Magazine Cinéma
En salles : 1973. Il y a quelque chose de pourri au Royaume de sa majesté. Le pouvoir a acquis la certitude que le MI6 (le service d’espionnage extérieur, appelé aussi le Cirque) est infiltré par les Russes. Un agent double à la solde de Moscou occuperait l’un des cinq postes les plus importants du service. Damn it ! Pour tenter de démasquer le traître, une petite équipe est mise en place dans le plus grand secret. A la tête de ces "chasseurs de scalps" (leur nom de code), le réalisateur suédois Tomas Alfredson (le remuant Morse, c’est lui) avait l’embarras du choix pour rassurer les businessmen de Hollywood : Daniel Craig ? Jason Statham ? Bruce Willis ? Non, Gary Oldman...
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Euh, qui ? Celui de Batman, Kung Fu Panda 2 ou Harry Potter ? Oui, c’est vrai que ces dernières années, le bonhomme s’est tranquillement laissé bercer par les sirènes hollywoodiennes. Remarquez, ça laisse du temps pour s’occuper de sa famille… Mais il ne faut pas oublier que Oldman est né britannique et que c’était pour lui une occasion unique d’incarner un grand premier rôle avec Georges Smiley, ce personnage - célébrissime Outre-manche - né de l’imagination de son illustre concitoyen John Le Carré (ancien officier du MI6…).
Donc, Gary Oldman est à la tête d’une toute petite équipe à la recherche de la taupe… Dans sa quête ardue, pas de pyrotechnie ni de courses-poursuites effrénées. Encore moins de coups de gueule. Chez lui, tout se passe à l’intérieur. Son personnage, c’est comme la célèbre pub’ pour un yaourt : actif à l'intérieur et ça se voit à l'extérieur… Oldman fait penser à ce caméléon capable de tourner sa tête en une fraction de seconde sans même bouger son corps ; de voir sans même ouvrir les yeux.
C’est peu de dire que Georges Smiley est taiseux : présent dès le début du film, il est muet jusqu’à la… 18e minute ! La Taupe est un film poisseux. Longtemps mystérieux. Toujours vaporeux. De Londres à Istanbul en passant par Budapest, la caméra de Tomas Alfredson nous promène – nous égare, parfois. Elle tente en permanence d’interpréter les pensées de Georges Smiley en défilant dans un quasi-ralenti habillé par les très belles compositions d’Alberto Iglesias – déjà entendu chez Almodovar. Et que dire de l’interprétation de "La mer" de Charles Trénet par… Julio Iglesias... Magique !
Dans ce film, chaque mouvement de tête de Smiley constitue un indice en puissance ; ne pas le voir, c’est risquer d’emprunter un chemin de traverse. Et là, vous seriez bon pour vous payer une seconde séance - le rêve ! Et dire qu’un deuxième volet de la trilogie de Le Carré est déjà prévue… Alors, pas de blague : même par ces temps de grand froid, sortez de votre trou et courez voir La Taupe !
Manny Balestrero
La Taupe