Dans le dossier presse d’Edi Casabella, on pouvait lire cette mini-bio si enigmatique « Il suffit parfois d’une guitare et de sincérité pour faire vibrer les cœurs. Edi Casabella est de cette trempe de musiciens qui en quelques accords et un freestyle bien senti font s’envoler les notes et créent des mondes. Poète autodidacte, il fait une musique qui lui ressemble, et qui du coup ne ressemble à aucune autre. Réaliste, crue, parfois dure comme un uppercut, la plume d’Edi n’a peur d’aucun sujet, d’aucune injustice. Entre les notes, pointe la fraicheur et la rage d’une jeunesse qui se bat avec le monde qui l’entoure. A fleur de peau, à fleur de mots, Edi Casabella promène son regard sur une société qui n’est pas avare de contradictions. Voyageur immobile, ses textes transportent au rythme des mots scandés comme autant de refrains chamaniques. »
Un grand sourire vint se coller à mon visage, on parle bien du même Edi que j’ai connu en fin 2005 mais dans un registre musical différent de ce qu’il fait aujourd’hui. J’explose de joie en écoutant ses nouvelles chansons, des images et des souvenirs se forment dans ma tête dès qu’Edi Casabella entame le premier morceau parce qu’avant « Au-delà des rêves », j’ai côtoyé « Histoires Urbaines ».
Comme cet ami que tu as perdu de vue depuis tant d’années et le fait qu’il réapparaisse d’un coup de baguette magique, la rencontre musicale avec Edi Casabella m’a rajeunit de 6 ans. J’ai remis dans mon Archos la chanson « Les clefs d’ma jeunesse », j’étais prêt pour m’éclater le coeur, pour la rencontre tant attendue avec ce poète élevé au milieu des scorpions :
Edi Casabella, du rap à la chanson ?
Ma première rencontre avec Edi c’était il y a quelques années, lors d’une écoute d’un album très prometteur « Le Street CD » de Kargal Prod et cette chanson qui me faisait vibrer la chair « Les clefs d’ma jeunesse »
J’aimais beaucoup cet Edi qui avait la rage (sourire)
Edi Casabella (surpris) : Oulala c’est excellent ! Ben quand j’avais 17 ans, j’ai déballé ce que j’avais à dire à la manière qui me semblait la plus juste pour moi (Cf. l’album Histoires Urbaines) et puis à 25 ans, on dit les choses d’une manière différente.
C’est donc une évolution logique ?
Tout à fait et puis aujourd’hui la musique que je fais c’est le canal le plus juste tout simplement !
En restant dans « Cette époque », je me rappelle d’une chansons « L’enfant seul, c’est moi » où tu remerciais Oxmo Puccino de t’avoir permis de raconter ton histoire. Une de tes plus grandes références ?
Je trouve qu’Oxmo est entrain de faire une oeuvre globale qui voue le respect. En écoutant sa discographie, de son premier album Opéra Puccino en passant par Lipopette Bar jusqu’au dernier L’Arme De Paix, il a une vraie démarche artistique et à aucun moment il n’a voulu être commercial, il a juste été lui même. Donc pour moi, artistiquement parlant, c’est comme un grand frère, et c’est quelqu’un que je respecte énormément. Donc quand tu écoutes « L’enfant seul », tu te l’appropries et accidentellement elle a donné la chanson dont tu parles.
Peut-on dire qu’il y a encore un coté « Rap » chez Edi ?
Absolument ! Le rap a fait parti de mon éducation, je ne lisais pas beaucoup mais j’écoutais énormément de musique. Je me suis nourri de rap et au final c’est en moi (sourire).
L’enfant seul est-t-il devenu poète ?
Poète ? On me le dit quelques fois mais … (silence), je ne crois pas que je suis un poète.
Pour Edi de Kargal Prod et Edi Casabella, le message reste toujours le même ?
