« Man vs SARM », c'est le titre de la nouvelle alerte, lancée, dans la revue Nature, par le Dr. Daum, fondateur du Centre de recherche sur le SARM de l'Université de Chicago, sur le risque d'épidémie lié à cette nouvelle souche, d'origine communautaire –et non hospitalière- du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM). Pendant des décennies, Robert Daum a étudié et déjà alerté sur les dangers de cette souche. Il ajoute, avec cet article, aux conclusions de la très récente étude publiée le 1er février dans le Journal of Infectious Diseases qui informe la communauté scientifique sur le caractère hautement pathogène de ce SARM « qui s'attrape » en dehors de l'hôpital. L'urgence, pouvoir développer très rapidement un vaccin.
En 1995, le Dr Robert Daum de l'hôpital des enfants de Chicago avait du prendre en charge des infections qui avaient touché une vingtaine d'enfants dans son service d'urgence. 3 enfants étaient atteints d'une pneumonie qui évoluait rapidement, un 4è présentait un abcès énorme dans un muscle. Chez un 5è enfant, la bactérie avait infecté les os d'un pied. Les infections se montraient résistantes à de nombreux antibiotiques, dont la méthicilline. Le coupable, le SARM. Pourtant aucun des enfants n'était passé par une hospitalisation durant les mois précédents.
A l'époque le Dr Daum avait publié en 1998 un article dans le Journal de l'American Medical Association (JAMA) rapportant ces cas, alertant sur le danger de cette nouvelle souche de SARM, d'origine communautaire et non hospitalière et sur ses caractéristiques particulières en comparaison des souches hospitalières.
A nouveau, le Dr Daum tire la sonnette d'alarme dans la revue Nature sur le risque d'épidémie. Alors qu'au cours des 10 dernières années, le SARM est devenu résistant même aux antibiotiques de dernier recours, alors que les laboratoires rechignent à développer de nouvelles molécules pour contrer une bactérie dont l'évolution des résistances est trop rapide pour amortir leurs coûts. Des laboratoires, Nabi Biopharmaceuticals, GlaxoSmithKline et Merck ont bien fait des tentatives mais n'ont pu aboutir. Robert Daum, de son côté, travaille, avec son équipe, à une stratégie vaccinale qui stimule les lymphocytes T, qui jouent un grand rôle dans la réponse immunitaire secondaire, une stratégie soutenue ou discutée par de nombreux scientifiques.
L'épidémie serait en progression : Les cas d'infection au SARM "communautaire" se multiplient, selon les rapports des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), 4 enfants seraient décédés en 2011 de ce type d'infection, des foyers seraient identifiés dans les prisons, au sein de certaines équipes sportives, chez un nombre anormalement élevé de patients arrivant en services d'urgence. Les médecins déclareraient des cas inattendus d'infections graves de type pneumonie nécrosante causés par cette souche acquise en collectivité.
Selon une estimation, le SARM acquis en communauté serait ainsi responsable de plus de 14 millions d'infections de la peau et des tissus mous entraînant hospitalisations ou visites aux urgences, d'environ 100.000 infections graves du sang et de plus de 15.000 décès chaque année.
La bactérie SARM acquise en communauté est résistante à presque tous les antibiotiques. Le staphylocoque doré vit sur la peau ou dans les narines d'un tiers d'entre nous, la plupart du temps sans causer de maladie, ce qui signifie qu'une grande partie d'entre nous possède déjà des anticorps. Pourtant ces anticorps ne signifient pas « protection », une personne sur quatre qui aura une infection à SARM développera un autre type d'infection.
La piste vaccinale repose sur les protéines pro-inflammatoires appelées interleukine-17, produites par une branche différente du système immunitaire que celle qui fabrique les anticorps, mais qui semblent toujours impliqués dans la mémoire du corps de l'exposition à ces agents pathogènes. Le Dr Daum estime que ces cellules TH17 sont la clé du vaccin contre S. aureus. Des essais sont en cours à l'Université de Chicago : "Nous voulons développer un vaccin qui prévient la maladie invasive, la pneumonie et les infections de la peau», explique Daum, en bref qui lutte contre 3 types d'infections bien distincts.
Ensuite, précisent les auteurs, restera la question de la couverture vaccinale. Car d'origine communautaire, cette souche du SARM peut toucher chacun d'entre nous. «Il s'agit d'une épidémie universelle, et il devrait y avoir un vaccin universel», conclut le chercheur.
Source: Nature 482,23–25 -02 February 2012 doi:10.1038/482023a « Vaccine development: Man vs MRSA” (Visuel CDC)
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