« Alors que le bateau coule, les membres d’équipage PS et UMP se battent
les uns contre les autres : les naufrageurs, dehors ! »
Le candidat socialiste François Hollande a beau faire la moue et faire le faux surpris dans le journal de vingt heures de France 2 le 7 février 2012, on ne pourra pas rejeter le fait que les socialistes
sont tombés assez benoîtement dans le gros piège tendu par le Ministre de l’Intérieur Claude Guéant.
Des mots de trop prononcés au nom du groupe socialiste
Soit par négligence et donc incompétence, soit par calcul, le président du groupe socialiste à l’Assemblée
Nationale, Jean-Marc Ayrault, qu’on dit très proche de François Hollande (il lui aurait soufflé une citation de Baudelaire pour le grand discours du Bourget du 22 janvier 2012), a en effet laissé passer une question assez scandaleuse qui a fait
rebondir une polémique déjà affligeante sur le concept de civilisations qui se valent… ou pas.
Je ne reviens pas sur la petite phrase de Claude Géant du week-end dernier qui a déjà fait mousser bien trop
la campagne électorale, si ce n’est qu’elle n’est que la dernière provocation d’un ministre très habitué à cette pratique dans un but évident de séduire un électorat extrême. Ce type de
provocation ne devrait recueillir qu’indifférence pour être étouffée et éviter de s’auto-alimenter, mais à chaque fois, le coup fonctionne à merveille pour s’étendre et prendre une place
inconsidérée dans le débat national.
Dans sa question posée au gouvernement ce mardi 7 février 2012, le député martiniquais Serge Letchimy (PS)
n’a pas fait non plus dans la dentelle et en faisant référence aux camps de concentration et au régime nazi, il a atteint très largement le point Godwin (trois jours pour y arriver). Une honte
pour toutes les victimes des camps nazis. Qu’en a pensé l’ex-sénateur Robert Badinter ?
Le chômage poursuit sa tragique progression, le déficit du commerce extérieur est à son niveau le plus haut
(70 milliards d’euros !), la perte de sens s’accroît …et on préfère disserter sur des sujets à la fois historiques et philosophiques complexes pour cacher la vacuité des valeurs et l’absence de solutions concrètes aux problèmes des gens.
Les incidents au Palais Bourbon sont toujours assez impressionnants. Il y a des cris, des mouvements de
foule. En réaction à cette choquante évocation, le gouvernement a quitté l’hémicycle suivi des députés de la majorité qui réclament désormais des excuses. François Hollande, qui n’y peut rien (on
imagine qu’il était absent de cette séance bien que député de Corrèze), a toutefois refusé d’apporter tant un soutien qu’un désaveu à Serge Letchimy. On ne se mouille pas.
La vérité, c’est que les deux grands partis gouvernementaux se valent, et tant pis pour l’idéologie
relativiste !
Les naufrageurs, dehors !
Invité de Laurence Ferrari au journal de vingt heures de TF1 le mardi 7 février 2012, le candidat centriste François Bayrou a en effet
renvoyé dos à dos les deux camps qui perdent énergie et ressources dans des querelles stériles qui ne font pas avancer la France : « Je condamne les uns et les autres. (…) Il y a dans cette escalade quelque chose de profondément troublant et mauvais pour la
France. (…) Ce débat [des deux camps] nous fait perdre un temps précieux. ».
Prenant la métaphore des membres d’équipage qui se battent « les uns contre les autres en s’insultant »
pendant que le bateau France coule, François Bayrou a voulu montrer sa colère et sa détermination en prononçant un slogan assez simple : « Il y
a un moment où il est important de dire qu’il y a en France un peuple républicain qui a besoin que l’on tourne la page sur ces attitudes indécentes. Alors, je dis : les naufrageurs,
dehors ! ».
Critiquant l’omniprésence à la télévision non seulement de Nicolas Sarkozy mais aussi de François Hollande, François Bayrou a protesté : « On essaie de nous enfermer dans un deuxième tour écrit à l’avance. Eh bien, les Français le refuseront. ».
Car l’homme qui avait réuni près de sept millions de suffrages le 22 avril 2007 est effectivement le candidat le plus populaire des Français, légèrement devant François Hollande et avec une large avance sur
Nicolas Sarkozy, une sympathie populaire qui ne se traduit pas encore dans les intentions de vote.
Apprendre, apprendre, apprendre
En raison de l’actualité (polémique Guéant/Letchimy et engagement d’Angela Merkel aux côtés de Nicolas
Sarkozy), François Bayrou a eu peu de temps, durant ses sept minutes d’interview, pour exposer ses idées sur la politique d’éducation qu’il entend promouvoir.
On retiendra surtout sa volonté de renforcer l’enseignement du français, en particulier la lecture,
l’écriture ainsi que l’étude des textes, afin de donner à tous les futurs citoyens des armes égales à l’entrée dans leur vie active : « Il n’est
aucune chance de réussite pour un élève qui n’a pas la maîtrise des fondamentaux. Je proposerai que, tant que cela est nécessaire, 50% du temps scolaire à l’école primaire soit consacré à la
maîtrise de l’écrit qu’on dit actif et passif, et à la langue française en sa beauté à découvrir, en ce qu’elle peut exprimer de nuances, de richesses, en son vocabulaire. C’est un bagage pour la
vie. » (4 février 2012).
François Bayrou est également favorable au retour d’une section d’excellence en terminale qui se focaliserait
à la fois sur les mathématiques et sur la littérature (« un baccalauréat d’excellence générale à la fois littéraire et scientifique ») afin
de réduire la pénurie de scientifiques et de littéraires.
Conjuguer le verbe instruire au milieu d’une bataille de polochon ? C’est le pari audacieux de
François Bayrou qui a toujours voulu s’adresser à l’intelligence du peuple français, et pas à ses bas instincts.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (8 février
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le rassemblement autour de François
Bayrou.
Vidéo de
l’interview de François Bayrou (TF1, 7 février 2012).
Sondage sur la popularité de François Bayrou.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/bayrou-ump-et-ps-dehors-109780