Certainement. Je crois, qu’aujourd’hui je ne suis plus dans une crise existentielle mais plus dans la vie ! Mon message est donc le même, mais c’est la manière de le dire qui est différente. J’ai besoin de plus de douceur dans les mélodies et surtout de chanter, parce que j’aime chanter (rires).
Edi avec la chanson « Puisque le soleil meurt », tu avais trouvé une manière super originale de présenter ta musique et pour la même occasion te présenter aux plus curieux.
Tu avais donc posté sur un site dédié cette chanson ainsi que ce texte : « J’aimerais que vous écoutiez ce titre à fond sans rien faire. L’idée est d’accueillir de la musique comme on ne le fait plus, Ne faire que ça, arracher quelques secondes au temps… ».
C’était une sorte d’introspection, un voyage un peu intérieur et j’ai tout simplement essayé de me poser les bonnes questions, les plus « justes » en tout cas…
Mais il y a quand même une petite histoire derrière ce morceau non ? Le symbole du triangle qui aujourd’hui tu l’as sur la peau, tu te l’es tatoué le jour où tu as écrit « Puisque le soleil meurt » …
La chanson « Puisque le soleil meurt » je l’ai écrite sur deux jours, après je me suis fait tatouer et ensuite j’ai enregistré le morceau (sourire).
Et ce triangle, que représente-t-il ?
Pleins de choses (rires). Ce qui m’a frappé au tout début c’est les calculs de Thalès, ils étaient inspirés également par la pyramide. Et pour calculer la hauteur de cette dernière, ils le faisaient à partir de l’ombre portée du soleil. C’est parti un peu de là, parce que je trouvais la métaphore très intéressante de calculer la hauteur des choses par rapport à leurs ombres portées.
Des duos virtuels à couper le souffle !
Après un premier EP « Là où les vagues se tuent », tu as eu la bonne idée de faire découvrir ton univers avec des duos virtuels…
Tu veux que je te parle du procès aussi ? (rires)
Pour l’instant, on reste sur les chansons (rires). C’est des artistes dont tu te sens proche ?
C’est des artistes que j’aime beaucoup, j’adore Asaf Avidan, Benjamin Biolay, j’ai bien apprécié aussi l’univers de Lana Del Ray. J’avais du temps avant de réaliser l’album, j’ai eu l’occasion d’aller en studio et j’en ai profité pour enregistrer ces duos virtuels. On s’est fait plaisir à réaliser cela dans un délai de deux ans (sourire), mais je te rassure, il n’y a eu aucun « coup marketing », juste le plaisir le plaisir et puis le plaisir (sourire).
C’est le coté atypique du projet qui t’a donné envie de réaliser ces duos ?
Absolument ! Je suis un grand consommateur de musique, et sans rentrer dans le « ouvrir son univers à d’autres styles musicaux » mais j’aime écouter de tout. Dans mon ipod, il n’y a aucune chanson de moi (sourire). On peut dire que ce sont des artistes qui m’ont touché à un moment de ma vie, et dans l’impossibilité de faire un vrai duo avec eux, je me suis contenté d’en faire des duos virtuels. N’empêche, ça se fait beaucoup dans le rap, j’ai juste eu envie de le faire dans la chanson…
Des rêves qu’on défait, des mots sur du papier…
Sur le premier EP « Là où les vagues se tuent », j’ai remarqué que tu as gardé une de tes anciennes chansons « Ecchymose »
Je ne sais pas si tu te rappelles mais sur Histoires Urbaines j’avais fait beaucoup de piano-voix, et « Ecchymose » c’est vraiment la bascule ! Tu sais ce morceau, c’est ce qui a fait qu’aujourd’hui je fais de la musique (silence)
Par contre, j’ai été super content de retrouver sur ton dernier EP « Préludes des rêves (en attendant l’album) » une de mes chansons favorites, qui jadis s’appelait « A la recherche du Bonheur » et qu’aujourd’hui tu l’as renommé « Au-delà des rêves ». Pourquoi ?
