Dans l’affaire de la crise des dettes des États, deux idées désastreuses sont poussées, ressassées, ad nauseam, jusqu’à ce qu’elles soient finalement acceptées par les derniers gardiens du bon sens.
Un article d’Olivier Braun pour Contrepoints.
Le privilège du mensonge[1].
Que « toute idée tende à sa réalisation » semble être une loi de la psychologie, quelle que soit la valeur de cette idée. Cela est particulièrement vrai si cette idée donne des échappatoires aux gouvernements, si elle donne l’illusion de régler un problème sans qu’il en coûte.
Dans l’affaire de la crise des dettes des États, deux idées désastreuses, car grosses de conséquences néfastes à moyen terme – d’ici là ses promoteurs pourront accuser quelqu’un d’autre pour les maux causés – sont poussées, ressassées, ad nauseam, jusqu’à ce qu’elles soient finalement acceptées par les derniers gardiens du bon sens, les Allemands[2] :
- Les obligations européennes : le mot « européen » sonne bien et prédispose les gens bien-pensant à y être favorables, puisque les refuser donne l’impression d’être contre l’Europe ;
- La monétisation des dettes par la Banque centrale européenne : lorsque M. Baroin dit[3], dans Les Échos, que pour faire face à la crise il faut mobiliser toutes les institutions européennes, y compris la BCE, refuser donne l’impression de ne pas vouloir se donner les moyens de régler enfin cette crise.
Pourtant, à y regarder de plus près, ces deux solutions miracles ne sont que des illusions, non pas qu’elles n’auraient pas d’effet soulageant à court terme, mais parce qu’elles détournent de la recherche des vrais remèdes déplaisants, et parce qu’elles sèment les germes des crises futures.
- Les euro-obligations : elles collectivisent, de façon antidémocratique, les coûts de la dette, et visent à mutualiser les risques, au bénéfice des investisseurs et des gouvernements les plus démagogiques. Devant la masse de dette des États, dont l’Allemagne, il faudra peu de temps pour que ces euro-obligations deviennent des investissements risqués. Ajouter le terme « Europe » ne changera rien, ceux qui devront in fine payer les dettes ne sont autre que les mêmes contribuables, déjà endettés par ailleurs grâce à leurs gouvernements.
- La monétisation des dettes par la BCE : c’est l’idée à l’origine des banques centrales, créées pour des raisons fiscales, afin de pouvoir financer les gouvernements en donnant aux citoyens-électeurs l’illusion que les dépenses publiques sont gratuites. Certes à leur origine on trouve souvent une nécessité nationale impérieuse : permettre l’effort de guerre sans que le citoyen ne se fatigue de la payer en plus d’avoir à offrir son sang. Mais la drogue a fait son effet et les gouvernements ont du mal à s’en passer, lorsque les promesses et dépenses permettent de gagner voix, pouvoir, et prestige, sentiment de valeur personnelle par son activisme.
Comment ne pas voir qu’il s’agit d’une illusion ? Le gouvernement consomme des ressources présentes à son profit et au profit de ses clientèles préférées, avec la monnaie créée par la Banque centrale. Les prix augmenteront donc, mais pas uniformément : en bénéficieront d’abord ceux qui touchent cette nouvelle monnaie, et qui pourront acheter eux aussi des biens et services avant que les prix n’aient monté. Les perdants sont ceux qui ont des revenus fixes, salariés et épargnants, qui verront les prix augmenter avant leur rémunération. Finalement, les dépenses seront bien payées par la population, mais sans que le coût ne soit décidé et réparti démocratiquement par le Parlement.
Ce qui est injuste est en général aussi inefficace : l’inflation et l’argent bon marché provoquent des distorsions économiques, des investissements sans que l’épargne pour les financer ne soit suffisante pour que leur rentabilité soit réelle, des bulles financières, qui devront éclater lorsque la réalité sera évidente. Et revoilà le cortège des faillites, du chômage et des nouvelles dépenses des gouvernements…
Ces principes ne sont pas des exclusivités des économistes fidèles à Mises ou Hayek, mais étaient reconnus même aux bons jours de la domination keynésienne. Un économiste réputé comme Henri Guitton décrivait encore, en 1969 dans son Précis d’économie politique, les effets redistributifs de l’inflation[4] :
L’inflation affaiblit les plus faibles (…) ceux qui ne peuvent combattre, qu’ils soient trop âgé ou qu’ils soient invalides. Ceux-là sont créanciers des autres. La créance matérialise aujourd’hui les résultats d’une lutte ancienne. Mais si cette créance a été exprimée à un moment où les prix étaient au niveau de 100, lorsque les créanciers sont payés au chiffre antérieurement promis, alors que désormais les prix sont au niveau 200, ils sont lésés de moitié.
