L'hypothèse d'un tremblement de terre est aussi improbable qu'un tsunami à Fuskushima. mais personne n'entendit ce que le Monarque avait à dire. Le candidat Sarkozy faisait un buzz drôlatique. Quelques bons extraits de son entretien, enregistré le weekend d'avant par le Figaro Magazine, faisaient la joie des commentateurs.
Pas de référendum atomique
Jeudi, Nicolas Sarkozy visitait la centrale nucléaire de Fessenheim. Ses deux réacteurs ont 34 ans, et l'installation est sur une zone sismique, sous le niveau du Grand Canal, et en fin de vie, comme l'ont rappelé 6 associations antinucléaires. ces dernières souhaitaient rencontrer le Monarque à cette occasion. Quelque un million de voisins de cette centrale ont réclamé la fermeture de cette doyenne des centrales françaises.
Mais Nicolas Sarkozy ne voulait pas débattre du nucléaire.
Pour ses 30 minutes de discours, on lui avait quand même installé une gigantesque estrade dans la centrale, avec l'habituelle armature métallique, les projecteurs, le fond bleu et le petit pupitre. L'assistance était assise. Le déplacement fut expresse mais il était en terrain conquis.
Chaque jour depuis cette vague de froid polaire, inédite depuis 26 ans, les médias rappellent combien la France électrique bat ses records de consommation. A Fessenheim, Nicolas Sarkozy ne s'interrogea pas sur notre originalité européenne: nous sommes obligés d'importer à nos voisins, y compris allemands. Ces derniers sont pourtant plus régulièrement exposés à ces températures extrêmes que nous. Mais la France n'a jamais fait des économies d'énergie une priorité nationale.
A Fessenheim, le Monarque confirma, sans surprise, qu'il ne souhaitait pas la fermeture de cette centrale, contrairement à François Hollande. Son argument fut caricatural, au milieu de quelques employés de la centrale: « On ne la fermera pas, cette centrale, il n'en est pas question (...) pourquoi est-ce qu'on la fermerait pour des raisons politiques. (...) On a besoin de la centrale pour le chauffage et l'industrie, c'est 70 % de l'électricité nécessaire en Alsace. Où est-ce qu'on irait la chercher ? » Ces propos n'étaient plus ceux d'un Président mais d'un candidat. Car seul un candidat s'inquiète des propositions d'autres candidats. Il n'osait désigner ses adversaires, puisqu'il voulait jouer au Monarque: « Ceux qui veulent fermer Fessenheim, c'est pour une petite combine politicienne. Ils ne sont pas venus le dire ici. Ils ne savent même pas qu'il y a des gens qui travaillent ici ».
« S'il y avait eu le moindre doute sur la sûreté de la centrale, si les autorités indépendantes avaient pointé la moindre faiblesse sur la centrale, je n'aurais pas hésité une seconde à demander à EDF de fermer Fessenheim ». L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a recommandé quelque 10 milliards d'euros de travaux pour l'ensemble du parc nucléaire français. Dans son rapport du 31 janvier dernier, la Cour des Comptes s'inquiétait: « La construction et l'exploitation des premières installations de recherche, de production de matières fissiles, ainsi que des premières centrales n'ont pas été réalisées à une époque où la sûreté nucléaire était le premier souci. »
Mais Sarkozy n'en avait cure: « Vouloir fermer Fessenheim, c'est un scandale, parce que c'est sacrifier l'emploi qui est le vôtre à des arrière-pensées politiciennes. » Fukushima n'est pas passé par lui.
Fin janvier, la Cour des Comptes avait aussi tué l'un des mythes de la filière largement relayé par les nucléocrates du pouvoir en place: le nucléaire français n'est pas bon marché. Il sera hors de prix de le mettre à niveau comme de le démanteler. Un par tout, la balle au centre ? Pas tout à fait, puisque les deux questions centrales - sûreté et économies d'énergie - peuvent enfin être remis au coeur du débat.
