Quand commence la pièce, une grande agitation règne dans la maison d’Orgon que Mme Pernelle désigne comme « la tour de Babylone » avec « ces carrosses sans cesse à la porte plantés » et sa bru « vêtue ainsi qu’une princesse » : elle lui oppose le souvenir raisonnable de la défunte épouse de son fils qui a fait l’erreur de se remarier. Rebecca de Winter dans le manoir d’Orgon ! Dans la mise en scène d’Eric Lacascade, Orgon a des allures de gamin incontrôlable : il rappelle Louis de Funès ou Buster Keaton. Nerveux, imprévisible, violent, il n’en fait qu’à sa tête et la multiplication de ses pas électrise les planches. Le décor surprend, c’est une sorte de maison de poupée branlante, ce qui a pour effet de confiner l’espace domestique. On accède à l’étage par le biais d’un escalier roulant que poussent les personnages. Orgon prend son bain dans l’une des pièces du haut à son retour de voyage. De sa baignoire, il devise et, à la scène 5 de l’acte 1, met la tête sous l’eau à son beau frère Cléante, pour le châtier d’oser mal parler de Tartuffe.
A côté de la salle de bain, une série de portes qui s’ouvrent et qui se ferment. Chambres, bureaux, boudoirs, balcon, portes à double fond ? Le diable est dans la boite... quelque part au fond des corridors... car ce Tartuffe, dont on parle beaucoup jusqu’au troisième acte, ne montre pas facilement le bout de sa bure. Sournoisement, il se recueille, attend son heure pour « tartuffier » les gens et s’emparer enfin du pouvoir... En bas, en fond de scène, derrière un fin rideau de gaze, trône un petit autel sur lequel clignotent des bougies. L’ambiance est à la repentance ou à la machination.