Les coffrets DVD sont des objets artistiques complexes parce qu’ils concentrent en un tout, l’objet (le film), les documents relatant et analysant son processus de réalisation et parfois même son sens (les suppléments). Ils synthétisent parfaitement le malentendu latent qui existe dans l’art moderne et contemporain entre l’objet et le document. Il n’est pas anodin à ce titre que l’on parle de suppléments. Les suppléments doivent être compris au sens derridien du terme. Ils apportent une couche de signification supplémentaire à l’œuvre. Et on peut se demander si une bonne vision de l’œuvre ne se limiterait pas au simple visionnage de ces documents qui viennent en addition du film. Comme si ces documents supplantaient l’œuvre jusqu’à lui donner tout son sens. Une vampirisation en soi.Le coffret DVD de Van Gogh (1991) de Maurice Pialat édité par Gaumont pourrait servir d’exemple. Pendant le film, on est confronté à un Van Gogh méditatif, obnubilé par son œuvre mais sans cesse interrompu par les contingences de la vie quotidienne. Le processus de réalisation est, donc, relativement peu montré et ne concerne que quelques prises du montage final. Comme si l’art n’était jamais réellement le vrai sujet (Pialat filmerait-il comme il pense ? Avec une praxis artistique préméditée ?). Ainsi, il montre Van Gogh usé d’être confronté aux remises en question d’origines diverses et déconcertantes de son art.Bien avant les explications fournies par les suppléments, on voit d’emblée que Pialat décide d’aller à rebours du biopic traditionnel. Il ne s’agit pas là de rassembler, d’empiler des faits de vie avérées qui, au final, ne remet aucunement en question les attentes des spectateurs comme un biopic classique. Le biopic classique, c’est l’enlisement du réalisateur face à quelque chose qui de toute façon le dépassera. Rechercher une image fidèle, à travers la ressemblance physique par exemple, n’est qu’artifice pour essayer vainement de cacher l’infinité et les inexactitudes nécessaires du genre.Ce que Sfar a compris avec Gainsbourg, vie héroïque (2010) et que Pialat avait compris bien avant lui, c’est que le biopic très paradoxalement se doit d’être au possible impersonnel et rendre libre le réalisateur avant tout. Ce que Pialat fait de mieux que Sfar est qu’il se concentre sur une partie de la vie de l’homme. En l’occurrence, la dernière, la période d’Auvers-sur-Oise. Il pose le récit comme il pose la caméra. Et cette détermination de Pialat à prendre son temps donne tout le charme à cette œuvre et vient à l’encontre des tendances rythmiques du biopic classique.Ce que les suppléments du DVD dévoilent, c’est l’interconnexion entre ce que Pialat nous montre et sa vie. Lui qui a été peintre au début de sa vie (un sujet au combien sensible comme en témoigne les suppléments), qui possède un caractère proche de l’irascible Van Gogh, qui a vécu la misère et qui a, par-dessus-tout, vécu l’éternelle remise en question de ses œuvres par les gens aptes ou non à en juger. Les questions, après le visionnage de ce coffret, qui s’imposent sont : Sommes-nous face à un Van Gogh pialatisé ?Ou alors sont-ce les documents qui biaisent notre jugement ? Vampirisant le sens de l’œuvre pour vampiriser en retour le jugement du spectateur ?