Dans nos formations en médiation, nous sommes bercés par le principe selon lequel il nous faut d’abord permettre aux sentiments de s’exprimer, et ensuite amener nos clients à regarder les faits. Ce n’est d’ailleurs qu’un rappel du premier principe de négociation de Ury et Fisher. Mais l’inverse est également vrai.
C’est Diane Levin dans Mediation Channel qui raconte cette semaine la douloureuse aventure vécue par un étudiant, aventure qui m’a rappelé une expérience vécue il y a bien longtemps, alors que j’étais en seconde année d’humanité dans un collège dirigés par les pères jésuites (pour lesquels j’ai d’ailleurs toujours gardé une grande admiration, ce qui n’empêche pas le regard critique).
J’avais décidé de présenter dans le cadre d’un cours de religion un travail comparatif et critique sur le prosélytisme des Mormons en Belgique. Il se fait que ma mère était enseignante en religion et disposait entre autre d’une “Bible Mormone”. Je lui ai donc emprunté l’ouvrage (avec son accord et sous sa guidance) et l’ai emporté à l’internat, afin de pouvoir en utiliser des extraits dans le cadre de mon travail. Ce que j’avais perdu de vue, c’est que cet ouvrage faisait partie de la liste des ouvrages interdits par l’école.
J’eus en plus la très mauvaise idée de préparer mon travail pendant l’étude, et le surveillant constata donc que je l’avais en ma possession: confiscation, appel devant le préfet de discipline… personne ne voulut écouter mon explication. Je me retrouvai donc avec la punition la plus forte avant l’exclusion de l’école, et un immense sentiment d’injustice (tellement immense qu’il m’a suffit de lire l’article de Diane pour m’en souvenir, près de quarante ans plus tard…)
Dans cette situation, les faits avaient été examinés indépendamment de leur intention, ce qui est tout aussi dangereux et insuffisant que de se concentrer sur les sentiments sans référence aux faits.