Proposée dans une version courte lors de la première édition du festival Respiration, Effraction de l'oubli est cette fois-ci présentée dans son intégralité à Mains d'Œuvres , dans le cadre des Incandescences 2012. Dans l'intensité d'une lenteur propice au dévoilement de la matière, Effraction de l'oubli explore les paradoxes nés d'un langage chorégraphique aux sources multiples et en plein épanouissement.
Que regarde le spectateur ? Un corps de femme. Nu. La danseuse se positionne en toute conscience comme objet s'offrant au regard fantasmé de l'autre ; et compose par son élasticité une infinité d'images érotiques. Mais que montre ce corps ? Rien. Il n'a rien à montrer. C'est un vide sidérant. Vide morbide qui cherche le regard pour se transformer en vide créateur. Pour mieux l'attirer, il supprime le sien, perdant son individualité, se faisant matière, corps, chair.
Le corps de chair, porte un masque mortuaire aveugle réalisé par Olivier Weber à partir du propre visage de la danseuse, et inspiré du sourire de « l'inconnue de la Seine ». Non pas tant pour faire de ce corps un personnage, mais bien au contraire pour lui retirer son humanité, faire de ce corps une entité, non nommée, non identifiable. Mais qui garde cependant cette aura mystérieuse d'un corps qui serait non pas mort, mais plutôt non-vivant, image, souvenir, oubli. Le visage est l'expression corporelle la plus communément admise, la plus évidente. En privant le corps de son élément d'expression première et de toute possibilité de regard, je renforce son organicité.
De quoi ce corps a t-il conscience ? Dans un premier temps, c'est la perception (chaleur des projecteurs, repères tactiles au sol), qui génère le mouvement. Puis il semblerait assez vite que la conscience d'un regard porté sur lui l'amène à s'ouvrir à ce regard, puis à prendre conscience de son image. C'est donc l'image de soi qui devient génératrice du mouvement. Image de soi pour soi, image de soi tournée vers l'autre. Par le regard, le corps se trouve nommé, identifié. Apparaissent les notions de limites, de temporalité et de frontières. Ainsi amputé, le corps tente de se dévoiler, de s'ouvrir, de s'écarteler pour rejoindre cet Inépuisable, cet impensable de son origine dont il est désormais exilé.
De cette tentative de retour vers l'innommable, naît un langage chorégraphique qui recherche une conscience simultanée de l'intériorité et de son image. Et c'est à l'orée de sa propre disparition que l'échange de regard advient, créant au sein du vide l'espace de la rencontre, dans la brièveté de l'instant.
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