Aujourd’hui, soyons fous. N’ayons peur de rien, soufflons bien fort dans l’appeau à trolls et imaginons que nous ayons toutes latitudes pour tenter de résorber la crise actuelle, ou, au moins, d’en atténuer au maximum les effets. Quelles pourraient être les mesures les plus efficaces pour relancer l’activité économique du pays et y créer des emplois ?
On pourrait pour commencer imprimer plusieurs centaines de milliards de billets de 100 euros et les distribuer aux pauvres, directement. Cela n’enrichirait pas tellement les pauvres (il y en a beaucoup), alors on trouverait plus simple de distribuer ces billets d’abord à nos amis banquiers, politiciens, syndicalistes autres corporations subventionnées. À la fin, ça appauvrirait tout le monde, mais on s’en ficherait parce qu’on serait cynique.
Moui.
Bizarrement, cela a été tenté plusieurs fois dans le passé, avec un échec cuisant à chaque fois. C’est à nouveau en cours de test, actuellement, au niveau européen. On peut présager l’échec. Mais je suis mauvaise langue, passons donc.
Ou alors, on déciderait — soyons fous, vous dis-je — de lâcher complètement les bretelles et péter les élastiques et on mettrait en place les idées suivantes.
1. Dans un premier temps, on demanderait aux entreprises de donner leur salaire complet aux salariés, c’est-à-dire ce que ces salariés coûtent effectivement à l’entreprise, en totalité (charges salariales et patronales incluses). L’intégralité du salaire atterrirait alors sur le compte bancaire des intéressés. Charge alors à ces derniers de reverser aux différents organismes les sommes convenues pour les différentes couvertures. On passerait ensuite quelques mois à expliquer aux Français que oui, ils n’ont pas le choix, et oui, ils sont obligés de cotiser à ces organismes qui leur paieront une retraite de misère, indemniseront leur chômage avec un lance-pierre et ne leur rembourseront qu’une partie humoristique de leurs frais de santé. Enfin, on proposerait l’ouverture à la concurrence de l’ensemble de ces branches.
Ici, les trolls, arrivés en bande, commencent à baver en agitant leurs gros bras gourds : les malades vont tous mourir sur les trottoirs et c'est la mort des pauvres que vous voulez ! Salaud de libéral !
2. Parallèlement à ces mesures didactiques sur les salaires, on en profiterait pour faire sauter les monopoles de droits divers et variés (courrier, énergie, taxis, transports interurbains ou régionaux, tout jusqu’aux licences téléphoniques mobiles, par exemple) ainsi que les protections et privilèges minutieusement enkystés dans la vie sociale française depuis des décennies, à commencer par les numerus clausus (des pharmaciens, des notaires, des médecins, …).
Les trolls, dont la bave bulle à gros bouillons putrides, enragent à l'idée qu'un nombre suffisant de médecin, de taxis et de notaires envahirait le pays. Ce serait horrible, tout comme la concurrence qui réduit les prix et donc provoque le chômage, comme Free.
3. Évidemment, tout ceci ne peut s’entendre qu’avec un code des impôts légèrement éclairci. Pour cela, on peut le réduire à quelques articles simples : l’impôt serait dû par tous (entités physiques ou morales), sur tous les types de revenus possibles, et limité à 10% de ce revenu (flat tax), ni plus, ni moins. La TVA, de fait, serait unique, et limitée à 10%. Et 10%, c’est très simple puisqu’un gamin de 6ème est censé savoir faire une division par dix… Enfin, mettons un gamin de terminale (de nos jours). Par exemple, le litron d’essence sans plomb, actuellement autour de 1.5€, dégringolerait à 0.64€ (cela fait plus de 40€ d’économie sur un plein de 50 litres). En conséquence de quoi, le gouvernement serait dans l’obligation, rapidement constitutionnelle, de ne dépenser en année N+1 que l’argent récolté en année N, avec interdiction du moindre déficit, et sanctions personnelles et financières non symboliques aux membres du parlement pour tout dépassement de budget de l’État.
Les trolls, apoplectiques et les yeux hagards, se tortillent en criant à la misère de l'Etat qui ne pourra plus garantir à la France son rang international, faute de moyens. Et tout le monde sait que l'impôt proportionnel tue les pauvres et les chatons.
4. Puisque le droit fiscal a été toiletté, autant faire la même chose pour le droit du travail. Revenons aux sources, à savoir celle d’un contrat entre deux personnes, jugées adultes et responsables. Pour éviter que, dans un premier temps, des contrats trop fantaisistes apparaissent, on peut imaginer que des contrats types pourraient être proposés par des institutions reconnues ou toute firme d’avocats souhaitant se faire un nom. Les détails des contrats sont mis en concurrence directe. Évidemment, tous les « contrats » liant les fonctionnaires à l’État sont remis sur le tapis. Ce nettoyage au kärcher du droit fiscal et du droit du travail entraîne bien évidemment une simplification drastique de la création d’entreprise où la paperasserie devient réduite à sa plus simple expression.
Les trolls deviennent fous. Plusieurs cassent du matériel en hurlant : "des contrats libres, c'est l'assurance que les gens seront corvéables à merci. Ils sont trop cons, les gens, il faut les aider à savoir ce qui est vraiment bon pour eux !"
