La peinture romantique, c'est celle qui part d'images connues, reconnaissables, emblématiques, images de vie, d'histoire, et qui les transforme en vecteurs de sentiments, d'émotions, de mélancolies tout en nous laissant perplexes, désorientés, ambigus. Ossian, la Méduse, Hernani, Friedrich bien sûr, sont les ombres qui flottent dans l'exposition de Claire Tabouret à la galerie Isabelle Gounod jusqu'au 18 février. Tragiques sont les images, bateaux de migrants, radeaux échoués, visages de victimes, maisons inondées. Lourds sont les tons, sombres, neurasthéniques, marécageux. Muettes sont les scènes, mystérieuses, ambiguës, suspendues entre deux eaux, deux instants, deux mondes.
Ici un saule pleureur (la cachette), là une demeure antebellum à demi inondée et dessinée avec des teintes plus acides tentent d'apporter un peu de sérénité, de stabilité au milieu de ces regards inquiets, de ces corps tendus (tous masculins, dirait-on), de ces visages sombres et ternes individualisés en gros plan, de cette lumière de fin du monde.
Claire Tabouret sait inquiéter, elle sait reprendre incessamment ses toiles pour leur conférer ce cachet romantique tragique, pour nous faire inventer des histoires de mort et de déception autour de ses images. Un beau travail, un peu distant, solide et 'épuisant', mais peut-être un peu trop aisément démontable, où la trame pourrait être moins manifeste, plus estompée. Ça viendra, j'en suis certain.
À lire absolument, son portrait par Émilie Bouvard.