Tenter de comprendre en quoi consiste le RSA est une tâche hardue qui nécessite de dépiauter un par un les aspects complexes et les conditions diverses liées aux droits auxquels peut prétendre
chaque citoyen Français en situation précaire. C'est long mais il me semble nécessaire d'aller vraiment au fond des choses pour maîtriser le sujet et faire la part des choses entre la théorie et
le concret. Commençons donc par le tout début.
Le Sarkozy-du-mois-de-mai nous promettait, entre autre augmentation du pouvoir d'achat et super plan Alzheimer, une baisse de 30% de la pauvreté, soit 2 millions de pauvres en moins à la fin de
son mandat. Nous remarquions déjà que cela n'englobait pas la totalité du problème puisque selon l'Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale, il y aurait dans notre pays 7,13
millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté Européen, soit avec moins de 817€ par mois et par personne. Mais peu importe, si on devait se baser sur les chiffres pour mener une
politique, on démissionnerait au bout de dix mois, n'est-il pas?
Dés sa constitution, le gouvernement planche donc avec enthousiasme sur une loi "en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat". Et Martin Hirsh d'être embauché pour expérimenter son
Revenu de Solidarité Active, dans les cartons depuis 2005.
Pourtant voilà bien une mesure en totale opposition avec les slogans Sarkoziens "du travailler toujours plus pour plus de plus", une loi qui porte mal son nom en tablant sur un possible résultat
inverse aux objectifs souhaités et qui perdure dans la tradition des fonctionnements complexes et totalement opaques des minima-sociaux,
Mais comment donc est-ce possible d'être à ce point
bicéphale?
Alors qu'au départ tous les salariés pauvres devaient être concernés par le RSA, en 2008 cette mesure ne vise plus que les RMIstes et leur famille ainsi que les bénéficiaires de l'API, ce qui
nous ramène à un panel estimé à 1.300.000 bénéficiaires dont environ 183.000 API, soit au total un peu moins de 19% des pauvres en France. Exit pour l'instant les autres minimas-sociaux, du moins
jusqu'à cet été. Aprés quoi tous les publics devraient être inclus, ce qui suppose un coût pour un plan global de 6 à 8 milliards d'Euros par an. "Une économie" selon les calculs de l'Agence
Nouvelle des Solidarités Actives qui part du principe que le RSA coûtera deux fois moins aux collectivités que le RMI, mais première contradiction puisqu'en 2006 le RMI a coûté 6 milliards aux
Conseils Généraux.
Bon. Ensuite on parle de travail, d'emploi et de pouvoir d'achat, mais un détail saute d'emblée à mes yeux écarquillés: Qu'en est-il des retraités et des non-salariés pauvres? Pas de réponse.
Hormis les formations bidons, les contrats d'un jour et le harcèlement moral mensuel trés efficace pour épurer les listes de demandeurs d'emploi, les vieux n'ont qu'à mourir, et le RSA s'occupe
du reste.
Comment? C'est trés simple nous dit-on, le RSA est une mesure d'incitation à la reprise d'une activité salariée en proposant de cumuler votre allocation minimum de survie avec un salaire et
ce, argument principal annoncé comme une nouveauté, de manière permanente. Mais concrètement, n'est-il pas légèrement irréaliste de choisir une mesure aussi coûteuse à partir d'une idée reçue?
Car contrairement à ce qui est sans cesse sous-entendu, les pauvres veulent travailler, s'ils ne le font pas déjà, et statistiquement 60% des RMIstes sont en recherche active d'un emploi. A cela
le gouvernement retorque et évoque la perte d'avantages inhérente à toute reprise d'activité qui jusqu'ici aurait convaincu les chômeurs longue durée tels que les RMIstes à rester dans leur
situation. Ah bon, mais quels sont donc ces "avantages"?