L’inflation renforce les plus forts. (…) Ils sont débiteurs.
Il pose ensuite la question :
L’État redoute-t-il l’inflation ? – Dans la mesure où l’État songe, selon sa vocation suprême à protéger le faible, il semble que sa mission soit de lutter contre l’inflation. Mais si l’on réfléchit plus avant, on s’aperçoit que (…) l’État est le plus important débiteur dans la société qu’il incarne, ou du moins il est avant tout intéressé à équilibrer son budget.
Or l’inflation est une source de revenus pour l’État : source au moins immédiate, provisoire. Une émission de billets est une création facile de monnaie et sans coût actuel. Elle vaut un impôt.
Mais faut-il se battre contre des moulins à vent ? N’est-ce pas finalement ne vouloir sauver que les apparences ? Car alors que le nouveau gouverneur de la BCE signale son refus de faire de la banque un prêteur en dernier ressort, on apprend qu’elle achète pour la bagatelle de 20 milliards d’euros par semaine de titres de dette publique, soit 60 pour cent de plus que la réserve fédérale américaine, par rapport à la moyenne de ses achats massifs lors du fameux « quantitative easing » n°2. A ce rythme, ces injections annuelles représentent 1.040 milliards d’euros, soit environ 10 pour cent du PIB de toute l’euro-zone.
Les analystes financiers, ou du moins, à en croire la presse, les investisseurs, sont ravis de la dernière opération extraordinaire de M. Draghi et de sa BCE indépendante, le prêt de 489 milliards d’euros aux banques[5], afin que celle-ci puissent acheter des obligations d’Etat, et soulager nos gouvernements. Ainsi, en janvier 2012, le bilan de la BCE atteint le montant astronomique de 2.706 milliards d’euros, soit 30 % du PIB de l’euro-zone, alors que le bilan de la Réserve Fédérale des USA, avec l’expérimentation inédite et si grosse de risques de M. Bernanke, ne représente « que » 20 % du PIB américain.
La politique monétaire, cet euphémisme pour désigner la création monétaire, est le facteur déstabilisant dans l’économie. L’expansion du crédit est maintenant largement reconnue comme ayant été le facteur causal de la crise, et nos dirigeants, pour en effacer les conséquences, veulent encore davantage de la même chose. Le souvenir de la crise de 1929 et des erreurs de la Réserve Fédérale hante nos banquiers centraux. Après tout, le message du livre de Milton Friedman et Anna Schwartz, A Monetary History of the United States, est bien que la dépression ne résulte pas du marché libre mais de la mauvaise politique de la Réserve fédérale qui a laissé les banques faire faillite et la masse monétaire chuter de près de 30 %. On peut accepter, avec Friedrich Hayek et Wilhelm Röpke par exemple, qu’il faut absolument éviter de laisser chuter le couple MV de l’équation quantitative, c’est-à-dire de ma masse monétaire multipliée par la vélocité de la monnaie, parce que cette déflation imprévue et soudaine ne permet pas aux agents économiques d’ajuster leurs contrats et leurs prix, et que la production chuterait dans le même temps que le chômage exploserait. Or il se s’agit pas de cela en France, ni en Grèce. Il s’agit de financer les dépenses publiques au moment où les investisseurs se rendent compte que les obligations d’État ne sont pas des placements si sûrs. Ces mêmes financiers accusés d’avoir pris trop de risques en finançant – à la demande largement du gouvernement – des crédits hypothécaires d’emprunteurs non solvables.
Mais, nous disent les banquiers centraux, il n’y a pas de risque d’inflation : il s’agit de lutter contre la déflation. En effet, le Consumer Price Index aux États-Unis, de même que le taux d’inflation dans la zone-euro, s’ils atteignent 3 % ce qui n’est pas négligeable[7], sont sans commune mesure avec ce que l’augmentation de la masse monétaire laisse à penser[8]. Ce qui nous rappelle les enseignements de Jacques Rueff, qui, dans son L’ordre social, récusait l’analyse simpliste de ceux qui disent « on va faire de l’inflation » en augmentant la masse monétaire. Il ne faut pas oublier, nous dit-il, la demande de monnaie. Faut-il s’étonner alors que le taux d’inflation ne soit que de l’ordre de 3 % ? La Fed comme la BCE maintiennent des taux bas, proches de zéro. Or, des taux si faibles c’est baisser le coût d’opportunité de la détention de monnaie (thésaurisation) par rapport à des placements. C’est diminuer l’épargne investie, donc la demande agrégée. La trappe à liquidité des keynésiens.
