Le 24 février, à Moscou, les responsables de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (connue sous son sigle anglais EASA) remettront officiellement à Superjet International le certificat de navigabilité du biréacteur régional SSJ100, alias Superjet 100. Ce sera l’aboutissement symbolique d’efforts considérables de l’industrie aéronautique russe, profondément réorganisée et modernisée, bien décidée à retrouver une place importante sur le marché civil mondial, cela après de sérieuses déconvenues.
Sukhoi a agi avec un remarquable discernement. Outre une analyse judicieuse d’un environnement nouveau, très concurrentiel, les dirigeants de l’entreprise ont vite compris qu’il leur faudrait s’entourer de partenaires solides pour réussir ce nouveau départ. Cela après avoir vérifié qu’un marché potentiel important serait accessible à un appareil de la classe des 75-95 places, complété en un deuxième temps par une version allongée capable de transporter 110 passagers dans de bonnes conditions de confort. Une version affaires est également prévue.
Il s’agissait de concevoir un appareil résolument moderne doté, par exemple, de commandes de vol électriques. Se posait, au départ, la question de la motorisation, le but étant d’obtenir une consommation de carburant en progrès par rapport à ce que pouvait offrir le marché. D’où une option audacieuse, celle de faire appel à un propulseur entièrement nouveau, conçu conjointement par NPO Saturn et Snecma dans le cadre d’une filiale commune à 50/50 baptisée Powerjet. Une idée qui a donné naissance au SaM 146 franco-russe.
Parallèlement, Sukhoi a trouvé en Italie un bon partenaire, Alenia Aermacchi (groupe Finmeccanica). Ensemble, les deux entreprises ont mis en place une société de commercialisation dans laquelle les Italiens sont majoritaires à hauteur de 51%. Boeing a par ailleurs accepté un rôle de consultant. Enfin, les partenaires, sous-traitants et fournisseurs ont été en grande partie choisis hors des frontières russes, sur base de leurs compétences et de leur expérience. Il n’est donc pas étonnant de trouver en bonne place Thales, divers membres du groupe Safran, Liebherr, Zodiac ou encore Hamilton Sundstrand.
Il n’en faut pas davantage pour justifier le grand intérêt que suscite le SSJ100. S’il atteint ses objectifs, ce programme confirmera que la Russie est en mesure de s’arroger un rôle de premier plan, ce dont devrait indubitablement profiter le MS 21 d’Irkut. Ce dernier, on le sait, se positionne comme concurrent direct des A320 NEO et 737 MAX, ce qui n’est pas rien. Une menace, pour Airbus et Boeing, dont personne ne sait si elle doit d’ores et déjà être prise au sérieux.
Pierre Sparaco-AeroMorning
(photo Daniel Faget)