Album BD : Le Château des ruisseaux de Vincent Bernière et Frédéric Poincelet

Par Manuel Picaud
Seul un drogué sur 80 s’en sortirait
Comment se défaire d’une addiction à la drogue ? Le chemin proposé par les auteurs de ce récit de l’excellente collection Aire libre est le passage par le Centre A.P.T.E. (Aide et Prévention de la Toxico-dépendance par l’Entraide), ouvert en avril 1994 au château des Ruisseaux, à Bucy-Le-Long, dans l'Aisne. Là une vingtaine de patients sont pris en charge en résidence pendant huit semaines. La méthode est basée sur l’abstinence totale non médicalisée et l’entraide entre les pensionnaires. Le scénariste Vincent Bernière, également directeur éditorial de la collection Erotix chez Delcourt, sait de quoi il parle. Il a fréquenté ce lieu et s’en est sorti. Il a choisi le dessinateur Frédéric Poincelet au trait particulièrement fin pour un huis clos plein d’émotions, véritable docu-fiction.
Tout est vrai, mais les noms et les personnages ont été changés. On va suivre Jean durant sa cure et comprendre le fonctionnement du centre, les relations avec les autres toxicos, les thérapies de groupe, les indications légères des médecins, les solidarités retrouvées, la reconquête du corps, la redécouverte des sentiments, mais aussi les épreuves traversées, les interdits, les insomnies, les crises, les disputes, les doutes, les rechutes. On va aussi comprendre les cheminements vers l’addiction totale et la déchéance qu’elle entraîne, de la contamination au VIH aux overdoses, en passant par la délinquance. Le tout sans jamais juger. Sans jamais prendre position. Juste informer et témoigner.
Cet album se distingue par une couverture annonçant un puits de lumière au fond du château sur fond vert, comme une double lueur d’espoir. Une fois le livre ouvert, le dessin, assimilable à un dessin de presse, réalisé à partir de personnes photographiées dont les deux auteurs eux-mêmes, surprend par ses couleurs fades, presque transparentes. Du coup, les dialogues entre la succession de personnages en gros plan sans case prennent le dessus. Et au fur et à mesure, les décors et la couleur vont s’intensifier ou s’estomper à nouveau comme pour marquer la perception du protagoniste. Jean s’en sortira-t-il ? En Australie, 0,125% des patients s’en sortaient durablement. Ici, on parle de 15%, un pourcentage certes faible, mais tellement encourageant pour ce qui était considéré comme une pathologie incurable.
Un album captivant sans pathos, pour aider à comprendre et assister des personnes dépendantes.

Le Château des ruisseaux © DR

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Le Château des ruisseaux - de Vincent Bernière (scénario), Frédéric Poincelet (dessin) et Véronique Dorey (couleurs) - Dupuis, Aire libre – 6 janvier 2012 - 14,95 € (version de luxe 30,00 €)