Cela n’aide pas l’économie; mais ça aide les banquiers et les gouvernements.
Les banquiers : ils empruntent à la BCE pour presque zéro et peuvent acheter des obligations d’État rapportant un bon rendement s’il s’agit de la Grèce ou du Portugal. Hélas pour les gouvernements, les banquiers n’investissent pas suffisamment dans les obligations d’État et préfèrent augmenter leur liquidité. Détenir une importante réserve de monnaie est plus sûr que de détenir des obligations d’État[9].
La Réserve Fédérale, ainsi que la BCE ont, direz-vous, une stratégie de sortie, pour éviter l’inflation galopante qui s’annonce. Quelle est cette stratégie ? Vendre les titres qu’elle détient à son bilan, ne plus renouveler autant de prêts au système bancaire, de façon à faire diminuer leurs réserves auprès des banques centrales, les obligeant à contracter leurs crédits à l’économie. Bref : après avoir augmenté la masse monétaire, la contracter. Une nouvelle instabilité sur les agents économiques, une nouvelle manipulation de notre argent[10]. Les banquiers centraux sont assurément confiants dans leurs expérimentations inédites, qui s’apparente bien à une planification centralisée. Or ces dernières sont des échecs prédits par la (bonne) théorie. Et si la banque centrale ne voit pas à temps la demande de monnaie diminuer ? Et si, comme cela semble le cas, les titres qu’elle a accumulés dans son bilan ne valent plus rien et ne trouvent pas preneur[11].
Une réforme drastique du système financier et bancaire doit être réalisée, et qui découle du diagnostic correct des racines de la crise : une classe dirigeante prompte à financer ses alliés pour favoriser son maintien au pouvoir. Autrement dit : la tentation du déficit budgétaire et de l’endettement, d’autant plus irrésistible que le système monétaire le rend indolore. Jacques Rueff parlait du déficit sans pleurs. Son ouvrage, L’ordre social, nous trace le chemin :
- Une loi interdisant au Trésor de se financer à travers le système bancaire. Les emprunts ne doivent pouvoir être vendus que sur le marché hors banque. Sans ce principe, l’interdiction faite à la BCE de monétiser la dette n’est qu’une illusion[12]. C’est la monétisation de la dette tout court qui doit être interdite. Comme les États membres de l’Union Européenne aiment à réviser les traités, ce principe pourrait être utilement remplacer les dispositions de centralisation fiscale dans le projet de réforme ;
- La BCE, de même que les banques centrales membres, ne devront plus faire d’opérations d’open market. Elles auront pour tâche de fixer le taux de réescompte des effets de commerce de sorte qu’il soit légèrement au-dessus du taux d’intérêt du marché.
- Les responsables gouvernementaux, singulièrement le ministre du budget, doivent être justiciables de l’obligation de présenter un budget sincère et en équilibre, ainsi que de l’exécution conforme au vote du Parlement. Seule un vote du Parlement, à majorité renforcée, pourrait déclarer une situation de crise grave, par exemple une guerre, pour dispenser, pour une durée limitée, les justiciables de cette obligation[13].
La première proposition rendra assurément plus aisé le respect de l’équilibre budgétaire. La deuxième proposition a pour but d’empêcher l’inflation.
Ces propositions ne décrivent pas le système idéal, d’un retour à l’étalon-or, avec abolition des banques centrales et liberté bancaire, avec ou non des réserves fractionnaires. Elles ne constituent qu’un chemin praticable, parmi d’autres, vers des finances publiques saines, une monnaie saine, et un débat politique sans mensonges. Elles ne dispensent pas les dirigeants de faire une profonde réforme de la fiscalité destinée à restaurer la prospérité, elle aussi basée sur le refus du mensonge, par exemple en supprimant l’impôt sur les sociétés qui n’a que la vertu – ou le vice – de masquer l’incidence réelle de la taxe. La polémique autour du taux d’imposition de Mitt Romney, ainsi que les projets de M. Sarkozy de taxations supplémentaires de l’épargne, sont l’occasion de redécouvrir la nocivité des impôts sur l’épargne[14]. L’occasion aussi de redécouvrir l’ouvrage de Pascal Salin, L’arbitraire fiscal[15], qui pourrait être une remarquable base de travail pour nos parlementaires ou ceux qui conçoivent les programmes des candidats à la présidentielle.
