Ailleurs
le vol sonore
des perroquets blancs
au-dessus de ma tête
j’ai croisé trois Aborigènes
plus rares encore que
les grands oiseaux
et dans les parcs
d’obscurs abîmes
entre les troncs tourmentés
des arbres géants
l’été la nuit
parterre de lumières
en étoiles vibrantes
jusqu’à l’horizon
le bruit des voitures
par vagues
les voix éméchées sonores
des nightclubers
torse nu en short
devant le NeverMind
l’été des ristretto
Deane me dessine
un kangourou
sur la nappe de papier
(cadeau d’artiste)
Arturo Belano
se fait flinguer au Libéria
il meurt
page huit cent quarante deux
je suis en deuil
c’est quoi la pensée ?
question d’été
je préfère mille fois
la pensée poétique
à la pensée philosophique
Roberto Bolaño :
mon roman peut se lire
comme une agonie
mais aussi comme un jeu
la fiction en vérité
l’été des baskets en chevreau bleu
comment a-t-elle pu
appeler sa fille Atlantique
de la couleur de mes baskets ?
(plus vert le Pacifique)
ce quatre août deux mille onze
tout à coup à Sydney
une chaleur blanche
métallique
venue d’on ne sait où
wherefore, mine eyes, thy silver mists ?
wherefore, O summer’s day ?
derrière les collines
les premières lueurs
rose pâle et jaune
ouvrent le jour
nulle impatience aujourd’hui
il a posé son iPhone sur la table
et m’a dit : Écoute le poème du jour
(c’était Emilie Dickinson )
sur Oxford street en contrebas
100 mètres à vol d’oiseau
le jeune homme en Tshirt bleu
téléphone dans la main gauche
main droite sous l’aisselle
gauche
ça fait un bras croisé
Cendrars à Sydney
qui parle de réalité ?
tout ici est inversé
l’hiver en été
les flying foxes la tête en bas
l’eau happée par le siphon
dans le sens opposé
les kangourous qui résistent
ils ne peuvent pas reculer
et lorsqu’ils sont agressés
sont contraints d’aller
de l’avant et de boxer
Catherine Weinzaepflen, extrait de Ode à un kangourou
[choix de Liliane Giraudon]
Catherine Weinzaepflen dans Poezibao :
Bio-bibliographie, Le Temps du tableau, extrait 1