5. L’argent de l’État, c’est l’argent du peuple, qui a, surtout actuellement, autre chose à faire que financer les allers-retours en jet privé de Morano ou Sarkozy dans leurs déplacements de villégiature. En conséquence, on arrêterait toutes les subventions (aux associations, etc…), on mettrait fait à toutes les commissions, institutions diverses, hautotorités rigolotes mais parfaitement inutiles. La ponction correspondante disparaissant, les Français sont alors libres de reverser directement aux associations de leur choix le montant qu’ils veulent. En contrepartie, ce montant est déductible à 100% des impôts, sans plafond (les impôts peuvent ainsi être totalement annulés) tant que l’association est reconnue à but non lucratif et d’utilité publique. De la même façon, on peut espérer un gain substantiel de marges de manœuvre avec l’arrêt total de tous les ministères croupions, petites niches dorées pour sympathisants et amis des dirigeants en place, comme par exemple la Culture, l’Environnement, la Solidarité, la Jeunesse, les Sports, la Ville.
Trois trolls sont morts d'une crise cardiaque. Le troll artiste, sentant le statut d'intermittent disparaître, se met à composer des riffs vengeurs sur sa guitare. No pasaran !
6. En matière d’éducation, rien ne vaut la décision éclairée (ou pas) des parents. Le principe du Chèque Éducation, dans un premier temps tout au moins, permettra d’éclaircir pas mal la situation. En contrepartie, les écoles, collèges et lycées deviennent totalement autonomes dans leurs programmes, méthodes, horaires, recrutements et salaire des professeurs.
Ici, ce sont les trolls pédagogos qui se tortillent de rage. L'un d'eux sacrifie trois mille têtes blondes à Meirieu'Baal, leur dieu.
7. La France n’est plus une puissance coloniale, c’est un petit pays jadis riche enfoncé dans 40 ans de socialisme débridé. Rien de tel qu’une cure d’humilité pour reprendre pied avec la réalité, par exemple avec un arrêt de toutes les opérations militaires hors du sol. Les militaires sont mis à profit dans les endroits où ils peuvent servir, si le besoin s’en fait sentir. L’arrêt des opérations à droite et à gauche permet de dégager à nouveau des finances pour renouveler les matériels usés et rafraîchir les troupes. Mieux vaut 100.000 hommes correctement outillés et en bonne forme que les 240.000 actuels, fatigués et équipés majoritairement de vieux engins rouillés.
Les trolls, ici, cherchent leurs mots (enfin, leurs grognements). Ils hésitent. Ils sentent le piège.
8. Rappelons que nous sommes en situation économique tendue. Comme nous n’avons plus un rond, on a autre chose à faire de notre argent en période de crise que d’empêcher les gens de le claquer en futilités si ça les amuse. En conséquence, on applique une légalisation de la drogue, comme au Portugal où cela a très bien fonctionné.
Pendant qu'une partie des trolls reste coi, ébétés, une autre pète un klaxibule dans des petits cris stridents.
9. Il devient à présent indispensable de nettoyer aussi quelque peu la vie politique française, par exemple en imposant la transparence sur les comptes des syndicats, de toutes les entités publiques ou qui reçoivent de l’argent public (institutions, municipalités, régions, etc…). Cette transparence se traduirait aussi dans la publication sous forme électronique de l’ensemble de la comptabilité dans des formats directement exploitables par le citoyen. Et bien sûr, cela comprendrait la publication de toutes les feuilles de paie de tous les élus. Après tout, c’est notre argent, autant savoir où il part. Au sujet des syndicats, il semble évident que leur représentativité n’est plus liée à leur nom ou histoire mais, strictement, à leur nombre d’adhérent.
Un instant égarés par des mesures auxquelles ils ne s'attendaient pas, les trolls reprennent de plus belle : la transparence pour les syndicats, c'est, soyez-en sûr, affreux libéral capitaliste mangeur d'enfants communistes, l'assurance que le méchant patronat va faire pression sur eux et les empêcher d'organiser des parties (fines ?) à 500.000 euros dans de somptueux châteaux. Et ça, ce n'est pas tolérable dans une démocratie digne de ce nom !
10. Enfin, pour bien marquer le coup, on imposerait un non cumul strict des mandats, tous renouvelables une seule fois. Renouveler le corps politique n’est pas la garantie d’une démocratie parfaite mais permettra d’éviter les situations de rentes dont le pays a si longtemps souffert.
Comme vous le constatez, ces quelques mesures sont essentiellement économiques et visent, en définitive, à sabrer les bras multiples, tentaculaires et suceurs invétérés d’un État devenu omniprésent et omnigaffeur. En se concentrant sur l’essentiel et en évitant l’écueil des sujets parasites, on donne une chance réelle à l’économie de redécoller, et partant, à la France de sortir du trou.
Et maintenant, redescendons sur Terre. Le bruit des trolls nous y oblige.
Ces mesures ne marcheront évidemment pas.
Pas parce qu’elles seraient viciées (elles ont toutes, dans le monde et dans l’Histoire, prouvé leur efficacité), mais tout simplement parce que chacune de ces mesures vient heurter, directement, l’une ou l’autre corporation, l’un ou l’autre privilège, l’une ou l’autre habitude ancrée au plus profond de celui qui la pratique, qui s’y accroche et qui voit très bien ce qu’il y a à perdre et refusera, devant cette perte, de considérer ce qu’il y a à gagner. Chacune de ces mesures déclencherait une paralysie immédiate du pays qui préfèrera mourir qu’envisager le changement.
Ceci ne marchera pas parce que la majorité, qui décide, a déjà choisi son sort. Elle a déjà préféré le status quo, la rente, le confort de la position actuelle, connue et parfaitement bornée, et ne veut à aucun prix l’échanger contre autre chose, même si cela a été tenté avec succès ailleurs.
Et parce que ces choix ont déjà été fait, ont déjà été gravés dans le marbre, ça ira moins bien (vraiment, vraiment moins bien) avant de pouvoir aller mieux.
Ces mesures pourraient sauver la France. Elles ne seront ni prises, ni même envisagées.
Ce pays est donc foutu.
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