Un RMIste est en effet un privilégié. Il est d'abord automatiquement exonéré de la taxe d'habitation et de la redevance télé. Mais c'est pour ainsi dire tout, puisque les deux autres "avantages"
qui suivent concernent tous ceux qui touchent un revenu en dessous d'un certain plafond, duquel font partie tous les bénéficiaires de minima-sociaux et les travailleurs gagnant l'équivalent. Ces
"avantages" se résument en deux points, le droit au montant maximum d'aide au logement versé par la CAF et celui à la CMU proposée par la sécurité sociale, c'est à dire une couverture médicale à
100% et le tiers payant. Cependant, l'administration entretenant un obscurantisme récurrent quant aux avantages auxquels on peut prétendre, des informations manquent et aucun montant n'est
précisé concernant ce plafond, variable selon la situation du foyer. Donc, si vous ne demandez pas, on ne vous donne rien. Par conséquent, 20% des RMIstes n'ont pas la CMU ignorant qu'ils peuvent
en être bénéficiaires. Par contre, la totalité d'entre eux qui sont locataires et bénéficient évidemment d'une aide au logement, ou s'ils sont hébergés gratuitement, voient leur allocation
automatiquement déduite d'une somme forfaitaire de 53 à 133€. Qu'on se le dise une bonne fois, car je m'aperçois dans les chiffres sur le site du Sénat que même eux n'y comprennent toujours rien:
seuls les SDF ont droit à un RMI complet de 447€.
Bon, ça c'est fait.
Le détail des privilèges énnoncé, revenons sur leur perte hypothétique consécutive à un retour à l'emploi. En fait ce n'est pas si simple, cela dépend du contrat de travail et de son nombre
d'heures hebdomadaires. Car il existe déjà la possibilité de cumuler ces minima-sociaux avec un travail durant une année, ou de toucher un complément si votre salaire est en-dessous du montant
des sus-cités minima.
Comment? Est-ce possible?!? Oui Mesdames et Messieurs, on peut, qu'on ne le veuille ou pas, travailler pour moins que le minimum. Dans cette situation vous avez des droits, mais il faut
différencier deux cas: le cumul et le complément. Le premier est total et
dure trois mois, puis il est suivi d'un cumul partiel durant les neuf mois suivants. Le deuxième est
un droit pour tous, inhérent aux montant des ressources quand elles sont inférieures au RMI et il n'est pas limité dans le temps.
Prenons un exemple mais limitons-nous au RMI car dans le détail, les droits de chaque allocation diffèrent: si je retravaille 9 heures par semaine et gagne le Smic horaire, soit 238€ par mois, je
peux continuer à toucher durant les trois premiers mois l'intégralité de mon RMI (394+238 = 632€), puis la moitié de celui-ci les neuf mois suivant (total = 435€). Malheureusement, si mon contrat n'évolue pas vers un temps plein, à la fin de cette échéance c'est le retour à la case départ. Avec mes 238€, j'aurais toujours
droit au RMI sous forme d'un complément, ainsi qu'à la CMU, au maximum d'aide au logement et aux éxonérations fiscales épluchées plus haut. D'où le manque évident d'intérêt de se remettre au
boulot.
Martin Hirsh joue ainsi sur
les mots et sur les caractères de durée, de cumul et de complément pour vanter l'intérêt du RSA. Or, à y regarder de plus prés dans les bilans des expérimentations menées par 40 départements en
2007, on découvre que le montant du RSA varie de 192 à 252€, mais qu'un barème ainsi qu'un taux de cumul est librement fixé par les Conseils Généraux. Autrement dit, selon où on habite, on touche
un certain montant de RSA cumulé avec 60, 65 ou 70% seulement de son nouveau salaire .
Admettons qu'en gagnant seulement 238€ avec mes neuf heures par semaine j'ai droit au max annoncé c'est à dire 252€ de RSA, cela me ferait un revenu total de... tandaaaam: 490€!
Y'a pas, le RSA c'est vachement plus intéressant...
Pourquoi ne touche-t-on pas la totalité de son salaire si on retravaille? Qu'est-ce qui détermine le montant du RSA? Y aurait-il un montant garanti prévu et à combien s'élève-t-il? Pourquoi
ses variations selon les départements?
