Luchadoras (Adam)

Par Mo

Adam © Atrabile - 2006

A Ciudad Juarez, de nos jours.

Alma travaille en tant que serveuse. Sa journée terminée, elle rentre chez elle retrouver Laura, sa petite fille, et Romel, son mec. Comme beaucoup d’hommes à Ciduad Juarez, Romel n’hésite pas, à la moindre contrariété, à frapper sa femme jusqu’à ce qu’elle se range au même avis que lui. Et vu que les femmes n’osent pas faire valoir leurs droits, rien ne fait obstacle à la toute-puissance de ces mâles en mal d’autorité. D’autant que dehors, la vie est une vraie jungle pour les femmes. Chaque jour, la Police enregistre de nouvelles disparitions de femmes voire d’adolescentes… chaque jour, de nouveaux cadavres ne font que gonfler le chiffre déjà alarmant de toutes celles qui ont subi des violences ; viols, mutilations, séquestration qui dure parfois des semaines,…

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Il y a quelques temps, j’avais découvert Viva la Vida : los sueños de Ciudad Juarez, un album où Edmond Baudoin et Troub’s nous faisaient découvrir tout en finesse le quotidien de cette ville mexicaine. Suite à cette lecture, j’avais fait des recherches poure mieux me rendre compte de la situation, c’est ainsi que j’ai découvert la dure réalité de cette ville : des disparitions quotidiennes de femmes, des meurtres de femmes qui ont commencé en 2003, des cadavres mutilés qui en disent long sur les sévices qu’elles ont subi dans les jours ou les semaines qui ont précédé leur mort… Tout cela dans un contexte de guerre des gangs, de narcotrafiquants qui s’étripent pour grappiller une part du juteux marché américain de la drogue, une ville qui accueille chaque jour de nouveaux arrivants venue d’Amérique latine et qui rêvent de s’installer aux États-Unis, sans oublier les autres fléaux sociaux : chômage, précarité, squats, alcoolisme, corruption…

Heureux concours de circonstance : au moment même où je sortais de la lecture de l’ouvrage de Baudoin et Troub’s, Joëlle met en ligne une chronique d’album pour présenter Luchadoras. Sensibilisée au sujet, je décide donc de me procurer cet album qui rend hommage aux “lutteuses” de Ciudad Juarez (traduction de « Luchadoras » en référence à ces femmes livrées à elles-mêmes).

Le résultat : une claque !

Disons-le franchement : si j’avais découvert la situation à Ciudad Juarez par le biais de l’album de Peggy Adam, avec certitude : je n’aurais pas souhaité poursuivre sur le sujet (internet, BD ou n’importe quel autre support). La violence contenue dans cet album m’a sonnée. L’auteur aborde de manière frontale les conditions des femmes dans cette enclave mexicaine. La première scène nous permet d’ailleurs de faire la connaissance d’Alma, personnage principal du récit, alors qu’elle est en plein entretien avec Maria, bénévole dans une association qui aide les femmes à faire face aux violences conjugales qu’elles subissent. Lorsque Alma sort des locaux de l’Association, elle se retrouve nez-à-nez avec Romel qui la poignarde en plein jour, en pleine rue… une agression à laquelle personne ne semble réagir. Le reste de l’histoire telle qu’elle nous est présentée par Peggy Adam est dans la même veine, l’auteur ne s’encombre vraiment pas de fioritures inutiles, la violence n’est pas maquillée et agresse le lecteur.

Graphiquement, les illustrations de l’auteure renforcent le malaise. Cet album est réalisé en noir et blanc, les jeux de contrastes ne sont pas utilisés ce qui donne lieu à un graphisme assez « simple ». J’ai trouvé le dessin un peu « tassé » et même s’il y a des jeux de perspectives, les personnages sont pris dans le même bloc visuel que les décors en second plan. On a l’impression que l’auteur n’a pas réellement cherché à travailler ses personnages et ses décors et qu’elle nous les livre brut, ce qui renforce d’autant la dureté de l’album. Ce n’est pas le genre de dessins dont je raffole (inesthétique et grossier), il a tendance à alourdir un propos déjà bien chargé émotionnellement.

Pourtant, je trouve que le personnage d’Alma porte bien cette histoire. Le courage dont elle fait preuve est impressionnant, mais je ne suis pas sure que ce genre de personnalité soit réellement représentative de ce qui se passe à Ciudad. En effet, pour avoir visionner quelques reportages sur ce sujet, on sent que les femmes s’indignent de la manière dont elles sont traitées mais la peur les enferme dans un silence pesant. Elles constatent, elles pleurent la mort de leurs proches mais n’osent pas juger et se refusent à dénoncer… la peur au ventre.

Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs des

Le résultat : une lecture qui percute, des haut-le-cœur à plusieurs reprises durant la lecture, un malaise. Tout à fait le genre d’album que je conseillerais à quelqu’un qui s’intéresse à la situation de Ciudad Juarez, pas vraiment le genre d’album que je conseillerais aux autres lecteurs. L’album déroute et, contre toute attente, propose cependant une fin ouverte qui donne la touche d’optimisme salutaire.