(sourire) Ce texte date de quelques années, et je crois que ce n’est pas parce qu’on a fait des choses y a longtemps qu’au final elles ne sont plus bonnes ou elles ne te représentent plus. Et puis, ça me semblait inconcevable de sortir mon vrai premier disque sans cette chanson.
En écoutant tes chansons, y a cette impression que finalement Edi n’a fait aucune concession …
Je n’ai fait aucune concession c’est vrai, j’ai juste remarqué en fait que tout tourne autour de l’amour (sourire), tu ne peux pas rester indifférent à ce qui se passe autour. J’ai juste trouvé la manière de faire de la musique par amour et avec amour (rires).
Un peu perché ce que tu me dis là (rires)
(rires) En tout cas pour moi c’est la clé !
Mais à part l’amour dans tes chansons, y a certains thèmes qui reviennent souvent : La mélancolie, la désillusion, la fatalité …
Dans ma vie je me sens super bien (sourire), mais toute la mélancolie elle passe par l’écriture. Je suis même quelqu’un de marrant (rires), je suis bien dans mes baskets !
Tu sais, c’est facile un premier album. Tu parles de toi tu parles des autres tu parles de ta vie … C’est un peu la quête d’une vie aussi. Ce que je cherche, c’est d’arriver à être en paix avec moi-même, je suis dans ce délire de ceux qui pensent que le monde appartient à celui qui ne possède rien. La musique, elle m’aide pour que je puisse être en accord avec moi-même. J’ai fait aussi ce choix de vie d’être en marge quelque part …
Si je dois choisir qu’une chanson, ça sera surement « Le Dernier Géant ». La beauté étrange de ce morceau n’a pas fini de flirter avec la grâce … ça reste quand même une chanson particulière ?
Tu as compris quoi de cette chanson (sourire timide) ?
Je ne peux pas expliquer … Un effet assez bizarre je dois dire , qui résume un peu ton état d’âme … tes (mes)aventures … un grand frère qui te guide … une enfance mal vécue … J’ai vu juste ?
Cette chanson, je l’ai écrite pour mon père parce que je n’ai pas eu la chance de vivre avec lui … (silence) … Pendant des années, je n’ai pas pu le voir, « Le Dernier Géant » c’est plus ma vision d’enfant…
J’ai été complètement à côté de la plaque …
Non pas du tout ! Ce qui est super avec les chansons c’est la manière avec laquelle tu te l’appropries ou comment tu la ressentes. Je vais être franc avec toi, je ne m’écoutes jamais ! J’écoute la chanson à fond, une fois qu’elle est enregistrée, mixée, etc elle ne m’appartient plus !
Et puis tu es un petit privilégié, tu connais déjà cette chanson (Cf. « Le Dernier Géant »), mon père ne l’a pas encore écouté (sourire). Je ne veux pas vraiment qu’il l’écoute maintenant, je préfère qu’il attende la sortie de l’album.
Ça a une grande importance à mes yeux, « Le Dernier Géant » c’est ma chanson de coeur (silence).
« Au-delà des rêves », une aventure humaine, la quête d’une vie
« Funambule », est une chanson où on ressent la douleur vive d’un écorché vif, submergé par les regrets. Je pensais qu’Edi avançait sans aucun regret !
(il réfléchit) A la base, c’est parti d’une chanson de Noir Désir qui avait repris un morceau de Léo Ferré, Des Armes. J’ai donc, à ma façon, écrit « Faut prendre des armes des armes, des belles et des brillantes, du Noir Désir au bleu des flammes » . Je pensais carrément que c’était une chanson de Noir Désir et non de Léo Ferré.
Il y a des chansons où j’ai mis deux ans pour les écrire, mais celle-là elle a été écrite très rapidement en pleine nuit, trente minutes même pas !
Il y a ce passage très intéressant où tu dis « Le temps s’en va, je me déteste. Le jour où Nina Simone a cessé de chanter, l’instant où la nuit sans me prévenir viendra m’égorger, … j’observe ce que j’aurai pu être ».