Je peux vous dire que je commence à ne plus rien comprendre au bidule, et je pense que l'on est nombreux à s'effarer du manque d'information claire sur le sujet. Par contre, c'est trés facile de
voir où le gouvernement veut en venir si on retient que le RSA est destiné à terme à remplacer le Prime Pour l'Emploi. C'est tout à fait schyzophrène venant d'une loi sensée lutter contre la
précarité et pourtant.
Trés concrètement, ce qui fait tout perdre lorsque l'on retravaille, c'est de décrocher un temps plein au Smic. Contre cela aucun plan n'est annoncé alors que le centre névralgique du problème se
situe exactement en ce point. Mais, vous avez toujours droit à la PPE. Première mesure incitative, elle est versée individuellement dans son montant maximum à chaque Smic à temps plein quelque
soit la composition du foyer. Beaucoup moins coûteux, le RSA lui est un droit familialisé prenant en compte tous les revenus du ménage. A un couple aux revenus inférieurs au Smic, on garantira
plus d'avantages illimités dans le temps, soit la promesse vague d'un gain d'au moins 50% des salaires cumulés en recevant un RSA complet.
Ma foi c'est troublant, voilà que de travailler moins c'est bien plus que de travailler plus. Avec un temps plein les choses se compliquent effectivement trés vite, on devient imposable, soit un
mois de salaire à mettre de côté chaque année, on perd ses droits d'aide au logement, donc débrouillez-vous pour payer un loyer avec un salaire de seulement 1005€, et comme on dépasse le plafond,
on n'a plus droit à la CMU et à toute forme d'exonération de la taxe d'habitation.
Ah! me direz-vous, c'est bien joli tout ça! Seulement pour toucher le fameux plus du RSA, encore faut-il trouver un emploi? Oooh, le joli caillou que voilà dans la chaussure de Martin.
Et bien figurez-vous que cela a dû être pris en compte durant les expérimentations. Comble d'une mesure incitative à la reprise d'un travail, il a été nécessaire de mobiliser un supplément
coûteux d'acteurs sociaux auprés des groupes de RMIstes inscrits au dispositif pour un renforcement de leur accompagnement pour l'emploi.
A l'heure actuelle, les expérimentations laissent encore pas mal de zones d'ombres permettant de douter de l'économie faîte grâce au RSA et de son efficacité pour diminuer la pauvreté. A tel
point que des conséquences inverses sont précisement évoquées dans le Livret
Vert (pdf) édité par Hirsch lui-même, ce qui laisse sous-entendre la direction sciemment prise par le gouvernement et totalement contraire aux objectifs du départ. Notamment l'effet pervert
de cette mesure qui offre une aubaine aux employeurs de multiplier les contrats précaires, entraînant une dégradation supplémenatire de la qualité de l'emploi et l'augmentation de temps partiel
subi. Mais on peut également craindre un retrait des femmes du marché du travail selon les observations faîtes à la suite d'une mesure équivalente aux Etats Unis, The Earned Income Tax Credit.
Elles pourraient en effet être au contraire incitées à réduire leur temps de travail, voire à cesser leur activité. Car si dans un couple au chômage, le retour à l'emploi de l'un des deux
pourrait améliorer leurs revenus, pour la deuxième personne qui souvent est la femme, l'intérêt est moindre au regard du coût induit par la reprise d'une activité, c'est à dire le transport, la
cantine, mais surtout les frais de garde des enfants.
Au final, avec les éléments rassemblés aujourd'hui, l'application du RSA nous fait raisonnablement craindre une augmentation des travailleurs pauvres, une baisse significative du nombre d'heures
travaillées dans notre pays et consécutivement un surcoût pour l'Etat.
Sources:
Portail
du Gouvernement
RMIstes en baisse sur Maire-Info
Les internautes polémiquent sur le RSA
Centre de Recherche en Economie de Sciences politiques
Photos Escheresque
de HamburgerJunger