En l’état présent de l’économie et des idéologies économiques dominantes, l’activisme des banquiers centraux et de nos gouvernements a de beaux jours devant lui.
Pauvre Europe. (Et bientôt) pauvres citoyens des membres de l’Union européenne. Nous sommes tous en route pour Weimar.
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Notes :
[1]Dans les « conclusions politiques » de son livre L’ordre social, Librairie de Médicis, 1948, nouvelle édition, p. 632, Jacques Rueff écrit : « Le déficit ne majore pas les possibilités gouvernementales ; il ne vaut aux Gouvernements qu’un seul privilège, celui du mensonge. »
[2]Or Mme Merkel, devant les pressions de ses partenaires, a toujours fini par reculer. Ne disait-elle pas en 2010 qu’il était hors de question de renflouer la Grèce ? Nous sommes maintenant à un n-ième plan définitif.
[3]L’interview de M. Baroin est disponible sur le site internet du journal Les Echos
[4]Économie politique, tome 2, Dalloz, 6ème édition, 1969, pp. 128-130. Les caractères en gras sont les têtes de paragraphes dans le texte.
[5]Techniquement, il s’agit d’ « opérations de refinancement à plus long terme ». Un « repo » dans le jargon de la BCE. Par ailleurs, le même communiqué annonce l’abaissement du taux de réserves auprès de la banque centrale de 2 à 1 pour cent. Voir le communiqué du 8 décembre 2011 sur le site de la Banque de France.
[6]George A. Selgin, William D. Lastrapes and Lawrence H. White « Has the fed been a failure ? ». Au moment où j’écris, disponible à http://www.cato.org/pub_display.php?pub_id=12550
[7]Au mois de décembre, le taux d’inflation annuel harmonisé (IPCH) dans la zone euro était de 2,79 % (contre 3,04 % en novembre) et le CPI aux USA était de 2,96 %. En Suisse, l’inflation était de -0,72 et au Royaume-Uni de 4,195. Voir http://fr.global-rates.com/statistiques-economiques/inflation/inflation.aspx
[8]Si l’évolution des indices de prix ne montre pas une forte inflation, n’oublions pas que les investisseurs, perdant confiance dans le dollar ou l’euro, fuient ces monnaies et recherchent des valeurs plus sûres, ce qui n’est pas sans poser de difficultés pour les pays attirant des masses de capitaux. La Suisse, pour empêcher une revalorisation dramatique du franc suisse, achète massivement des euros. Cela se traduit par le pourcentage faramineux du volume du bilan de sa banque centrale par rapport au PIB : plus de 60 pour cent ! Le prix des matières première et de l’or se ressent aussi du gonflement de la masse monétaire
[9]John H. Cochrane, dans « Inflation and debt », National Affairs - Fall 2011, pp. 64-65 pose la question : « Why is the correlation between money and inflation so weak? The view that money drives inflation is fundamentally based on the assumption that the demand for money is more or less constant. But in fact, money demand varies greatly. During the recent financial crisis and recession, people and companies suddenly wanted to hold much more cash and much less of any other asset. Thus the sharp rise in M1 and M2 (…) is not best understood as showing that the Fed forced money on an unwilling public. Rather, it shows people clamoring to the Fed to exchange their risky securities for money and the Fed accommodating that demand.
Money demand rose for a second reason : Since the financial crisis, interest rates have been essentially zero, and the Fed has also started paying interest on bank reserves. If people and businesses can earn 10% by holding government bonds, they arrange their affairs to hold little cash. But if bonds earn the same as cash, it makes sense to keep a lot of cash or a high checking-account balance, since cash offers great liquidity and no financial cost. Fears about hoards of reserves about to be unleashed on the economy miss this basic point, as do criticisms of businesses “unpatriotically” sitting on piles of cash. Right now, holding cash makes sense. »
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[10]Après avoir écrit ces lignes, en faisant des recherches pour vérifier mes dires, je suis tombé sur un remarquable article de Paul Fabra, dans Les Échos n° 18802 du 13 Décembre 2002, page 60, « L’incroyable message d’un membre de la Fed ». Suite à un discours de M. Bernanke, dans lequel ce dernier expose jusqu’où la Fed pourrait aller (et depuis 2002, sous sa présidence, elle le fera) Paul Fabra, décrit ses propos comme étant ”[E]xplosifs mais accordés à une pensée économique qui, depuis un certain temps, a coupé pratiquement tout lien avec ses racines, qui sont le travail et l’épargne de millions et de millions d’hommes et de femmes. La gestion économique est assimilée à un jeu. L’économiquement correct a fini par détruire l’esprit critique. Ceux qui pourraient l’exercer au nom de l’intérêt du public sont terrorisés à l’idée de passer pour des béotiens ou des empêcheurs de tourner en rond.” Souligné par moi. L’article est disponible sur ce lien.
