A première vue, le propos est d’une grande banalité : Tony Tyler, directeur général de l’IATA, souhaite que l’aviation commerciale européenne bénéficie d’une productivité accrue. Il l’a dit haut et clair, cette semaine, à la tribune du European Aviation Club, à Bruxelles. Bien entendu, tout le monde ne peut qu’être d’accord avec un tel objectif, énoncé à quelques encablures de la Commission européenne.
L’IATA, moins vindicative, plus mesurée qu’au moment de la mandature de Giovanni Bisignani, a beaucoup de soucis et ils ne sont pas exclusivement conjoncturels. Le groupement professionnel considère, à juste titre, que la tendance générale est aux restrictions et aux taxations supplémentaires. De plus, certains dossiers importants avancent beaucoup trop lentement tandis que d’autres prennent une direction peu souhaitable.
Dans la première catégorie, rappelle Tony Tyler, on trouve évidemment en bonne position le SES, Single European Sky, espace aérien européen unifié, dont on parle depuis la nuit des temps mais qui tarde singulièrement à devenir réalité. Sur vingt-sept Etats concernés, à peine cinq ont pris les mesures préliminaires adéquates alors que les coûts de gestion du trafic pourraient apparemment être divisés par deux. Mieux encore, le SES devrait permettre de supprimer chaque année 16 millions de tonnes de CO2 indésirable. Mais, en cette matière comme en d’autres, l’Europe se hâte lentement.
La protection de l’environnement n’en constitue pas moins une réelle priorité mais il arrive aussi que la manière de faire du Vieux Continent fasse faute route. C’est de toute évidence le cas avec la décision unilatérale de l’Union européenne d’imposer une taxe environnementale aux avions des compagnies desservant ses aéroports, initiative qui vient de devenir réalité et est violemment contestée, notamment par les Etats-Unis et la Chine. Seule une manière de faire mondiale aurait un sens mais les Eurocrates font la sourde oreille et permettent de ce fait la montée en puissance d’une dangereuse polémique.
Curieusement, il apparaît aux observateurs qui cherchent à lire entre les lignes des propos de Tony Tyler, que la grande valeur économique du transport aérien n’est toujours pas comprise par les décideurs européens de tous bords. Du coup, l’IATA martèle des chiffres impressionnants, par exemple le fait que le secteur assure 1,4 million d’emplois au Royaume-Uni, 1,1 million en Allemagne, un million en France. Cela pour 655 millions de passagers aériens par an sous pavillon européen, c’est-à-dire plus du quart du trafic mondial.
L’IATA est ainsi dans son rôle. Elle s’efforce avec une belle constance de répandre la bonne parole, encore qu’elle le fasse parfois de manière sélective, en pêchant par omission. Ainsi, c’est en vain que l’on cherche dans ces propos la moindre allusion aux compagnies low cost qui, bientôt, assureront la moitié du trafic européen. Et qui, malgré le modèle économique qui leur est propre, sont également victimes des faiblesses du «système», à commencer par la coûteuse fragmentation de l’espace aérien européen ou encore la fâcheuse tendance de nombre de pays à considérer les compagnies aériennes comme de véritables vaches à lait, corvéables et taxables à merci. Et cela en ignorant délibérément que le secteur tout entier tente vainement d’atteindre un niveau de rentabilité tout simplement convenable.
Pierre Sparaco - AeroMorning