j’avalais tout ce que je trouvais comme livre (littératures africaine et française). Bref, j’étais un grand lecteur.
En effet, il me paraissait primordial de revisiter les moments inoubliables de ma jeunesse avant d’expliquer mon arrivée dans l’art d’écrire qui est passionnant et épuisant. Malgré tout ce temps consacré à la lecture lors de ma jeunesse, je n’avais encore pas eu la moindre idée d’écrire, même s’il m’arrivait parfois de pleurer en lisant un roman ou une histoire triste. En tout cas, je ne cessais d’être émerveillé par le souffle et la plume des écrivains qui m’ont le plus marqué dans la vie. Bref, le déclic a été l’avènement d’une tragédie implacable et inacceptable tantôt scrutée, tantôt ignorée.
Au demeurant, mes premiers poèmes ont vu le jour, au lendemain de la mort de ma tendre et aimable mère complice et inoubliable. Autrement dit, j’écrivais pour combler cette absence douloureuse. La poésie a été pour moi un moyen de m’épancher, même si ce sont des écrits de jeunesse. En revanche, la « fleur » a grandi. Et je suis passé à autre chose. Mon second livre est un recueil de chroniques (« Wade, la grande déception ou les révoltes de la fleur »). Au reste, j’ai envisagé de parachever un roman, juste après ma thèse de Doctorat.
Y a-t-il des auteurs qui vous ont inspiré par rapport à votre premier livre ?
Dame Diop. Je dois signaler au préalable que Léon-Gontran Damas (1912-1978) m’a inspiré le rythme et la cadence de certains poèmes : son livre de poésie Pigments (1937) était au programme lorsque j’étais en 2ème année, à l’université de Dakar. Quant à ses compagnons (Césaire et Senghor), je les ai un peu lus. Mais, le principal auteur qui m’a influencé par rapport au choix du livre est un poète espagnol, Antonio Machado (1875-1939) qui était au programme lorsque je préparais ma licence à l’UCAD. Il s’agit d’un poète qui faisait partie de la Génération 98. C’est un personnage qui a la « caractéristique » d’avoir mélangé la « rêverie mélancolique et raffinée à l’inspiration terrienne ». Parmi tous ses écrits poétiques, son poème Mi manzano (Mon pommier) m’a le plus marqué. D’où l’explication du choix de mon livre Les rêves de la fleur ! En fait, j’ai profité tout bonnement de la richesse et de la complexité de la nature afin de donner libre cours au lyrisme au travers de la vie absurde et de la mort mystérieuse.
Avez-vous l’intention de faire la promotion de vos livres au Sénégal ?
Dame Diop. C’est vrai que mon éditeur n’a pas une bonne visibilité en Afrique même s’il est mieux adapté aux jeunes auteurs référencés par ses partenaires de Dilicom – Le réseau du livre-. Mais, mon plus grand souhait est de faire découvrir mes livres aux Sénégalais et aux Africains d’une manière générale. En effet, c’est un plaisir d’être découvert, lu, compris et reconnu chez soi. Toutefois, l’écriture n’est pas un métier en ce qui me concerne, mais plutôt une distraction et un exutoire qui me permettent l’évasion vers d’autres cieux. La fiction est le monde de la liberté. Quant à la promotion de mes livres au Sénégal, j’espère qu’elle se fera même si mon éditeur est basé en France, grâce à l’appui des médias. Bref sans les médias, aucune promotion n’est possible !
Quelle est votre source d’inspiration ? Et que faites-vous en dehors de l’écriture ?
Dame Diop. Ma mère est ma source d’inspiration, même si elle était analphabète. A force de penser à elle, le souffle de l’imagination m’envahit comme un éclair. C’est pourquoi je suis obligé d’écrire pour me libérer. Autrement dit, j’ai besoin d’être ému pour avoir de l’inspiration. D’où le choix du sous-titre de mon recueil, le Regard d’un jeune homme émotif.
Enfin, je prépare actuellement une thèse de Doctorat sur la littérature espagnole du XVIIIe siècle à l’Université de Nice Sophia-Antipolis. En fait, je suis un passionné d’écriture qui vit de petits boulots afin de financer ses études.
Entre études et petits boulots, j’essaie de m’organiser pour toujours lire et écrire. La quantité de mes articles publiés de 2006 à nos jours en est une preuve. Il existe donc un cycle par rapport à ma production littéraire : la poésie n’était qu’une étape. Maintenant, je suis passé à autre chose comme je l’ai affirmé précédemment. Mon second livre est donc un recueil de chroniques, à savoir une série de pamphlets. En effet, j’ai tout fait pour que « Wade, la grande déception ….» soit publié avant son « départ » du pouvoir en 2012 : c’était la course contre la montre. Aussi ai-je pris le risque d’arrêter la rédaction de la troisième et dernière partie de ma thèse de Doctorat afin de pouvoir terminer le livre, avant la date fatidique.
Pour conclure, je dois vous dire que d’autres livres se profilent à l’horizon de mes pensées, au vu de mes notes. Il est important aussi de savoir que j’ai écrit mes deux recueils de poésie (« Les rêves de la fleur » et « Regard d’un jeune homme émotif ») dans un carnet de notes. Bref, mes écrits sont toujours inspirés par des faits réels pour ne pas paraphraser Camus : « L’art conteste le réel, mais ne se dérobe jamais à lui ».
Source: leral.net