Si je dois mourir demain, j’aimerai être cool. Je ne vais pas trop intellectualiser, il suffit d’écouter la chanson (sourire).
Le visuel a aussi une grande part dans tes chansons. Je prends par exemple la chanson « Alone », qui a une sonorité particulière et avec le clip tourné en Amazonie, on prend une véritable claque que ça soit niveau paroles, mélodies ou les belles images qui accompagnent la chanson.
Concernant « Alone », c’est parti d’un riff de Benoit Toulemonde (réalisateur du clip). A la base, nous voulions faire un EPK en Amazonie, j’avais vraiment besoin d’écrire dans un autre endroit et de me mettre en difficulté, d’un défi un peu physique. La chanson parle de ce voyage en Amazonie mélangé avec un voyage intérieur vu qu’on a eu une expérience un peu chamanique là-bas (sourire).
A croire que l’Amazonie est un coin de paradis pour Edi vu qu’il y a eu déjà à l’époque d’ « Ecchymose », une chanson sur l’« Amazonie » (qui s’appelle aujourd’hui « Inconsolable ») :
Tu parlais tout à l’heure de ce choix assumé d’être en marge de certaines choses, mais jamais seul ! Il y a eu toujours tes potes d’enfance …
Je suis en binôme avec un ami qui s’appelle Shei Tan, qui a été bercé par la photographie dés son plus jeune âge, et qui est un excellent photographe et cinéaste. Et donc comme tu le sais, je développe avec lui une marque qui s’appelle Hobo & Mojo.
Ah Shei Tan ! ça me dit quelque chose, t’en parlais de lui dans ta chanson « Si on m’avait dit »…
(rires) Mais tu sais tout de moi !!!
Pas tout, mais presque (rires). Sinon, cette marque de vêtement Hobo & Mojo, ce n’est pas juste une « marque » mais plus une manière de vivre ?
Exactement ! A la base, c’est plutôt un mode de vie. On vit vraiment comme des vagabonds, on est en rupture avec beaucoup de choses mais ça ne veut pas dire qu’on ne vit pas dans la vie réelle, ni qu’on n’est pas conscient de ce qui se passe autour de nous. L’idée est de faire quelque chose de différent, de démocratiser l’art !
En tout cas, ce n’est en aucun cas un « coup marketing » pour vendre des t-shirts. Je ne sais pas s’il y a un message, mais je remarque que sur les t-shirts y a souvent des portraits de personnes qui ont bien morflé dans leur vie.
Tu n’as pas encore vu les nouveaux t-shirts qui arrivent (rires). En bas de chaque t-shirt y a ce slogan qui est marqué Élevé au milieu des scorpions, j’apprends le chant des oiseaux… Je ne pourrai pas t’expliquer chaque photo, mais au final on remarque que la photo va avec la phrase.
En tout cas, on ressent ta poésie dans ce projet … différemment, mais on la ressent !
Le vrai Edi Casabella c’est l’Edi qui fait de la musique et tu rajoutes Hobo & Mojo. Et je crois que c’est pareil pour Shei Tan, il fait d’excellents trucs à coté, par exemple son projet « A Parrallel World » qui parle des derniers chamans :
Hobo & Mojo faisait tellement parti de nous, qu’on ne pouvait pas ne pas le lancer ce projet !
Pour finir : Que peut-on trouver « Au-delà des rêves » ?
(grand sourire) Au-delà des rêves, il y a la vie. C’est un truc de chaman, on dit « La vie est un rêve,le rêve c’est la vie » !
EP « Préludes des rêves (en attendant l’album) », sortie le 19 janvier 2012 chez EMI
EP « Là où les vagues se tuent », sortie le 29 novembre 2010 chez EMI
Le film « A Parallel World » de Shei Tan, disponible en DVD (Inclus bonus et clip Inconsolable) : Pour le commander, [email protected]
[Show as slideshow]Crédit Photo : SLG Photographies
Remerciements : Edi Casabella, pour nous avoir accordé ce long entretien, ainsi qu’Audrey V. d’EMI