[11]Paul Fabra écrit dans l’article précité : « le propos de Bernanke est de nous dire _ pour nous rassurer ! _ que, même s’il est réduit à cette situation, un institut d’émission n’en est pas pour autant réduit à l’impuissance : « (…) Une banque centrale qui s’est vu forcée de ramener son taux à 0 % conserve des munitions. Elle détient encore un pouvoir considérable pour accroître la demande et l’activité économique. »
A supposer donc que, « malgré toutes les précautions prises » pour maintenir la stabilité et l’intégrité des marchés financiers, la déflation vienne se saisir de l’économie américaine, eh bien, la Fed pourra « élargir ou bien l’échelle de ses achats ou bien la palette des actifs dont elle se porte acquéreur ». Comme on le sait, une banque centrale « crée » de la monnaie en achetant sur le marché des actifs. Mais elle ne doit pas faire courir de risques à sa propre monnaie ! C’est pourquoi elle n’achètera pas volontiers des obligations à moyen ou long terme si les taux montent. Elle préférera des bons du Trésor à trois ou six mois.
C’est qu’une banque centrale doit aussi se tenir prête à vendre ses actifs à tout moment. C’est par ce moyen que, en cas de menace d’inflation, elle résorbera les liquidités qu’elle juge excédentaires. Or la politique d’achat à tout-va que préconise Bernanke en cas de déflation porte en elle le risque contraire d’une inflation galopante comparable à celle qu’a connue l’Allemagne de Weimar en 1923 ! »
[12]Cette idée découle de l’ensemble de la démonstration de Jacques Rueff dans son livre L’ordre social, lorsqu’il articule les effets inflationnistes de l’admission à l’escompte des « fausses créances » dont le type est donné par les obligations d’Etat ayant un déficit de patrimoine, c’est à dire des emprunts pour financer des dépenses sans qu’il y ait de perspective de recettes fiscales supplémentaires futures pour rembourser le titre. Voir par exemple pp. 248 et suivantes, pp. 367-369. Lewis E. Lehrman, éditeur américain des Œuvres complètes de Jacques Rueff, a exposé dans une adresse à l’Assemblée nationale, le 7 novembre 1996 à l’occasion du centième anniversaire de Jacques Rueff, des propositions plus complètes de réforme, y compris les étapes d’un retour à l’étalon-or. Voir Jacques Rueff, the Age of Inflation, and the True Gold Standard, disponible à : http://www.thegoldstandardnow.org/the-lehrman-gold-standard-articles/85-jacques-rueff-the-age-of-inflation-and-the-true-gold-standard
[13]Pour les propositions de Jacques Rueff, voir L’ordre social, pp. 637-639. En plus de deux instances nationales, l’une pour juger les autorités administratives, ministres inclus, l’autre pour mettre un veto aux actes du Parlement ne respectant pas les principes d’équilibre, Rueff propose également une institution judiciaire supra-nationale.
[14]Par exemple, l’économiste John H. Cochrane, qui enseigne à Chicago, a écrit dans son blog, à propos du taux d’imposition de 15 % de Romney (je traduis) : « Une proposition centrale de l’économie de la taxation optimale est que le taux d’imposition sur le capital devrait être de zéro, ou proche de zéro. (…) ce ‘est pas une affirmation politique, il y a des milliers de pages d’équation derrière elle. (…). Le revenu de Romney a été taxé une fois, lorsqu’il l’a empoché. Il n’est pas efficient de la taxer à nouveau parce qu’il a choisi d’épargner plutôt que de le dépenser immédiatement après dans une orgie de maisons, avions privés, de grosses vacances pour sa famille étendue. » http://johnhcochrane.blogspot.com/2012/01/romneys-15.html#more
[15]Publié chez Slatkine, 1995, avec le sous-titre « ou comment sortir de la crise ».