Certains adolescents
Semblent loin des événements.
Quand ils sont plus vieux,
Ils portent un bandeau sur les yeux
Et sur leur intelligence.
Ils ne soupçonnent pas
Les dessous de l’existence.
Ils ne savent pas
Qu’on ne parle pas
Comme on agit.
Ils ne devinent pas
Qu’on est aussi
Joué, trompé, maltraité
Si on ne sait qu’afficher sa bonté.
Des provinciaux marièrent leur enfant,
Berthe, à dix-huit ans.
Elle épousa Georges Besson,
Un beau garçon,
Avec tous les dehors probes qu’il fallait,
Un parisien de bonne famille
Mais un être moqueur,
Sans cœur.
Ses parents, il les appelait
« Mes chers fossiles » !
Berthe demeura ignorante
Des voluptés
Parisiennes si excitantes
Comme elle était restée
Ignorante de la vie
Et de ses perfidies.
Georges vivait à sa guise. Il rentrait
Quand il voulait, souvent à potron-minet
Prétextant sans s’en faire
Une quelconque affaire.
Or un matin Berthe reçut
Une lettre non signée.
Elle resta éperdue,
Indignée.
On lui révélait
Que son mari avait une maîtresse,
Une certaine madame Ribesse.
Berthe ne sut ni feindre ni dissimuler.
Elle montra la lettre à Georges en sanglotant.
Georges voulut s’expliquer :
-Je la connais depuis dix ans.
Après le déjeuner, nous irons la visiter.
Tu verras, elle deviendra ton amie.
Berthe un peu soulagée
Embrassa son mari,
Sachant qu’à danger connu,
Souci diminue.
Arrivés chez la maitresse,
Georges fit les présentations :
-Ma femme, madame Baron,
Madame Julie Ribesse.
Julie fut si heureuse,
Si heureuse !
Elle aimait tant Georges.
(Elle disait Georges,
Tout court) qu’elle avait envie
D’aimer son épouse aussi.
Au bout d’un mois,
On ne pouvait plus les séparer.
Elles se rencontraient
Chaque jour, souvent deux fois.
Dès lors, Georges ne sortait plus guère,
Ne prétextait plus d’affaires.
Pendant trois ans et davantage
Ce fut une amitié sans nuage.
Mais subitement voici
Que Georges annonça : -Julie
Est gravement malade.
Berthe, désormais,
Ne quitta plus jamais
Le chevet de sa camarade.
Elle se désolait, pleurait.
Georges se désespérait.
Plus le temps passait,
Plus l’état de Julie s’aggravait.
Un soir, Georges reçut un pli.
Il l’ouvrit.
-Attends-moi ici un moment,
Je m’absente un instant.
Il froissa le papier et le jeta.
Berthe le ramassa
Et se mit à lire :
-Viens seul, je vais mourir.
Frappée par l’idée de mort,
Elle ne comprit pas au premier abord.
Mais soudain, le tutoiement saisit son esprit.
Ce fut comme un éclair illuminant sa vie,
Lui montrant toute l’infâme vérité.
Elle comprit leurs regards.
Elle vit sa confiance trompée.
Revint bientôt le mari hagard :
-Viens vite, Julie va mourir !
-Vous aimeriez mieux que ce fût moi !
Retournez-y. Elle n’a pas besoin de moi.
Georges pleurait sans pudeur,
Mais restait indifférent à la douleur
De Berthe qui ne lui parla plus,
Qui ne le regarda plus.
Georges enfin s’apaisa,
Mais elle ne lui pardonna pas.
…Leur vie continua…
Comme s’ils ne se connaissaient pas.
Un samedi, Berthe rentra vers trois heures
Avec un gros bouquet de fleurs
Et dit
À son mari :
-Conduis-moi en vitesse
Au cimetière de Bagneux.
Ils s’arrêtèrent tous deux
Devant la tombe de Mme Ribesse.
Et Berthe proposa à son mari :
-Si vous voulez, nous resterons amis.
Signé du pseudo : Adèle Ice
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Le plaisir des disputes, c’est de faire la paix.
Alfred de Musset
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Cette histoire, racontée en vers libres, est extraite du tome III consacré aux contes de Guy de Maupassant.
Les deux premiers volumes parus chez Edifree sont :
Tome I (34 contes) : Quel est cet imbécile qui ose mettre en vers des nouvelles de Guy de Maupassant ?
Tome II (40 contes) : Quel est donc ce cornichon qui persiste à mettre en vers des contes de Maupassant ?