Depuis 1970, la filière a coûté 228 milliards d'euros d'investissement public. Et la Cour des Comptes a réévalué à 49,50 euros le prix du Megawatt/heure. Soit un niveau proche de l'éolien si décrié... Pour l'EPR de Flamanville, le tarif est rude, entre 70 et 90 euros.
De tout cela, il n'en était pas question dans le discours du Monarque.
Dans un mois, on célèbrera un triste anniversaire, Fukushima.
Agitations
On nous avait promis une grande idée pour démarrer la campagne en fanfare. Ce fut ce jeudi 9 février, c'était le Sarkorendum, le référendum sauce Sarkozy: un président non-candidat annonce deux référendums d'après scrutin, sur des sujets hors sol. Jugez plutôt.
Jeudi après-midi, les bonnes feuilles et la couverture du Figaro Magazine de samedi 11 février ont fait la joie des commentateurs traditionnels et numériques.
1. La couverture, en premier lieu, semblait une affiche de campagne. Sarkozy souriait, et cachait sa chevalière. La veste trop serrée le boudinait. L'affiche sera allègrement placardée sur des centaines de milliers de kiosques à journaux. Pour ce premier affichage électoral du candidat Sarkozy, c'était donc le Figaro qui régale ! Coïncidence, la Société des Journalistes du Figaro venait d'écrire à son patron pour réclamer davantage de respect de son indépendance. Au final, la dépense sera-t-elle décomptée des frais de campagne ?
2. L'angle d'attaque, ensuite, était attendu. Faute de propositions concrètes sur l'économie, Nicolas Sarkozy cherche à focaliser le débat sur les valeurs, les siennes, qu'il croit solides. Il en a tellement changé depuis 2007! Il fut écolo puis anti-écolo, libéral puis étatiste, etc. De son programme de 2007, il reste si peu. La réalité l'a fracassé. Et sa mandature est parsemée Alors il s'affiche sur les valeurs: travail, responsabilité, autorité. Il refuse aussi l'euthanasie ou le mariage homosexuel avec de grandes formules: «En ces temps troublés où notre société a besoin de repères, je ne crois pas qu'il faille brouiller l'image de cette institution sociale essentielle qu'est le mariage»..
3. Les annonces, enfin. Sarkozy voulait de « la Rupture dans la Rupture ». La moins attendue fut sa candidature: Sarkozy annonce qu'il annoncera sa candidature plus tard. Quel scoop ! Sa formule fut drôlissime: « Comme pour toutes les décisions importantes, je prends le temps d'une réflexion longue et approfondie ». Ses conseillers auraient réservé le parc Chanot à Marseille pour le 19 février.
Ensuite, deux référendums, car, dixit le candidat, «Je crois que la meilleure façon de surmonter des blocages dans notre société, c'est de s'adresser directement au peuple français». Et il a déjà choisi les sujets: l'indemnisation chômage et le droit des étrangers. Sur le premier, Sarkozy recycle la posture de Laurent Wauquiez contre l'assistanat. Il reprend à son compte des vieilles lunes libérales:
« Je propose de créer un nouveau système dans lequel l'indemnisation ne sera pas une allocation que l'on touche passivement, mais la rémunération que le service public de l'emploi versera à chaque demandeur d'emploi en contrepartie de la formation qu'il devra suivre. Passé un délai de quelques mois, toute personne au chômage sans perspective sérieuse de reprise d'emploi devra choisir une formation qualifiante. A l'issue de cette formation, qui sera obligatoire, le chômeur sera tenu d'accepter la première offre d'emploi correspondant au métier pour lequel il aura été nouvellement formé ».
Et c'était tout.
En fait, Nicolas Sarkozy voulait éviter un référendum sur son bilan.
Il était candidat, nous le savions. Même le Figaro le savait.
Crédit illustration: le Pudding Arsenic