Zone frontalière : ces professionnels de la Santé qui font payer plus cher les frontaliers

Publié le 10 février 2012 par David Talerman

Le régime privé d’assurance santé frontalier devrait disparaître en 2014, et avec lui une des plus grosses machines à escroquer « en douceur » les assurés, avec la bénédiction silencieuse des compagnies d’assurance.

Comment réagiriez-vous si un vendeur de voiture annonçait : « en prix catalogue, je vends cette voiture 15 000 EUR, mais pour les travailleurs frontaliers, c’est plus cher car ils gagnent mieux leur vie : pour eux, ce sera 19 000 EUR. » ?

Vous seriez outré n’est-ce pas ? Eh bien sachez que c’est ce qui se pratique depuis des années par certains professionnels de la santé dans les zones frontalières françaises, au détriment des frontaliers.

Annoncer qu’on est frontalier, c’est à coup sûr se voir proposer des honoraires majorés

Cette pratique est devenue courante, et à peine cachée chez certains médecins, d’Annemasse au Doubs en passant par le pays de Gex. Il suffit d’annoncer qu’on est frontalier pour se voir appliquer une augmentation d’honoraire par rapport aux autres. Attention toutefois, cette pratique n’existe pas dans les établissements publics.

Concrètement, les travailleurs frontaliers sont majoritairement (90%) soumis au régime d’assurance santé privé. Dans ce cas, contrairement au régime général de la Sécurité sociale, l’état français via la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) n’a aucun droit de regard, car ce régime, entièrement privé, est géré comme son nom l’indique par des compagnies privées. Le discours des médecins est donc, en gros, le suivant : « si vous êtes frontalier, votre assurance santé prendra tout en charge, et surtout je ne risque pas d’être inquiété par la CPAM ». En d’autres termes, le médecin fait payer un surcoût au travailleur frontalier parce qu’il est frontalier et que son assurance peut payer sans qu’il soit inquiété. C’est en soit, déjà scandaleux.

Un système qui fonctionne hors de la compétence de l’Etat et qui n’est donc pas contrôlé

Si on s’arrête à ce raisonnement, on peut se dire qu’effectivement il n’y a aucun impact sur les caisses de l’Etat, ce qui est vrai. Par contre, ce comportement influence négativement les primes des assurés. Et tous les travailleurs frontaliers l’auront remarqué : les primes d’assurance augmentent chaque année un peu plus. Ces pratiques en sont notamment à l’origine. En clair, en acceptant ce mauvais « deal » malgré vous, vous enrichissez votre médecin sur le dos des assurés. Pour ma part, je suis certain que les compagnies d’assurance sont conscientes de ces surcoûts et me demande si elles ont mis en place des contrôle ou autres dispositifs ayant pour but de ramener les professionnels de la santé dans une logique moins mercantile… Je n’ai, sur ce point, aucune réponse à apporter, et les professionnels de la santé qui me lisent sont les bienvenus pour nous éclairer.

Quand les professionnels de la santé rabattent les frontaliers dans leur cabinet

On me rapportait récemment le cas édifiant d’une jeune femme qui a été soignée dans un hôpital (sans surcoût, car l’établissement est publique). Le spécialiste (ophtalmologue) qui s’en est occupé lui a demandé de bien vouloir passer dans son cabinet (privé cette fois) pour des examens complémentaires. Examens qui lui ont été facturés au prix fort, au-delà du tarif de convention. Pis, les analyses qui ont été faites en plus de ces soins se sont avérées, a posteriori et selon un spécialiste, totalement inutiles.

Si les tarifs de l’assurance santé privée sont si compétitifs, est-ce à cause de ce phénomène de surfacturation ?

Quand on regarde le coût de la CMU, celui de la LAMal frontalier (l’assurance santé qu’il est possible de prendre dans une compagnie suisse) et les coûts des assurance santé privées françaises, on remarque que ces dernières sont beaucoup plus intéressantes : est-ce parce que la rentabilité du système est entretenue par les assurés malgré eux, les sur-facturations des professionnels de la santé étant à coup sur répercuté sur les assurés ? Je trouve la question finalement plutôt légitime.

Que faire pour éviter de se faire pigeonner ?

Feignez l’oubli ! Le médecin vous posera peut-être des questions avant la consultation, ou bien vous fera remplir une fiche d’information, vous demandant notamment votre numéro de sécurité sociale et votre assurance. Dites que vous n’avez pas votre carte avec vous et que vous ne vous souvenez plus de votre assurance car vous avez changé récemment. Et surtout, ne dites jamais que vous travaillez en Suisse. Une fois la consultation faites, vous pourrez payer directement le praticien, ce qui le rassurera.

N’oubliez pas que tant que le médecin croira que vous êtes inscrit à la Sécurité sociale, il ne vous proposera pas de majoration d’honoraire. Le seul inconvénient de cette méthode est qu’elle ne vous permet pas de bénéficier d’un éventuel tiers payant de la part de votre compagnie d’assurance.

Je conseille également pour les plus courageux de dénoncer ces pratiques à la DGCRF. A ma connaissance, l’ordre des médecins n’a pour sa part jamais été saisi.

Enfin, pour que les choses soient claires, je distingue très clairement ce mécanisme honteux et discriminatoire du système de santé en lui-même qui fonctionne malgré tout très bien et propose une couverture très intéressante aux travailleurs frontaliers.

Et vous ? Avez-vous été victime de telles pratiques ?