Wrecked n’a pas de chance : il arrive après la bataille. Sur un même sujet (le survival d’un homme seul face à la nature), Boyle et Skolimowski ont, l'année dernière, respectivement accouché de deux trips stupéfiants (127 heures et Essential Killing). A côté, le premier essai de Michael Greenspan, et ce même s’il possède quelques bonnes trouvailles, fait pâle figure. A l’instar de James Franco et Vincent Gallo, Adrien Brody livre une prestation épatante en homme blessé, amnésique, forcé à la survie. Le film repose entièrement sur ses solides épaules. Avec une composition subtile et nuancée, aux confins de la folie comme au cœur des flashs de lucidité, il défend avec ardeur le projet (pour le coup, il est aussi l’un des producteurs exécutifs du film). Grâce à lui, le sort de ce personnage sans passé et sans identité nous importe. En outre, l’identification est possible, non pas parce que l’inconnu est jugé (socialement), ou collé dans une case (gentil, méchant), mais parce qu’il nous apparaît dans toute sa nudité d’humain : un bloc d’émotions, des besoins (manger, boire, pisser), une infériorité indubitable face au règne animal, et naturel.
Greenspan, en passant d’un manichéisme redouté à un humanisme surprenant, fait mouche. Coup double d’ailleurs puisqu’on ne sait jamais (avant la fin un peu trop explicative) si Brody se situe du bon côté de la ligne ou non. Pourtant cela ne fonctionne pas à 100%. En masquant l’âpreté du survival, le cinéaste affiche clairement ses intentions : il voulait avant tout un thriller, un petit film concis et bien monté pour divertir. Pas un film de genre. Un choix qui l’empêche de creuser des pistes pourtant alléchantes (religieuses ou spirituelles), et qui le limite/condamne au strict minimum.