Intro : un rappel, la première guerre mondiale a été précédée d'une mondialisation des échanges très forte, qui a pu faire croire à une interconnexion des économies si dense qu'elle rendait toute guerre impossible.
Premier chapitre : comment la Chine a été victime, au XIXème, d'une conversion au libre-échange imposée par les armes.
Chapitre deuxième : comment la Chine s'est redressée depuis Mao.
Je passe rapidement. C'est factuel mais très bien fait.
Quatrepoint rappelle que les accords du Plaza en 1958, réévaluant le yen, ont donné le signal du déclin de l'économie japonaise. Les chinois ont appris la leçon et ne se laisseront pas imposer une réévaluation du yuan.
Dans les chapitres suivants, on suit la stratégie de développement chinoise, qui permet au pays de dépasser les Etats-Unis dans le domaine des supercalculateurs en 2010. On lit aussi que la Chine fera bénéficier General Electric de ses compétences en matière de train à grande vitesse.
Une foule d'exemples montrent que la Chine a une politique de développement réfléchie, qu'elle mène brillamment - même si des cahots peuvent se produire, comme les accidents de TGV.
Tout cela amène le pays à amasser des réserves de change importantes.
De l'autre côté, les Etats-Unis fournissent un contre-exemple stratégique, celui d'une nation à la direction hésitante.
Quatrepoint montre que les hésitations commencent à se faire nombreuses aux USA sur le bien-fondé des politiques de type "la tête et les jambes". Dans ce cadre conceptuel, les Etats-Unis sont le "cerveau" du monde et la Chine l'atelier. Cela conduit à une situation où Apple n'a que 25 000 salariés aux Etats-Unis pendant que Foxconn, en Chine, en emploie 250 000 pour le compte d'Apple.
Andy Grove, ex Pdg d'Intel, a critiqué ce modèle, qui conduit à terme à laisser la valeur ajoutée et les emplois quitter les Etats-Unis, notamment parce que l'innovation se joue aussi dans les process de production. Progressivement c'est Foxconn qui en saura plus qu'Apple sur les technologies qui font, encore aujourd'hui, le succès d'Apple.
Le poids des lobbies empêche cependant toute réaction américaine forte. L'actionnariat des grands groupes bénéficie à plein des délocalisations, tout comme le système financier.
L'Allemagne est également abordée. Quatrepoint en fait une petite Chine, qui mène une stratégie d'accumulation d'excédents commerciaux grâce à la paralysie de ses concurrents européens, empêchés de compenser leur inflation supérieure par des dévaluations. L'Allemagne exporte maintenant plus de fromages que la France.
Le succès de la stratégie allemande pourrait encourager l'Allemagne, selon l'auteur à vouloir sortir de l'euro, en tout cas, il la rend indifférente à l'arrêt de la construction européenne.
La stratégie française là dedans ? Pour JMQ, elle a échoué : il s'agissait de faire de l'Europe une France en plus grand. Au lieu de cela, la France a beaucoup perdu dans la construction européenne, et rien gagné (c'est ma conclusion, JMQ ne se prononce pas sur le bilan global de l'UE).
Paradoxe : un très bon bouquin, qui ne m'a pas appris grand chose. Disons que j'ai eu l'impression d'approuver à peu près toutes ses orientations (sauf des critiques imméritées sur les 35 heures), donc pas de surprise (gage pourtant d'une lecture intéressante) mais une foule de détails bien vus.
Détail bien vu : Le titre "mourir pour le yuan" est survendeur. Il faut déduire de la situation de déséquilibres macroéconomiques décrits par l'auteur que les conflits deviennent probables. Il ne va cependant pas jusqu'à indiquer des scenarii géopolitiques, on reste dans l'économie assez largement, avec quelques rappels historiques. Quatrepoint note quand même que, d'ores et déjà, dans un monde déséquilibré, le nombre de destinations touristiques diminue. Par crainte de troubles sociaux, le touriste occidental voit son choix de destinations réduit (le lecteur de Zygmunt Bauman appréciera).
Autre passage très bien vu : "La notion de filière industrielle est plus que jamais d'actualité. L'aéronautique, l'espace, le nucléaire font vivre des centaines de PME souvent détentrices d'un savoir-faire de haute technologie. Derrière de grandes entreprises foisonne un tissu entreprenurial qui irrigue le territoire. Qu'un de ces géants vienne à défaillir, change d'actionnaires ou de stratégie, et c'est toute une filière qui s'effondre avec des dizaines de milliers d'emplois qualifiés qui s'évaporent, un savoir-faire qui disparaît, des exportations qui se transforment en importations. On ne dira jamais assez la catastrophe qu'ont été l'absorption de Péchiney par Alcan ou la vente d'Arcelor à Mittal. Au delà de ces entreprises, ce sont des filières entières qui s'évanouissent."
Un très bon bouquin.