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Ressac #6b : Un drôle de mouvement

Publié le 24 janvier 2012 par Hugocentrisme

Cet article est la suite de celui-ci.
Ressac #6b : Un drôle de mouvement
II - Une fausse bonne idée : les camps auto-gérés en centre-ville.L'idée d'occuper l'espace publique en y installant un camp a bien marché en Espagne, du coup, en France on s'est dit qu'on pouvait faire la même chose. Surtout que des camps s'installaient dans presque toutes les grandes métropoles du monde. Seulement un camp demande beaucoup d'énergie et de bras pour naître, mais encore plus pour rester en vie. Petite historique des problèmes rencontrés en France, et à Nantes.Il faut malheureusement commencer par la répression policière immédiate et exagérée qu'on subit la majorité des indignés français. A la Défense, des bataillons entier de CRS ont été mobilisés pour les empêcher de monter un camp digne de ce nom : tentes confisqués avec force, oeuvres en carton balayées, vivres piétinées, arrestations sans motif, brutalisation, insultes, lacrymo... Sanstente, réchaud, carton, etc, dur de camper en pleine ville, toutel'énergie des rares campeurs a donc été mobilisée pour... ne pas crever defroid.Mais plus grave, ces répressions ont surtout intimidéstous les indignés potentiels, c'est-à-dire ceux qui se tâtent, qui "veulentfaire quelque chose parce que y en a marre" mais qui ne sont encore qu'àmoitié prêt à coucher dehors à l'arrivée de l'hiver. La démonstration de force ou les cordons de CRS ont découragés ou empêchés les nouveaux indignés de faire grossir les rangs de cette occupation pacifique. Dévastatrice donc, larépression policière. Et illégale dans la plupart des cas... sans parler de cette chose lointaine qu'est la démocratie.Dans le cas où un camp arrive plus ou moins à s'installer (peu ou pas de préparation, de matériel, peur de la répression, ...), comme à Nantes, d'autres problèmes surgissent.Fatiguées par l'énergie que demande la tenue d'un camp sauvage en plein centre-ville, les personnes présentes s'énervent, s'impatientes et... se divisent, bloquées sur leurs postures car l’urgence n’est pas encore dans lamajorité des esprits. Pour le moment, les idées prennent le dessus sur lasolidarité et le besoin de se serrer les coudes. Les personnes se regardent encore avec un certain mépris, dans le souci de trouver dans ce mouvement des gens du même l'horizon que le leur. Prendre conscience que le mouvement indignés rassemble tous les âges et toutes les classes sociales fût dur pour nous tous. Nous ne sommes plus habitué à cohabiter, les difficultés que nous avons rencontrés en interne montre bien l'état dégradé du "vivre-ensemble" et des liens sociaux bafoué par 10 ans de course à l'individualisme et d'hédonisme.

Ressac #6b : Un drôle de mouvement

Nous avions tous ce qu'il faut, à part des nouveaux indignés ou des gens curieux.

A Nantes, cas particulier car nous avons pu installer uncampement dans la durée, l'expérience est malgré tout mitigée : nous noussommes installés sous pression des forces de l'ordre sur une place qui n'enest pas une, la fréquence de passage à Hotel Dieu est dérisoire par rapport àla Place du Peuple (feu place royale) où nous nous étions premièrementinstallés. Nous n'avons donc pas pu sensibiliser grand monde, les étudiants dela fac de médecine nous regardaient comme des bêtes de foire, ils étaientinconnus du mouvement et ignorant de la crise actuelle, mais c'est normal, ilsavaient faim. Leur estomac d'abord. Se placer devant le restaurant universitaire,mauvaise idée. A part les étudiants du CROUS nous avions les skater : "Moitu vois, j'en ai rien à battre de la politique mais là vous faites chier àprendre toute la place tu vois, les BMX y peuvent plus rien faire vous prenezle recul tu vois...".Vous prenez le recul... Exactement. Ahahah, ce mecétait excellent, il avait l'air super sympa, tout gentil mais grave embêté "tuvois", pouvait pas skater le pauvre. Bref, wrong place + wrong time =déception et inefficacité.A ce problème de skaters s'ajoutait celui dessquatters. La misère ne nous avait pas attendu pour occuper la rue. Ses ravages sont venues toquer à la porte. Nous avons hébergé une bonne quinzaine de sdf, de gens de la rue,de clodo ainsi que leurs  fardeaux (alcool, drogue, énervement,violence, odeur, chien, etc). Il fallait s'y attendre. Sauf que,comme nous étions si peu à la base, lucide, motivé, nous avons été happé dansla gestion de ces "cas désespérés". Ou pas. La vérité vraie, et celam'aura valu la mort d'un préjugé, les "clodos" sont des genstrès sympas, gentil et utile. C'est nous qui avons biaisé notre regardenvers eux en premier, c'est nous qui les avons marginalisés, c'est nous qui ne nous ensommes pas occupés, qui ne les avons pas aidé.Pardonnez-moi de m'enflammermais le problème des sdf a pris de telle proportions dans le campque je pense qu'il est important de faire le point. On nous a rapidement reproché d'être un camp de sdf, un camp qui "craint un peu", mais attendez, les gens de la rue sont desgens comme vous et moi. Dont la simple erreur est de s'être retrouvé au chômageet de ne pas avoir su en sortir, pour diverses raisons (dépression, problème psychologiques, addictions, etc.). Pouvons nous les blâmer comme nous le faisons? Comme, nous, la société, les traitons ? Comme de vulgaire pestiférés. Tous les moyens sont bons pour les exclure de notre champ de vision. L'épuration des centre-villes est l'aveux d'une hypocrisie et d'une psychose envers les sans-abris qui m'est insoutenable. A quoi cela rime-t-il de leur donner 1€ tous les trois mois quandle coeur nous en dit ? Quelle ineptie est-ce que d'accepter ça ? Ce camp auraau moins fait la lumière sur une priorité : remettre en place des structurescorrectes d'accueil, d'aide et de réinsertion pour les sans-abris. A ma connaissance, pas unseul assistant social ou service social ne s'est pointé. Seulement quelquetentes quechua du DALEn à peine une semaine, un grand nombre d'entre-eux se sont fait au rythme du camp et ont pris leurs responsabilités, ont gérés les nouveaux arrivants et ont fait tourné la machine. Il suffit d'un sourire. Ces gens ne demandent qu'un sourire.

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Les hauts et les bas du moral se répercutent sur l'aspect du camp.

Malgré tout, les camps figent l'action etl'énergie dans leur gestion. Chacun dans sa fatigue et son énervement semet à accuser son voisin, à débattre sur les légitimité de chacun, etc. Leboulot - à savoir la sensibilisation, l'occupation symbolique d'un espacepublique avec des messages forts, la création d'un espace de débat avec desidées nouvelles qui en émerge - n'a pratiquement pas été réalisé.
A l'avenir nous devons fixer des règles de vie, desdates de naissance et de mort du camps, des commissions, des groupes de travails, des heuresde rendez-vous pour les AGP et diffuser bien mieux à l'avance pour récupérerplus d'énergie dès le départ. Ou plus simplement privilégier desactions rapides, directe et percutante. Mais je ne crois pas en un défilémorne qui est aussi passif que de mettre un papier dans une urne. Ni en trois graffitis sur une banque. Je pense que les camps peuvent vivre, mais seulement si leur fonctionnement est préalablement défini et transparent. 

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